Billet d'un jour 2008

Ces billets sont écrits en réaction à des évènements, des propos significatifs (du fait de leurs auteurs ou de leurs contenus), des décisions prises ou éludées. Ils peuvent aussi être l' expression d' une inquiétude, d' une irritation ou d' une colère. Je peux même m' autoriser de temps à autre un épanchement d'humanisme ou un appel à telle ou telle des valeurs qui font la qualité humaine...


  • DECEMBRE 2008 :
  • Frappes de fin d'année, Quand Baverez tente de récupérer Keynes, Climat : une étape décisive
  • NOVEMBRE 2008 :
  • Inquiétant CO2, Obama élu, Une veille chargée d'incertitudes
  • OCTOBRE 2008:
  • 25 000 000 000 000 $, Face à la crise financière, Fort rebond des bourses, Quand une crise en masque une autre, Le Plan Paulson adopté par le Congrès
  • SEPTEMBRE 2008 :
  • Bush contré par le Congrès, La vérité si je mens, 0 + 0 = 0., L'humanité vit au dessus de ses moyens, Mille milliards de sabords, Surmortalité des abeilles, Bush sauve Freddie et Fannie, Eau : les limites, La bombe inégalitaire
  • AOÛT 2008 :
  • Technoscience et santé,  Dans la gueule..., Inentendus tocsins, Des zones océanique sans vie, La 6ème extinction des espèces, Un inquiétant sac d'embrouilles, Obama et l'American way of life.
  • JUILLET 2008 :
  • Blocage à l'OMC, Au nom de Dieu, Le Trésor US au secours de Freddie et de Fannie, Dérèglements et dissensions, La Russie hausse le ton
  • JUIN 2008 :
  • Plantes et bêtes s'adaptent, Vingt ans déjà..., Une menace planétaire ?, Monsanto Bayer BASF and Co, Méduses proliférantes, Les plus pauvres dépérir tu laisseras..., La démocratie dévoyée, Résolutions et vœux pieux
  • MAI 2008 :
  • La faute au système ?, Destruction massive d' espèces
  • AVRIL 2008 :
  • America über alles ?, Lula contre Ziegler, De nouvelles vues sur l'agriculture ?, Crime contre l'humanité, La FAO s'alarme, Des courtiers performants, Prix alimentaires, Du micro-crédit au bien-vivre universel
  • MARS 2008 :
  • Obama et la question sociale, Rice Obama et la question raciale Le plein ou la vie ?, Une irresponsabilité illimitée ?, Obama s'affirme, La crise selon Bush, Un glas funeste, Le choc d'un mot
  • FÉVRIER 2008 :
  • McCain/Obama sur l'Irak, Obstination présidentielle ?, Instabilité présidentielle, Géosciences salvatrices, Des loups dans la bergerie ?, Crise alimentaire, Gaz à effet de serre US
  • JANVIER 2008 :
  • Un président calamiteux, Alors que dollars et euros s'évaporent par milliards…, A tâtons, Visites présidentielles au Moyen-Orient, Production d'eau, Soupir, Menaces et sagesse
  • DÉCEMBRE 2007 :
  • Quand Sarkozy prêche, L'Amérique de Bush contre le monde

    Décembre 2008

    Frappes de fin d'année

     Samedi 27, attaque aérienne israélienne sur Gaza : environ 150 morts et 200 blessés ; l’objectif affiché est de faire cesser les tirs de roquettes du Hamas sur le territoire d’Israël. Dimanche 28, nouvelles frappes aériennes : 205 morts et près de 400 blessés ; le Hamas lance encore une cinquantaine de roquettes, tuant une Israélienne. Lundi et mardi, attaques et tirs se poursuivent ; enfermée dans ce bout de territoire, la population, qui manque de tout, survit dans l’angoisse ; un soldat israélien aurait été tué par une roquette ; l’objectif de l’opération serait maintenant d’affaiblir durablement le Hamas ; il pourrait être aussi d’effacer le souvenir de l’échec de l’intervention au Liban de l’été 2006 et de relever la cote des partis de la coalition au pouvoir en vue des prochaines élections.
     Retiré dans son ranch du Texas pour les fêtes de fin d’année, le président Bush a laissé  Condoleezza Rice suivre les événements et son porte-parole exprimer ses vues : “Le Hamas a une fois de plus montré son vrai visage d’organisation terroriste qui refuse de reconnaître jusqu’au droit à l’existence d’Israël. Le Hamas doit cesser ses tirs de roquettes sur Israël et accepter d’observer un cessez-le-feu viable et durable pour que les violences actuelles s’arrêtent (...). Les États-Unis comprennent qu’Israël doive agir pour se défendre. Israël a signifié clairement qu’il n’entendait pas reprendre Gaza, qu’il veut seulement que les gens du sud d’Israël puissent vivre en paix”. Les dirigeants occidentaux appellent à un cesser-le-feu auquel personne ne croit, puisque le gouvernement israélien le rejette et que Washington en bloquerait la demande devant le Conseil de sécurité de l’Onu.
     Ce soir, le nouvel an. À Gaza, le massacre continue et sous la menace permanente d’une intervention des blindés, la population subit une punition collective que prohibent les conventions internationales. Par décence, quelques gouvernements de pays arabes ont annulé les célébrations officielles des fêtes de fin d’année.

        Mercredi 31 décembre 2008

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    Quand Baverez tente de récupérer Keynes

     Je pensais Nicolas Baverez irrémédiablement libéral - dans le sens français du terme : partisan du laisser-faire en économie. N’était-il pas encore présenté comme “historien et économiste libéral” pour l’interview publiée dans le JDD du 8/9 IX 2007 ? N’y déclarait-il pas  : “La France a attendu un quart de siècle, maintenant elle doit agir, et vite. Il est impossible d'éviter une thérapie de choc. L'urgence, c'est le travail (...). Nicolas Sarkozy a été élu sur un mandat clair de réforme et de rupture” ? Cette thérapie de choc ne faisait-elle pas écho aux stratégies du choc prônées par les ultra-libéraux aux États-Unis depuis les années 1980 ?
     Et voici que le même Nicolas Baverez semble métamorphosé. Il publie aujourd’hui dans le Monde un article intitulé en toute simplicité “Le keynésianisme de Keynes”. Il déborde de keynésianisme : “L'effondrement simultané du crédit, de l'immobilier et des marchés financiers débouche sur une configuration typiquement keynésienne (...). Une politique keynésienne mondiale a répondu au risque systémique pesant sur les institutions financières et à la menace d'une déflation (...). Logiquement, les dirigeants qui émergent de cette année terrible sont ceux qui ont tiré les conséquences de la nature keynésienne de la crise : Barack Obama, Nicolas Sarkozy et Gordon Brown”. Certes, le mot “keynésien” n’engage à rien : il y a eu tant de keynésianismes depuis les travaux de Keynes...
     Mais Baverez prétend parler du “keynésianisme de Keynes” et il va jusqu’à écrire : “Si Keynes est de plain-pied avec le XXIe siècle, c'est (...) en bref, par son libéralisme”. Sauf que le libéralisme de Keynes était avant tout éthique, sociétal et politique et qu’il l’a précisément conduit à combattre toute sa vie l’idéologie et les politiques économiques libérales. Mais laissons parler Keynes : l'amour de l'argent “est un état morbide plutôt répugnant, l'une de ces inclinaisons à demi criminelles et à demi pathologiques dont on confie le soin en frissonnant aux spécialistes des maladies mentales”. Et “le capitalisme international, et cependant individualiste, aujourd'hui en décadence, aux mains duquel nous nous sommes trouvés après la guerre, n'est pas une réussite. Il est dénué d'intelligence, de beauté, de justice, de vertu, et il ne tient pas ses promesses. En bref, il nous déplaît (...)”. Et encore : “Les spéculateurs peuvent être aussi inoffensifs que des bulles d'air dans un courant régulier d'entreprise. Mais la situation devient sérieuse lorsque l'entreprise n'est plus qu'une bulle d'air dans le tourbillon spéculatif. Lorsque, dans un pays, le développement du capital devient le sous-produit de l'activité d'un casino, il risque de s'accomplir en des conditions défectueuses”.
      Voilà quelques jugements qui découlent du “libéralisme de Keynes”. On est à l’opposé du “libéralisme de Baverez et de ses maîtres” ; dès lors, l’article du Monde apparaît comme une nouvelle tentative de récupération de Keynes ; une tentative “hénaurme”, à la limite de l’absurde, un peu comme si on utilisait quelques bribes de la biologie moderne pour étayer les thèses créationnistes.

        Mercredi 17 décembre 2008

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    Climat : une étape décisive

     “Le temps presse, les travaux doivent passer la vitesse supérieure”, a déclaré Yvo de Boer, secrétaire exécutif de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), à l’ouverture de la conférence de Poznan. Cette conférence, précise ce soir l’Associated Press, réunit jusqu'au 12 décembre 10 000 participants - représentants de 190 pays, experts et défenseurs de l'environnement. Elle s’inscrit dans la longue chaîne de négociations qui préparent l’adoption du nouvel accord appelé à se substituer au protocole de Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre (GES), qui expire en 2012 : la conférence de l'ONU sur le climat à Bali  a, en décembre dernier, fixé pour objectif la signature d'un accord en décembre 2009 à Copenhague ; Poznan est donc une étape décisive entre Bali et  Copenhague.
      Or, depuis 2000, les émissions de CO2 ont continué d’augmenter. Si ce mouvement se poursuit, on risque de réelles catastrophe a averti Rajendra Pachauri, président du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) : l’extinction de près d'un tiers des espèces, une élévation de plusieurs mètres du niveau des océans, une aggravation des pénuries d'eau ; pour l’éviter, “les émissions de dioxyde de carbone (CO2) et d'autres GES devront être stabilisées à l'horizon 2015 et ensuite baisser fortement”.
      À l’évidence, cette conférence est en porte-à-faux puisque Bush le second est encore pour quelques semaines à la Maison blanche, Mais le premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen, dont le pays accueillera dans un an la conférence où doit être signé l’accord de l’après--Kyoto, a tourné ma page : il s'est dit “ravi” que M. Obama fasse de la lutte contre le changement climatique une priorité et a déclaré espérer “un leadership américain fort dans le dossier du climat” ; il a également évoqué un “fort engagement chinois” et estimé que "la volonté politique pour aboutir à un accord en 2009 est claire".
     Mais il y a la crise, les difficultés de financement, l’affaissement du marché occidental de l’automobile, la chute du cours du pétrole et surtout le fait qu’aucun des dirigeants des grands pays occidentaux n’a compris que la meilleure manière de sortir de la crise actuelle est de tout jouer sur une nouvelle croissance verte. Obama candidat semblait l’avoir compris. Président en exercice à partir du 20 janvier prochain, l’osera-t-il ?

         Lundi 1er décembre 2008


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    Novembre 2008


    Inquiétant CO2

    Nous ne pouvons pas laisser la crise financière et économique nous amener à différer la mise en oeuvre de la politique, dont nous avons un besoin urgent, pour assurer une offre énergétique sûre et réduire les émissions croissantes de gaz à effet de serre. Nous devons engager une révolution énergétique globale en promouvant l'efficacité énergétique et en accroissant le recours aux énergies peu émettrices de carbone; ce n'est pas un de ces écologistes ou environnementalistes si facilement accusés de vouloir revenir à la lampe à huile qui s' exprime ; c'est Nobuo Tanaka, le directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie, lors de sa présentation, hier à Londres, de l'édition 2008 du World Energy Outlook. D'après le scénario de référence, la demande mondiale d'énergie primaire croîtrait de 45 % de 2006 à 2030: il s'agit principalement du pétrole et du charbon, même si les énergie renouvelables modernes doivent progresser rapidement à partir de 2010.
     Mais, avertit Nobuo Tanaka, les tendances actuelles sont manifestement non-soutenables - environnementalement, économiquement et socialement; elles peuvent et doivent être sérieusement infléchies: en effet, la croissance des importations des régions de l'OCDE et de l'Asie en développement, alors que la production se concentre dans un petit nombre des pays, risque de conduire à des ruptures d' approvisionnement et à de vives variations des prix, ainsi qu'à un niveau d'émission des gaz à effet de serre susceptible d'engendrer une augmentation moyenne de la température terrestre de 6°C.
     Dans ce cadre, l'amélioration de l'efficacité énergétique et un recours massif aux énergies peu émettrices de carbone deviennent nécessairement des composantes d' une politique énergétique mondiale. Mais il va être extrêmement difficile de limiter les émissions de CO2 suffisamment pour que la température terrestre n' augmente pas de plus de 2°C : même si les pays de l'OCDE ramenaient leurs émissions à zéro, cela ne suffirait pas ; une action concertée de tous les principaux émetteurs de  CO2 est donc nécessaire...

     Ah, si les principaux émetteurs de  CO2, l'Opep, l'Agence internationale de l'énergie, avaient pris en charge ce problème dès 1992 (Sommet de Rio de Janeiro) ou dès 1997 (signature du protocole de Kyoto), si le président Bush n'avait pas depuis 2000 détourné son pays de la lutte contre le réchauffement climatique et si..., nous n'en serions pas là !
     Avant-hier, dans une interview publiée par le
    Monde, Claude Lorius, père de la glaciologie moderne, interrogé sur le “développement durable, répondait : c'est une notion à laquelle je ne crois plus (...). C'est un terme trompeur. Avant, j'étais alarmé, mais j'étais optimiste, actif, positiviste. Je pensais que les économistes, les politiques, les citoyens pouvaient changer les choses. J'étais confiant dans notre capacité à trouver une solution. Aujourd'hui, je ne le suis plus... sauf à espérer un sursaut inattendu de l'homme”.

        Jeudi 13 novembre 2008

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    Obama élu


      Obama est sorti vainqueur de l' élection présidentielle américaine. Scènes de liesse retransmises par les télés, tant des États-Unis  que de multiples points du monde. Dans les messages de ses adversaires politiques McCain et Bush, je trouve une bonne dose de fair play, le souci de ne pas lui compliquer une écrasante tache et comme une pointe d' admiration. Et, comme beaucoup, je ressens  à la fois espoir, anxiété et inquiétude. Ne va-t-il pas désormais être l'objet des haines et exécrations de racistes, extrémistes, illuminés et détraqués, dont beaucoup rêveront de l'abattre ? Et combien, parmi les 47 % qui ont voté McCain vont accepter son discours d' unité, quand le chômage progresse et qu'avec lui va se clore un chapitre de l' American way of life, à crédit et dans le gaspillage ?
      Internet me permet de voir et de lire son premier discours de prochain président. Des minutes d' applaudissements accompagnent son entrée, avec sa femme et ses deux filles, puis leurs sourires et leurs saluts de la main. Lui ne s' approche pas des micros : souriant, réceptif, attentif à cette longue manifestation d' adhésion, d' encouragements, de remerciements et de soutien, il veille à ne rien brusquer ; puis, quand elle commence à s'apaiser, il se penche vers ses filles et, avec beaucoup d' affection, leur parle et les embrasse ; et, tout naturellement, vient le tour de sa femme et quand toutes trois s' éloignent des micros et quittent l' immense scène, les applaudissements, qui n' ont jamais cessé, redoublent. Ils se poursuivent encore quand, s' étant approché des micros, il se prépare à prendre la parole.
      Soudain, il troue le vacarme pour lancer deux mots : “Hello, Chicago !” Comme électrisée, la foule reprend son ovation... Puis, il délivre un exceptionnel discours, avec chaque mot soigneusement offert, chaque phrase parfaitement limpide; chaque séquence remarquablement construite et transmise à l' auditoire, dont les gros plans montraient des hommes et des femmes acquis à son projet, séduits, complices, admiratifs, touchés, émus, partageant son engagement et reconnaissants pour sa calme résolution. Lui, parlait sans note, parcourant sans cesse la salle du regard, comme s' il tenait à parler à chacun et chacune.  Éloge d' une difficile victoire qui est celle de l' Amérique, hommage à son adversaire vaincu, remerciements à tous ceux qui l' ont accompagné, secondé et soutenu, avec ce point d' orgue : “C'est votre victoire. Et je sais que vous ne l'avez pas fait juste pour gagner une élection (... ni) pour moi (... mais) parce que vous comprenez l'ampleur de la tâche qui nous attend. Car (...) nous savons que les défis qui nous attendent demain sont les plus grands de notre vie : deux guerres, une planète en danger, la pire crise financière depuis un siècle”.
      Et, après avoir évoqué les soldats en Irak et en Afghanistan, puis les familles confrontées aux échéances des intérêts à payer : “La route sera longue. La pente sera raide. Nous n'y arriverons peut-être pas en un an, ni même en un mandat. Mais (...) je vous le promets: nous, le peuple, nous y arriverons (...). Je serai toujours honnête avec vous sur les défis auxquels nous sommes confrontés (...). Et par-dessus tout je vous demanderai de participer à l'effort pour rebâtir cette nation (...). Cette victoire (...) n'est que notre chance de construire ce changement”.

      Tout est à relire ou à réécouter. À ce point, je retiens l' ordre dans lequel Obama a énuméré les quatre grands dossiers que les États-Unis doivent traiter : les deux guerres en cours, la Terre en danger et la crise financière. En peu de mots, l' essentiel.

        Mercredi 5 novembre 2008

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    Une veille chargée d' incertitudes


      Demain matin, nous apprendrons le résultat de l' élection présidentielle américaine. De plus en plus discret dans les dernières semaines, le président sortant Bush le second est ces jours-ci invisible, “planqué” disent certains à Camp David. McCain intensifie et durcit sa campagne contre son rival démocrate, le qualifiant de socialiste, même  de marxiste, et l' accusant de vouloir déposséder tout le monde par l' impôt et la collectivisation. Obama, qui reste en tête dans les sondages, poursuit résolument sa campagne : il a ému son public hier en évoquant la mort de sa grand-mère blanche qui l' a éduqué, enfant, à HawaÏ - il avait il y a quelques jours interrompu sa campagne pour se rendre à son chevet. Mais combien y aura-t-il de Blancs qui ne voteront pas pour lui demain parce qu' ils le croient musulman ou proche d' extrémistes - ou tout simplement à cause de la couleur de sa peau ?
      La perspective d' une victoire d' Obama suscite d' immenses et ardents espoirs - même s' il est difficile d' imaginer ce que pourra être sa présidence. Mais l' élection de McCain aurait quelque chose de désespérant : sur les grands dossiers, elle prolongerait pour quatre ans la calamiteuse ère bushienne ; et si McCain disparaissait en cours de mandat, sa colistière pour le poste de vice-président, Sarah Palin, étroitement conservatrice, intellectuellement bornée et imbue d' elle-même, serait capable de bien pire encore.

        Mardi 4 novembre 2008

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    25 000 000 000 000 $

    25 000 milliards de dollars évanouis: ce titre traverse la page Une du Monde.
    Évanouis non, car ces milliards ne reviendront jamais : comme toute valeur en bourse, il ne s' agissait que de valeurs virtuelles, à la fois irréelles et proches du réel. Irréelles, car il faut les vendre, les “réaliser”, donc s' en séparer, pour qu' elle prennent réalité sous la forme d' une somme d' argent ; mais aussi suffisamment proches du réel, pour permettre à leurs détenteurs de se sentir riches de quelque chose et au fisc d' inclure ce quelque chose dans l' assiette de l' ISF. Les détenteurs d' action savent que, tant qu' on n' a pas vendu, on n' a pas perdu. Mais quand la moitié de la capitalisation boursière s' en est allée, ce précepte, naguère valable au niveau individuel, ne l' est plus pour tous. Des cours d' actions remonteront, d' autres non, des fonds sombreront... Il y aura des perdants ; sans doute moins chez les spéculateurs que chez les épargnants confiants dans leurs banques, leurs fonds de pensions ou leurs propres placements. Et il y aura des drames, individuels et familiaux.

        Dimanche 26 octobre  2008

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    Face à la crise financière


     Quelques jours ont suffi : après le rebond de lundi (voir écho du 13 IX), les bourses chutent à nouveau. À la défiance que suscitent encore les actifs toxiques dispersés dans le monde, s' ajoutent le scepticisme quant à la capacité des États d' endiguer la crise et l' inquiétude suscitée par les signes de ralentissement de l' activité et les risques d' une possible récession.
     Pour restaurer la confiance et relancer l' activité sur des bases saines, il faut d' abord purger le système des actifs pourris : les gouvernements doivent rapidement obtenir leur neutralisation par les établissements bancaires et financiers qui en détiennent, ainsi que l' assainissement des emprunts porteurs d' incertitude et de risques et susceptibles d' agir comme des bombes à retardement.
     Il convient aussi de soutenir ou de relancer l' activité en faisant la part belle à des mesures permettant de contrer une autre crise - plus profonde et bien plus grave qui nous menace : la crise planétaire des ressources et de l' environnement : à la fois par le lancement de grands travaux et de grands chantiers et par le soutien à de multiples travaux diversifiés contribuant notamment à des économies d' énergie et de matière, à l' amélioration de l' habitat populaire, des écoles, des hôpitaux, des maisons de retraites etc., à l' assainissement et à la dépollution, voire à l' embellissement, au verdissement et au fleurissement des villages et des quartiers.
     Et puis, alors que vont nécessairement s' opérer dans le monde de profonds renouvellements en matière d' habitat, de transport, de santé, d' alimentation, de communication et de services publics et privés, l' Europe doit se projeter dans ce nouveau futur. Elle doit s' engager résolument dans un effort massif et tenace pour faire émerger les technologies, les produits, les procédés et les processus qui permettront de vivre dans le confort sans altérer les équilibres de la planète : c' est la voie d' une économie responsable et il y a aussi là d' immenses marchés en perspective et des sources de croissance pour les prochaines décennies.


        Jeudi 16 octobre 2008

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    Fort rebond des bourses

      Fort rebond des bourses en Asie, en Europe et maintenant à New York. Aujourd' hui, en France, le CAC-40 a gagné plus de 11 %, tandis que Wall Street est en forte hausse après huit séances de pertes. C' est qu' hier les dirigeants des 15 pays de la zone euro se sont mis d' accord sur quelques modalités d' action : principalement la garantie des crédits interbancaires jusqu'au 31 décembre 2009 et la recapitalisation par les gouvernements des grandes banques en difficultés -  des lignes d' action, très proches de celles déjà décidées à Londres, que chaque gouvernement déclinera selon la situation de son pays. En outre, dans la journée, la Réserve fédérale américaine (Fed), la Banque centrale européenne (BCE), la Banque d'Angleterre et la Banque nationale suisse ont annoncé qu'elles mettraient des fonds illimités en dollars, à court terme, à disposition des institutions financières.

      C' est dire que les autorités politiques et monétaires ont mis le paquet. On peut même se demander si elles n' en font pas un peu trop..., ce qui, dans une période de désarroi, risque d' accentuer l' inquiétude de certains. Aujourd' hui, ça a marché. Des optimistes s' enthousiasment déjà.  Mais il va falloir attendre quelques semaines pour être sûr que ces mesures spectaculaires ont bien permis de retourner la tendance.

        Lundi 13 octobre 2008

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    Quand une crise en masque une autre


     Aujourd' hui (v. billet du 30 IX), les bourses ont fortement chuté : autour de 5 % en Asie, de 9 % à Paris, d' environ 7 % à New York. Radios, télés, presse écrite : c' est le sujet du jour.
     Mais qui diffusera et commentera cette conclusion d' un travail de recherche publié dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) et évoqué dans les pages “Planète” du Monde : “les dernières décennies ont été les plus chaudes depuis mille à deux mille ans ? Une confirmation - établie par l' utilisation de  deux méthodes statistiques différentes - d' une précédente recherche de l' équipe de Michael Mann, dont les résultats, publiés par Nature en 1998, avaient précisément suscité des débats sur la méthode utilisée. Qui s' inquiétera de la nouvelle alerte de l' UICN, relative à la disparition des espèces animales et végétales, relayée hier par l' AFP : “un oiseau sur huit, un mammifère sur quatre, un amphibien sur trois sont menacés” ?

     Déjà, une grande majorité de nos contemporains répugne à prendre la mesure des dégradations que nous infligeons à la Terre. Mais la crise bancaire et boursière en cours obnubile au point de faire oublier tout le reste. Il est vrai que les vies de deux ou trois milliards d' humains dépendent d' un “bon fonctionnement” du capitalisme. Mais, comme celles des autres milliards d' humains, elles dépendent aussi et radicalement de l' état de la Terre. L' oublier serait dramatique pour tous.

        Lundi 6 octobre 2008

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     Le Plan Paulson adopté par le Congrès

      Rejeté lundi dernier (v. billet du 30 IX), le plan Paulson a été adopté aujourd' hui par la Chambre des représentants. “C'était un vote pour protéger le peuple américain, pour protéger leurs emplois, leur bien-être économique", a déclaré à la presse M. Paulson, tout en refusant de préciser comment les 700 milliards seraient utilisés pour racheter les actifs invendables des banques. La nouvelle version du plan, votée avant-hier par le Sénat, inclue des baisses d'impôt et un relèvement du plafond de garantie par l'État des dépôts bancaires...

      Car après la crise des crédits immobiliers à taux variables attribués à des foyers financièrement fragiles ; après la diffusion dans le monde, à travers des produits dérivés, des risques liés à ces crédits et à bien d' autres ; après quelques faillites et quelques sauvetages sur fonds publics ; après les à-coups baissiers de la bourse ..., c' est la confiance dans les banques qui commence à faiblir.

        Vendredi 3 octobre 2008


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    Bush contré par le Congrès

    Annoncé en fanfare par le président Bush il y a une dizaine de jours (v. billet du 20 IX), le plan Paulson a été rejeté hier par la Chambre des représentants par 228 voix contre 205. La Bourse de New York a perdu  près de 7 % et le Nasdaq plus de 9 %.
     Ce plan devait permettre de consacrer 700 milliards de dollars à éponger les créances douteuses immobilières accumulées par les banques. Les deux candidats à la présidence et les leaders des deux partis des deux chambres l' avaient approuvé et le Sénat l' avait voté. Mais une partie des représentants sont confrontés, en pleine campagne électorale, à la colère de leurs électeurs : quoi, on va payer pour ces pourris de Washington, pour ces flambeurs de Wall Street qui s' en sont mis plein les poches, pour des patrons qui ramassent des millions, alors que pour nous ça va de mal en pis ! Et il y a des familles qui attendent des solutions concrètes et immédiates qui leur permettent de garder leurs logements en payant des remboursements de crédit supportables.


      Le secrétaire au Trésor, Henry Paulson, va devoir réviser sa copie et reprendre ses tractations...

        Mardi 30 septembre 2008

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    La vérité si je mens


     Hier, le président Sarkozy a prononcé à Toulon un long et important discours. Il y dresse un tableau de la crise en cours, d' où ressortent quelques formules choc : “Une crise de confiance sans précédent ébranle l'économie mondiale (...). Comme partout dans le monde, les Français ont peur (...). Il faut vaincre cette peur. C'est la tâche la plus urgente. On ne la vaincra pas, on ne rétablira pas la confiance en mentant, mais en disant la vérité (...). Dire la vérité aux Français, c'est leur dire que la crise n'est pas finie (...) ; cette crise financière, sans équivalent depuis les années 30, marque la fin d'un monde (...) porté par un grand rêve de liberté et de prospérité.  (... Mais) l'idée de la toute puissance du marché, qui ne devait être contrarié par aucune règle, par aucune intervention politique (...) était une idée folle. L'idée que les marchés ont toujours raison était une idée folle. Pendant plusieurs décennies, on a créé les conditions dans lesquelles l'industrie se trouvait soumise à la logique de la rentabilité financière à court terme (...). C'était une folie dont le prix se paie aujourd'hui !” Un discours auquel peuvent souscrire bien des critiques du capitalisme.
     Mais Sarkozy veut bétonner. Au pouvoir depuis des années, chantre de la dérégulation et du moins d' État, ami de hautes figures du capitalisme français, oint pas Bush au lendemain de son élection, il ne peut renier, ni même mettre en cause ce qu' il admire. Alors, comme un enfant, il entonne une litanie de dénégations : “ce système, il faut le dire parce que c'est la vérité, ce n'est pas l'économie de marché, ce n'est pas le capitalisme”. Car, “le capitalisme, ce n'est pas le court terme ; c'est la longue durée” - faux, c' est en permanence le court, le moyen et le long terme. “Ce n'est pas la primauté donnée au spéculateur. C'est la primauté donnée à l'entrepreneur” - faux, depuis les tous débuts,
    c' est l' un et l' autre, la spéculation étant devenue prédominante dans les dernières décennies. Et finalement : “La crise financière (...) n'est pas la crise du capitalisme”. Faux et archifaux.
     La crise financière est une crise capitaliste, et cela à plusieurs titres : depuis des siècles, le capitalisme animé par une logique d' accumulation a besoin de purges ; ce qui est en cours en est une ; au XIXe siècle le capitalisme, alors plus concurrentiel que monopoleur, a été marqué par des crises récurrentes : ces crises sont devenues moins fréquentes mais plus profondes et plus brutales, depuis que le capitalisme est dominé par de très grandes entités industrielles, bancaires et financières ; enfin, avec le vent libéral qui a dominé de Reagan et Thatcher à Bush et Sarkozy, avec le gonflement d' une sphère financière de plus en plus monstrueuse par rapport à l' économie réelle, a prospéré une jungle capitaliste où se sont développées des activités financières à très hauts risques que les dirigeants en postes de responsabilité n' ont pas voulu ou su interdire ou encadrer. Au total, la crise financière actuelle est bien la crise de ce capitalisme.
     Et ce n' est pas en le déniant qu' on trouvera les bonnes sorties à cette crise.


        Vendredi 26 septembre 2008

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    0 + 0 = 0.


     Hier devant l'Assemblée générale de l'ONU, les dirigeants du monde se sont faits modestes dans leurs propos sur la crise financière. Le président Bush, confronté à de fortes réticences du Congrès face à sa surenchère de 700 milliards de dollars pour “éponger” les créances pourries des banques et institutions financières  (v. billet du 20 IX), était particulièrement gêné aux entournures : “Je peux vous assurer que notre administration et notre Congrès coopèrent pour adopter rapidement cette stratégie (...). Je suis convaincu que nous allons agir avec la rapidité requise ”.
     Usé, discrédité, qui peut-il rassurer ?
     Quant au président Sarkozy, ne pouvant décemment proposer la création d' une commission ou d' un groupe de réflexion, il s' est dit convaincu “que le devoir des chefs d'État et de gouvernement des pays les plus directement concernés est de se réunir (...) pour réfléchir ensemble aux leçons à tirer de la crise financière la plus grave qu'ait connue le monde depuis celle des années 30”. Se réunir pour réfléchir ensemble, en pleine tempête, quelle audace ! Las : selon l' AFP, il a précisé lors d' une conférence de presse qu' il envisageait une réunion en novembre d' un G8 élargi : “Ma proposition, c'est au mois de novembre parce qu'on peut espérer y voir plus clair. Ça n'est pas une réunion à chaud en plein dans la crise, mais en même temps c'est avant la fin de l'année, donc on peut tirer les conséquences”.
     Terrible signal d' impuissance : en pleine crise, le président en exercice de l' Union européenne propose une réunion de chefs d'État dans six ou huit semaines.
     Coïncidence : hier 23 septembre a été, selon l' ONG nord-américaine Global Footprint Network, le "Global Overshoot Day", littéralement selon le Monde, "le jour du dépassement global" : le jour de l' année où la consommation humaine atteint le niveau de ce que la Terre peut, dans une perspective de développement durable, produire en un an sans être surexploitée ; curseur temporel marquant, pour chaque année, la date à laquelle les activités humaines  ont transgressé les limites des capacités terrestres (v. écho de ce jour).
     Cela ne mériterait-il pas que nos dirigeants se réunissent “pour réfléchir ensemble aux leçons à tirer” de ce constat, le plus grave jamais fait depuis le début de l' humanité et pour “agir avec la rapidité requise” ?

     Incapacité d' anticiper et de prévenir la crise financière ; refus de voir la crise qui met en péril notre Terre et l' Humanité : nos dirigeants méritent un zéro pointé.

        Mercredi 24 septembre 2008

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    L' humanité vit au dessus de ses moyens

      Hier 23 septembre était le "Global Overshoot Day" de l' an 2008. C' est ainsi que l' ONG  nord-américaine Global Footprint Network nomme le jour de l' année où la consommation humaine atteint le niveau de ce que la Terre peut, dans une perspective de développement durable, produire en un an sans être surexploitée.
     Certes, c' est chaque jour que nous abusons de la Terre et de ses ressources. Mais le "Global Overshoot Day" - le jour de la transgression planétaire - est un curseur qui montre plus concrètement où nous en sommes : entre le 1er janvier et ce jour, les activités humaines ont épuisé le crédit que nous offre la Terre en ressources renouvelables et en capacités de régénération ; de ce jour au 31 décembre, nous vivons aux frais, non de la princesse, mais d' une Terre qu' on épuise et de notre futur que nous hypothéquons.
    L' évaluation de “l' empreinte écologique” des activités humaines permet de saisir à quel degré les sociétés respectent ou dégradent leur environnement. Ici, c' est à l' échelle mondiale qu' on cherche à en prendre la mesure. Les ordres de grandeur obtenus confirment les multiples alarmes que nous recevons.
    Selon les travaux du Global Footprint Network, c' est à partir de 1986 que l' humanité, prise globalement, a commencé à vivre au dessus des limites qui auraient permis un renouvellement équilibré et durable de la Terre. Depuis, l' excès de nos activités s' accentue : en 1996, il atteint 15 % du niveau de production qu' il n' aurait pas fallu dépasser - ce qui situe, comme un curseur, le jour de la transgression des limites terriennes au 16 novembre ; cette année, il est de 37 % - ce qui situe le jour de la transgression des limites terriennes au 23 septembre.
      Quand on voit la mobilisation des dirigeants autour de la crise financière en cours  (v. l'autre billet de ce jour), il est clair qu' ils devraient aussi se réunir “pour réfléchir ensemble” sur la crise écologique - sans précédent dans l' histoire de la Terre et de l' Humanité - dont nous sommes la cause - et pour “agir avec la rapidité requise”.

        Mercredi 24 septembre 2008

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    Mille milliards de sabords


     Hier, le président Bush a annoncé un ensemble de mesures exceptionnelles pour restaurer la confiance et juguler la crise ; il s' agit de faire  racheter pour plusieurs centaines de milliards de dollars de crédits et de produits dérivés douteux ou pourris : des actifs qualifiés par le secrétaire au Trésor, Henry Paulson, de "toxiques" et qui plombent les comptes d' innombrables établissements bancaires et financiers ; certains font faillite, d' autres sont les proies de prédateurs, d' autres sont victimes de ceux qui, en cette période, font leurs profits en spéculant à la baisse sur les actions de firmes en difficulté. Depuis le sauvetage de Fannie Mae et Freddie Mac  (v. écho du 8 IX), dans une ambiance de sauve-qui-peut, il y a eu en moins d' une semaine la faillite de la banque Lehman Brothers, le rachat à prix cassé (50 milliards) du premier courtier US, Merrill Lynch, par la Bank of America et l' aide de 85 milliards apportée par la Fed à l' assureur AIG désormais contrôlé à 79,9 % par l' État.
     Le coût du programme pourrait s' élever à mille milliards. Mais le président a besoin de l' accord du Congrès - ce qui risque d' être malaisé en pleine campagne électorale. Déjà, Barack Obama, candidat démocrate à la Maison blanche a apporté "son soutien total au plan de l'administration Bush" - mais en précisant : "On ne peut pas avoir un plan seulement pour Wall Street. On doit aussi aider l'homme de la rue". Et dans les rangs républicains, beaucoup s' élèvent contre une intervention massive de l' État. 

     Trois remarques. L' histoire montre qu' en cas de panique financière ou boursière, les moyens publics sont insignifiants par rapport au déferlement des ventes ; l' administration américaine a donc raison de prendre les devants mais, face à un système financier fortement internationalisé, cela suffira-t-il ? La crise doit beaucoup à trois décennies de dérégulation qui a livré la finance mondiale à une recherche forcenée de hautes rentabilités et à des spéculations effrénées : les dirigeants déclarent haut et fort qu' ils vont y mettre bon ordre mais, dès que la bourrasque sera passée, en auront-ils encore la volonté, le courage et les moyens ? Enfin, ne faut-il pas dans le même temps remettre en cause les déréglementations du marché du travail et rendre aux salariés l' essentiel de la stabilité et de la sécurité dont ils ont besoin dans un monde en incessante mutation ?

        Samedi 20 septembre  2008

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    Surmortalité des abeilles

      Chercheur au département d'agronomie de l'université de Pennsylvanie, Dennis van Engelsdorp est l'un des premiers à avoir décrit, à l'automne 2006,  le Syndrome d'effondrement des colonies d' abeilles (Colony Collapse Disorder). Interviewé sans le Monde, il explique qu' on constate aux États-Unis une surmortalité de plus de 30 % par rapport à la mortalité des abeilles observée dans les pays où existe une documentation correcte. En outre, du fait de la raréfaction des insectes pollinisateurs sauvages, les exploitants de monocultures font massivement appel aux apiculteurs : actuellement “aux États-Unis, un apiculteur sur deux ne vit pas du commerce de miel, mais de la transhumance de ses ruches (...) pour vendre aux grandes exploitations de fruits et légumes un service de pollinisation”. La forte mortalité des abeilles crée donc une situation critique : de plus en plus d' apiculteurs cessent leur activité ; le prix de la location des ruches a triplé en quelques années ; des cultures sont menacées, notamment la production d' amandes en Californie ; et, déjà cette année, “des producteurs de concombres de Caroline du Nord ont réduit leur production jusqu'à 50 % simplement parce qu'ils n'ont pas trouvé suffisamment de colonies disponibles”...

      Un monde fou. Qui fait et laisse disparaître les insectes pollinisateurs, indispensables à la reproduction des quatre-cinquièmes des espèces végétales de la planète : un crime contre le vivant et contre l' humanité dont ne s' alarment que trop peu de citoyens - et aucun dirigeant au pouvoir.

       Vendredi 19 septembre 2008

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    Bush sauve Freddie et Fannie

      Hier, le président Bush a sauvé de la faillite les deux géants du marché hypothécaire américain, Fannie Mae et Freddie Mac - une faillite qui, selon lui aurait constitué un "risque inacceptable" pour l'économie du pays : ces deux établissements portent en effet plus des deux cinquièmes des prêts immobiliers. Fin juillet, il n' avait pas opposé son veto à une loi initiée et principalement votée par les démocrates qui permettait  aux collectivités locales d'acheter des propriétés saisies et à 400 000 propriétaires en difficulté de refinancer leurs emprunts : une loi contre laquelle avaient voté la majorité des républicains.

      Ainsi, face à la crise du crédit immobilier, les démocrates préfèrent soutenir les familles et les collectivités locales, alors que l' administration Bush assure le sauvetage des plus gros établissements financiers. À l' approche de l' élection présidentielle, est-ce significatif ?

        Lundi 8 septembre 2008

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    Eau : les limites

      Le 13e congrès mondial de l'eau se tient à Montpellier du 1er au 4 septembre. Présidente de l'Association internationale des ressources en eau et co-organisatrice du congrès, Cecilia Tortajada souligne : “Pendant longtemps, la ressource en eau a été disponible, en grande quantité, et de bonne qualité. Elle était considérée comme inépuisable. Ce n'est plus le cas, nous approchons maintenant des limites”. La quantité d' eau disponible par terrien va chuter alors que les besoins croissent. Or l' eau disponible est inégalement répartie : ainsi, par rapport à leurs populations, l' Amérique latine est infiniment mieux dotée que l' Asie. Et puis, de larges zones sont menacées par des pénuries d' eau : au Sahel, autour de la Méditerranée, au Moyen-Orient, au sud des Etats-Unis et en Asie. “Notre objectif, explique Cecilia Tortajada, est de générer de la connaissance sur ce sujet et de pousser les décideurs à anticiper les défis à venir”.

      Mais que vaut un décideur averti ? Selon qu' il sera cigale ou fourmi, abeille, buffle ou autruche...

        Mercredi 3 septembre  2008 

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    La bombe inégalitaire


      En lisant le Monde : une étude publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l'Institut de veille sanitaire fait apparaître qu' en France “le poids des inégalités sociales dans la mortalité par cancer est important et qu'il n'a cessé de progresser entre 1968 et 1996”.
     Il n' y a là rien de surprenant : les plus démunis sont inexorablement les plus lourdement touchés par les maladies, les conflits et les fléaux d' origines climatique ou terrestre. Mais dès qu' on évoque les “inégalités”, la réponse fuse : « des inégalités, il y en a toujours eu et il y en aura toujours ». Car il est inépuisable le sac à fadaises de ceux qui veulent s' épargner de voir, de comprendre, de penser. Que la réponse ait été mielleuse, fielleuse ou vénéneuse, le débat est clos. Tout a été dit. L' entendement peut dormir sur ses deux oreilles : pour ne plus rien entendre. 

     À celui qui écoute encore, je dis ceci : oui, l' inégalité, les inégalités ont existé de tous temps. Mais en quelques siècles, l' inégalité, les inégalités ont profondément, radicalement changé : car l' argent est, presque partout dans le monde, devenu l' alpha et l' oméga de l' existence, l' onguent des rapports sociaux, le fluide vital de nos sociétés. Dès lors, l' inégalité d' aujourd' hui est à celles des temps passés ce que la bombe H est à la flèche ou au fusil d' assaut.
     Dans un monde motivé, irrigué, dominé par l' argent, les inégalités peuvent mutiler, dévoyer, affoler, exaspérer, accabler ou déchaîner les individus et les groupes ; elles peuvent corrompre les sociétés, jusqu' à les pourrir et les dissoudre ; elles peuvent exaspérer les discordes entre ethnies, peuples et pays et déchaîner les violences et les guerres ; elles peuvent corrompre l' humain, submerger les valeurs de l' humanisme, broyer les pulsions, les traditions et les réflexes d' humanité ; elle peuvent ravager les apports et les trésors des civilisations, dévaster la nature, piller les ressources, dénaturer la Terre, créer des monstruosités et semer la mort.
     Que dis-je “elles peuvent” ? Elles le font.
     Que dis-je “les inégalités” ? C' est nous, pris dans un maëlstrom d' inégalités, qui le faisons.
     Quiconque souhaite le reflux des barbaries et de l' inhumanité, quiconque aspire à un monde plus humain doit œuvrer à la réduction des inégalités.


        Mardi 2 septembre  2008

    Haut

     

    Technoscience et santé

    Hier dans le Monde, Jean-Yves Nau évoquait “une maîtrise croissante dans l'obtention et la culture des cellules souches humaines”, tout en soulignant les obstacles auxquelles leurs utilisations thérapeutiques sont encore aujourd' hui confrontées. Aujourd' hui, il met en avant une “première mondiale” réalisée par une équipe parisienne et présentée dans la revue Neurosurgery : la destruction de tumeurs métastatiques cérébrales sans anesthésie générale. En résumé, l' intervention consiste à “percer un petit trou dans la boîte crânienne, y glisser une fibre optique terminée par un laser jusque dans une métastase cérébrale, activer le laser et nécroser la tumeur en moins de deux minutes. Le tout contrôlé en direct grâce à l'imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM). Le patient est conscient, ne sent rien et sort de l'hôpital le soir de l'intervention”.

      Avec bien d' autres, ces avancées thérapeutiques offrent ou ouvrent d' immenses possibilités de soulager, prévenir ou guérir. Accueillons-les donc avec espoir, en laissant au corps médical la responsabilité d' en bien mesurer les conditions d' utilisation et les limites. Mais il appartient à tous, chercheurs de pointe, soignants et patients, de maîtriser un risque que contribue à accentuer les avancées en cours : celui d' une soumission croissante de tout un chacun à un système de soins organisé pour traquer, prendre en charge et traiter la maladie.
     Déjà on y tend : que de personnes vont confier leur corps à tel ou tel service, comme on laissait sa voiture au garage pour réparation dans les années 1950 ! Et que de spécialistes ou d' équipes chirurgicales ne voient défiler que des yeux, des prostates, des hanches ou des sphincters ! Plus fondamentalement, presque tout pousse à croire que soigner la maladie est la seule et unique voie pour guérir les mal-portants.

     Pour ceux qui comme moi pensent que tout être humain est à la fois corps, esprit, espérance, inquiétude et volonté, il y a là quelque chose de choquant. J' ai besoin de comprendre ce qui arrive à mon corps, comment agira le traitement ou l' opération et s' il y a d' autres réponses possibles. Et j' estime avoir le droit d' en décider. Déjà, pour ma vieille 2CV, je décidais - après avoir écouté l' avis du garagiste - de l' ampleur de la réparation à faire : a fortiori pour mon corps. Et je m' inquiète de la généralisation de procédures qui tendent à ne plus laisser de place au libre arbitre de ceux - bien- ou mal-portants, malades en souffrance ou en imagination - happés par le système de prévention, de diagnostics et de soins. Bien sûr, il y a le légendaire dévouement des infirmiers/ères. Mais c' est tout le système, professeur, ordonnateur et ordinateur en tête, qui doit être imprégné de cet impératif : prendre en compte et respecter l' être humain mis en examen.
     Pour contenir la tendance à l' accentuation de l' emprise de la technoscience sur les soins, je vois trois antidotes de base : d' abord, une éducation à la bonne santé, pour offrir à chacun les clés d' une vie en bonne santé ; ensuite, des politiques d' urbanisme, d' environnement, du travail et des accidents de la vie sociale qui permettent de restaurer et de maintenir les conditions d' une vie en bonne santé ; enfin, la promotion de médecins généralistes, ouverts sur les médecines douces et disponibles pour aider ceux qui le souhaitent à mobiliser ou stimuler leurs capacités propres - corps, esprit, espérance, inquiétude et volonté - pour conserver ou recouvrer la bonne santé.

        Vendredi 29 août 2008
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    Dans la gueule...


      Dans un imbroglio d' affrontements, de négociations, de pressions et de promesses (voir “Un inquiétant sac d' embrouilles”, billet du 11 VIII), les « territoires séparatistes géorgiens » d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud ont, la semaine passée, demandé à Moscou de reconnaître leur indépendance ; dans les dernières 48 heures, tout est allé très vite :
    - dimanche 24 : suite aux demandes de plusieurs pays de l'Union, le  président français, président en exercice du Conseil européen, convoque une réunion extraordinaire de ce Conseil pour le 1er septembre ; ce sommet portera sur la situation en Géorgie, l'aide à ce pays et l'avenir des relations avec la Russie (Reuters, 19h29) ;
    - lundi 25 : les deux chambres du Parlement russe se prononcent en faveur de la reconnaissance des deux « républiques séparatistes » (AFP, 17h10) ; le président Bush appelle les dirigeants de la Russie à “ne pas reconnaître ces « régions séparatistes »" et affirme que “les États-Unis continueront à soutenir le peuple de Géorgie et sa démocratie, et à soutenir sa souveraineté et son intégrité territoriale” (AFP, 23h42) ;
    - mardi 26 : dans une déclaration solennelle à la télévision, le président russe Dmitri Medvedev annonce que la Russie reconnaît l'indépendance des deux « républiques séparatistes » : “Tbilissi a fait son choix dans la nuit du 7 au 8 août : Saakachvili a choisi le génocide pour atteindre ses objectifs politiques. Il a ainsi fait une croix sur tous les espoirs de cohabitation pacifique des Ossètes, Abkhazes et Géorgiens dans un même État” (AFP, 14h07) ; les dirigeants des deux républiques célèbrent un jour “historique”, tandis que les dirigeants géorgiens dénoncent un acte “sans aucune valeur légale” - un acte qualifié de "regrettable” par le Quai d' Orsay et condamné comme “inacceptable” par les États-Unis, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et bien d' autres. Confronté à un tumulte de dénonciations et de protestations, le président Medvedev ne fléchit pas : "Nous n'avons peur de rien, pas même d'une guerre froide..., a-t-il dit au cours d' une interview ; bien sûr, nous ne la voulons pas" (AFP, 17h00)

      Saakachvili a-t-il cru que Washington lui apporterait plus qu' un soutien rhétorique ? Lors de la négociation de l' accord “de paix” entre les deux parties, Sarkozy n' a-t-il pas vu le risque qu' il y avait à laisser des blancs là où le bât blessait ? Bush a-t-il voulu remettre à sa place la Russie et éprouver la cohérence du couple Medvedev-Poutine ?
      Car Moscou, depuis quelque temps, marque sa différence et affiche ses désaccords : en soutenant l' Iran et Chavez, en dénonçant l' installation à ses frontières de bases pour le bouclier antimissile américain, en s' élevant contre de nouvelles admissions dans l' Otan de pays ayant appartenu à l' ancienne Urss - et aussi en s' opposant, sans succès il est vrai, à l' indépendance du Kosovo.
       Sur ce point, Bush a-t-il eu raison de vouloir passer en force, sans avoir réussi à obtenir l' accord du Conseil de sécurité de l' Onu ? Certes il l' avait déjà fait : pour l' expédition militaire en Irak - un tragique fiasco. Pour le Kosovo, il a encore agi comme si son pays, soutenu par l' Occident, pouvait régenter le monde - y compris en transgressant des règles internationales.
      Pourtant, Poutine l' avait à maintes reprises mis en garde. Et une fois le fait accompli, lors d' une réunion de la CEI à la fin février, il brocardait encore, lourdement, les pays qui reconnaissaient l' indépendance du Kosovo : “Ils ne pensent pas aux conséquences de ce qu'ils font. Au final, c'est comme un bâton à deux extrémités, et l'une des extrémités va un jour leur revenir dans la gueule”.
      Beaucoup pensèrent alors à des mouvements indépendantistes actifs dans tel ou tel de ces pays ou à leur proximité ; mais bien peu virent ou crurent que la Russie pourrait se servir de ce précédent. Ce qu' elle vient de faire.


        Mardi 26 août 2008

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    Inentendus tocsins


      17 juillet : comme sur les côtes du Japon, de Californie et de Namibie, des méduses des mers chaudes pullulent sur les plages des Alpes maritimes (Écho du 17 VII) ;
      23 juillet : selon la responsable du Programme alimentaire mondial, une quinzaine de millions d' humains sont menacés de famine ;
      5 août : entre chasse et destruction de leurs habitats, près de la moitié des espèces de primates connues dans le monde sont en danger d' extinction ;
      13 août : sur les quelques 41 000 espèces végétales et animales que suit l' UICN, environ 16 000 - 40 % - sont menacées de disparition (Écho du 13 VIII) ;
      15 août : l' incessante augmentation de nos rejets chimiques et organiques entraîne une croissance exponentielle des étendues littorales d' où la vie a disparu par manque d' oxygène ; selon une récente évaluation, sont actuellement touchées dans le monde 400 zones couvrant 245 000 km2 (Écho du 15 VIII)

      On pense évidemment au film Wall.e actuellement diffusé sur nos écrans : une “romance écolo entre robots” pour le Monde, une “superbe fable écologique” selon Libération. Foutaises !
      Comment croire en cette idylle entre un robot débardeur qui depuis des siècles a cultivé une vraie sensibilité et une robote ovoïde dont le premier réflexe est de tirer sur tout ce qui bouge ?
      Et puis, si avant la phase finale du désastre terrien les plus riches ont pu quitter la Terre grâce à des croisières de luxe dans l' univers - comme le suggère une publicité d' époque - que sont devenus les milliards d' humains demeurés sur Terre ? Et comment se fait-il que dans tout le bric à brac ramassé par Wall.e, il n' y ait pas le moindre os. La consigne a été claire : ni cadavres ni ossements, comme pour les guerres du Vietnam et d' Irak.
      Enfin, comment croire que ces mannequins boudinés et impotents que sont devenus les privilégiés revenus d' une croisière de six siècles, vont, sur un sol mort et sans eau, pouvoir recréer un jardin fleuri à partir d' un plant ? Là encore, la consigne a été claire : il faut une
    happy end.
     
    Wall.e ? Une fallacieuse affabulation destinée à laisser croire que, même si le pire arrive, on s' en sortira. Une œuvre de propagande, génératrice d' illusions permettant de satisfaire ce profond désir de nos sociétés : ne pas voir la réalité des périls dont nos modes de vie sont la source, ne pas entendre l' alarme du tocsin. 


        Samedi 16 août  2008

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    Des zones océanique sans vie 

         Les zones océaniques d' où la vie disparaît s' élargissent dans le monde à une vitesse exponentielle : depuis les années soixante, leur superficie double tous les dix ans et atteindrait aujourd' hui 245 000 km2 répartis sur un peu plus de 400 zones ; c' est ce qu' établit une étude  américano-suédoise publiée aujourd' hui dans Science, dont rend compte l' AFP. Selon  Robert Diaz et Rutger Rosenberg, “La localisation de ces zones mortes correspond aux centres où vit une grande population et où sont déversées d'importantes quantités de substances nutritives”. Actuellement, sur les 400 zones touchées, 8 % le sont en permanence (en Mer Baltique et dans les fjords notamment), 17 % de manière “épisodique”, 25 % pendant la saison chaude et 50 % une fois par an, au cours de la saison chaude.
      Ce n' est donc encore qu' un avertissement : à nous de le prendre au sérieux. On sait que l' excès des rejets - urbains, industriels et agricoles - de nitrates, de phosphates et de déchets organiques provoque une prolifération d' algues qui entraîne la disparition de l' oxygène et de la vie qui lui est associée ; on sait aussi que le réchauffement climatique va accentuer ce phénomène.
      Les contrées riches ont les moyens de combattre ce nouveau fléau ; est-ce le cas dans les pays émergents et pauvres où se produisent de fulgurantes dynamiques d' urbanisation, de délocalisation et de “modernisations” industrielles et agricoles ? Et, ici et là, en aura-t-on la volonté politique ?

        Vendredi 15 août 2008                                                                                                                                                 

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    La 6ème extinction des espèces

     Merci au Monde de se faire l' écho du numéro des Comptes rendus de l'Académie des sciences américaine (PNAS) publié hier, qui comporte un dossier consacré à la “sixième extinction” des espèces.
      Deux biologistes américains, Paul Ehrlich et Robert Pringle, nous placent face à nos responsabilités. En effet, soulignent-ils, "l'avenir de la biodiversité pour les dix prochains millions d'années sera certainement déterminé dans les cinquante à cent ans à venir par l'activité d'une seule espèce, Homo sapiens, vieille de seulement 200 000 ans" ; car le genre humain, "narcissique et présupposant sa propre immortalité, a maltraité l'écosystème qui l'a créé et le maintient en vie, sans souci des conséquences". Dès lors, "l'idée que la croissance économique est indépendante de la santé de l'environnement et que l'humanité peut étendre indéfiniment son économie est une dangereuse illusion". Outre la nourriture et l' eau, la nature nous apporte une immense gamme de services gratuits, et d' abord la pollinisation. C' est donc l' intérêt et le devoir du genre humain de maîtriser sa propre croissance et sa consommation.

      Clair comme de l' eau de roche. Évident. Indiscutable.
     Des centaines de millions, des milliards d' humains en ont conscience, à un degré ou un autre. Mais en l' absence d' une réaction collective, puissante et obstinée, des milliards de stratagèmes individuels de survie ou de stratégies de recherche du mieux-vivre, de résignations, d' égoïsmes et d' irresponsabilités nous entraînent dans la voie d' un grand désastre qui affectera pour longtemps l' ensemble du vivant.
     Mais comment, face à un risque aussi inconcevable, susciter une réaction collective planétaire, puissante et obstinée ?

       Mercredi 13 août 2008 

       

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    Un inquiétant sac d'embrouilles


      Le 7 août, après une semaine de tensions dans la région et à la veille de l'ouverture des jeux Olympiques à Pékin, le ministère géorgien de l'Intérieur confirmait que la Géorgie avait lancé "un assaut" sur Tskhinvali, capitale de la république séparatiste d'Ossétie du Sud. Le premier ministre russe Poutine était à Pékin et le président Medvedev en villégiature. Le 8, Moscou demandait une réunion du Conseil de sécurité de l' Onu et envoyait des troupes. Le 9 et le 10, imbroglio d' affrontements et de velléités ou de propositions de cessez-le-feu : après de violents combats, les forces russes reprennent le contrôle de Tskhinvali. Aujourd' hui réunion du Conseil de sécurité : le représentant américain hausse le ton tandis que, sur le terrain, les forces russes accentuent leurs progressions...
      Chacun semble savoir jusqu' où il pourra aller trop loin. Mais est-ce que ce sera toujours le cas ? Car, en ce point du monde, se cristallisent nombre de tensions, dont la plupart dépassent la région.
      Il y a certes, dans ce pays de peuplement bigarré, des aspirations séparatistes que tente d' étouffer le pouvoir géorgien et que Moscou s' efforce de gérer à son avantage : n' y a-t-il pas là l' occasion de rendre à l' Occident un chien de sa chienne, après qu' États-Unis et Europe réunis aient imposé à la Serbie, malgré l' opposition de la Russie, l' indépendance du Kosowo ? Et n' est-ce pas aussi pour Moscou l' occasion d' enrayer le rigoureux bornage de la Russie auquel procèdent les États-Unis, tant par l' intégration dans l' Otan d' anciens pays du glacis soviétique, que par l' utilisation des territoires de certains d' entre eux pour l' implantation d' éléments nécessaires à leur bouclier antimissile ? La piteuse fin de règne de Bush n' offre-t-elle pas à la dyarchie russe une occasion de marquer des points ?
      En outre, la Géorgie est en train de devenir une terre de passage vers la Turquie et l' Occident de ressources gazières et pétrolières d' Asie : une voie qui affaiblit le pouvoir russe dans son effort pour imposer en ce domaine sa prédominance dans toute la région. Là encore, la déstabilisation du très pro-américain président de la Géorgie ne peut que servir les intérêts de Moscou.
      Il y a plus retors : le principal fournisseur d' armes de la Géorgie est Israël. Ce pays ne souhaite pas se mettre à mal avec la Russie ; mais il ne risque rien à jouer sur l' idée qu' il pourrait s' abstenir de vendre des armes trop sophistiquées à la Géorgie..., tant que Moscou ferait de même pour la Syrie et l' Iran. L' Iran, détonateur potentiel pour bien des conflits ; un client important de la Russie et un partenaire qui compte dans sa stratégie gazière : que ferait Moscou si Israël, profitant de l' inexorable effacement de Bush, lançait une attaque préventive contre les installations nucléaires iraniennes ? Longtemps facteur de dissuasion, le nucléaire ne pourrait-il pas, ici, devenir un détonateur ?
      Que de sources de tensions et de surenchères entremêlées ! Au début du siècle passé, la “Première Guerre mondiale” a été déclenchée pour bien moins. 


        Lundi 11 août 2008

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    Obama et l' American way of life

      Un “rebond” de Libération remet en lumière cette déclaration de Barack Obama : “Nous ne pouvons pas conduire des 4x4, manger autant que nous le désirons, garder nos maisons à 20°C par tous les temps… et espérer tout simplement que les autres pays vont être d' accord. Ce n' est pas ça, le leadership. Les choses ne se passeront plus de cette façon”. Ces propos ont été tenus en avril dernier, alors qu' Obama était encore en course avec Hillary Clinton pour décrocher l' investiture démocrate. L' auteur du rebond, Nicolas Machtou, rappelle que cette position s' oppose radicalement à celle exprimée par le premier président Bush, au Sommet de la Terre de Rio en 1992 : “Le mode de vie des Américains n' est pas négociable” ; il souligne aussi que “jamais auparavant - pas même Al Gore en 2000 - un candidat à la Maison Blanche n' a eu le courage de confronter les Américains à cette dure réalité” : leur mode de vie n' est pas soutenable.

     Depuis 1992 et 2000, les symptômes sont devenus plus lisibles : déforestation, épuisement d' un nombre croissant de ressources halieutiques, pénuries d' eau douce et d' eau potable, réchauffement et désordres climatiques, extension des zones touchées par les pollutions et les déchets, recul des sols arables... Mais ces maux, devenus autant de menaces, sont le plus souvent traités isolément, d' une manière qui laisse toujours ouverte la perspective qu' une solution technique - douce ou techno-industrielle - est à portée de main. Aucun faiseur d' opinion, aucun homme politique visant ou accroché au pouvoir n' ose dire : “Elle est  finie l' ère de la consommation croissante pour tous ou promise à tous”. Dans les pays du Nord, aucun n' ose dire : “Nous devons renoncer à notre consommation dévastatrice et apprendre une autre manière de vivre ensemble, dans le respect des autres sociétés humaines et de la Terre”. Et dans les pays dits émergents comme dans les aires de pauvreté, aucun n' ose dire : “Le modèle des pays riches est porteur d' une catastrophe planétaire. Puisons dans nos savoirs, nos sagesses et nos expériences historiques pour esquisser d' autres voies, humainement plus riches et porteuses d' espoir pour toute la planète.
     Dictateurs et démocrates craignent de parler ainsi.
     Candidat, Obama l' osera-t-il ? Et, si oui, sera-t-il élu ?

        Vendredi 8 août 2008 


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    Blocage à l'OMC

    Après une longue semaine d' ultimes négociations à Genève, le  cycle de Doha sur la libéralisation des échanges internationaux a débouché sur un échec. Un observateur averti voit cependant un progrès dans le fait qu' on est sorti  de l' affrontement entre le Nord et le Sud. Un Européen met en cause d' ultimes raidissements, notamment des États-Unis et de l' Inde. Nobutaka Machimura, secrétaire général du gouvernement japonais, accuse les deux puissances asiatiques montantes : “Franchement, il faut se demander si la Chine ou l'Inde ont pesé leurs déclarations et leurs actions à hauteur de leurs responsabilités”. En Inde, on plaide que la position du pays avait été clairement affichée dès le début : “On ne peut pas remettre en question le niveau de vie des petits exploitants”. L' agence Chine nouvelle reproche à Washington et Bruxelles de ne pas s' être opposés à leurs lobbies et d' avoir exercé des pressions sur les pays pauvres pour qu'ils réduisent leurs taxes à l'importation et s' ouvrent aux banques et assureurs occidentaux : “Cet égoïsme et cette politique à courte vue a provoqué l'échec des négociations de l'OMC, ce qui aura de nombreuses conséquences", y compris sur d' autres négociations portant par exemple sur le changement climatique ou la hausse des prix de l'alimentation ou du pétrole.
     Premier effet immédiat : les agricultures subventionnées des pays riches, vont être les principales bénéficiaires du maintien du statu quo..., jusqu' à ce que de nouvelles tractations conduisent à y mettre fin.
     Second effet, et c' est un point sur lequel tous convergent : il s' agit d' une défaite du multilatéralisme ; et la recherche d' accords bilatéraux, déjà largement engagée par Washington et Pékin, va connaître un nouvel essor. 


        Mercredi 30 juillet 2008

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    Au nom de Dieu


     Avant-hier s' achevait à Madrid la rencontre des représentants des trois grandes religions monothéistes ; en conclusion de leurs travaux, ils ont appelé à combattre "les causes profondes du terrorisme (...), un phénomène universel qui doit être combattu sérieusement, de manière juste et responsable, grâce à un effort international commun". Mercredi, en ouvrant les travaux, le roi Abdallah avait souligné : "Les tragédies que nous avons connues n'ont pas été causées par la religion mais par l'extrémisme de certains croyants, dans toutes les religions et dans tous les systèmes politiques".
     
    Certes. Mais ne devrait-on pas alors attendre des musulmans modérés, des chrétiens pondérés et des juifs raisonnables qu' ils soient au premier rang pour contrer ou combattre les islamistes terroristes, les chrétiens semeurs de haine et de guerres et les partisans fanatiques du Grand Israël ?
     Quelques jours plus tôt, rapporte le Monde,  un groupe de 22 Sud-Africains, défenseurs des droits de l'homme, membres de l'ANC (African national Congress), sillonnait les territoires occupés de Cisjordanie. Parmi eux, Andrew Feinstein, ancien député de l'ANC, Sud-Africain et juif, a été particulièrement choqué ; ayant vu à Hébron des colons insulter les Palestiniens et leur jeter des pierres, mais aussi s' en prendre à sa délégation, il s' interroge : "Comment, au nom du judaïsme, peut-on se comporter de cette manière ? Comment peut-on transformer en ville fantôme un quartier commerçant arabe pour protéger quelques centaines de colons ?" Et, après avoir vu ce que les Palestiniens  appellent le "mur de l'apartheid", il commente : "Je comprends parfaitement la peur des juifs, mais elle ne peut justifier ce qui se passe", avant d'ajouter : "Et je trouve très triste que cela se fasse au nom du judaïsme".
     Comme une bouffée d' air frais d' humanisme...
     L' humanisme - avec ou sans dieux - viendra-t-il à bout du terrorisme ? Ce qui impliquerait, comme l' a souligné la rencontre de Madrid, de s' en prendre à ses causes profondes : et, plus précisément, aux causes profondes de l' écho positif qu' il trouve en certaines circonstances dans certaines populations. 


        Dimanche 20 juillet 2008

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    Le Trésor US au secours de Freddie et de Fannie


     Hier, le Trésor américain et la Réserve fédérale prenaient des mesures d' urgence pour sauver les deux géants du refinancement du crédit : Freddie Mac et Fannie Mae - qui  détiennent ou garantissent à eux deux  45 % de l'en cours actuel des prêts immobiliers aux États-Unis, soit 5 300 milliards de dollars - et dont on ne peut ignorer les liens avec les intérêts de la famille Bush. Aujourd' hui, le président Bush monte au créneau : reconnaissant qu' il n' est pas économiste, mais se prévalant de son optimisme, il souligne que l' économie américaine est toujours en croissance et que les fondamentaux à long terme sont bons... Sauf qu' avec ses allégements d' impôts et ses guerres, il a creusé les deux déficits - budgétaire et extérieur, accentué l' endettement extérieur et laissé se gonfler les avoirs en dollars : des facteurs qui contribuent à affaiblir le dollar, à nourrir la spéculation sur tous les marchés (monétaires, financiers, pétroliers, des matières premières et des produits de base alimentaires) et à créer des foyers inflationnistes. Où l' on retrouve les principales manifestations de la crise en cours, plus l' inflation - que va encore alimenter l' ouverture à tout va de crédits pour sauver des institutions bancaires et financières en difficulté.

      Finalement la mise en cause des  États-Unis par Medvedev (billet du 7 VII) était très retenue : car de même que l' expédition et la victoire éclair de Bush en Irak ont contribué à déstabiliser le Moyen-Orient, de même son action en matière économique a sérieusement aggravé les déséquilibres de l' économie mondiale.

        Mardi 15 juillet  2008

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    Dérèglements et dissensions


     Dérèglements des marchés - immobiliers, financiers, monétaires, des produits énergétiques, des matières premières et des denrées alimentaires de base... ; dissensions sur les politiques à mener pour éviter les désastres d' un changement climatique annoncé : le 34ème sommet des pays industrialisés avait abondance de grain à moudre. Réuni du 7 au 9 juillet à Toyako sur l' île d' Okkaido, il s' était élargi en invitant, pour des sessions spéciales, les représentants des cinq grands pays dits “émergents” et de 7 pays africains. Cette éminente rencontre a une fois de plus mis en lumière la tragique incapacité des dirigeants des grandes puissances : incapacité à répondre aux urgences des populations des pays les plus pauvres (pour l' Afrique, le G8 a tout bonnement réitéré ses promesses - non tenues - de l' an dernier) ; incapacité à esquisser les grandes lignes d' une stratégie face à la crise mondiale dont les soubresauts des marchés ne sont que des symptômes ; incapacité à dégager une ligne d' action pour conjurer la menace qu' engendrent nos excessives émissions de gaz à effet de serre.
     C' est pourtant sur ce point que le sommet s' est crédité d' une avancée. Jugez en : les huit pays industrialisés s' étaient l' an dernier engagés à “considérer sérieusement” une réduction d'au moins 50 % des émissions d'ici à 2050 ; cette année ils se déclarent prêts à “chercher à partager avec toutes les parties à la Convention de l'Onu sur les changements climatiques un objectif de réduction d'au moins 50 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre d'ici à 2050”. Qu' il s' agisse de “considérer sérieusement” ou de “chercher à partager”, on est loin de clairs engagements. En outre, pour les pays industrialisés, la réduction de 50 % est, selon les experts, un objectif très insuffisant ; de leur côté, les pays émergents du G5 (Chine, Inde, Afrique du Sud, Brésil, Mexique) ont, dans un communiqué commun, jugé “essentiel que les pays développés montrent la voie et réduisent en 2020 leurs émissions de gaz à effet de serre (…) d'au moins 25 à 40 % par rapport à leur niveau de 1990 et en 2050 de 80 à 95 %”.
     Or, il y a quelques jours, Rajendra Pachauri, prix Nobel de la paix 2007 pour son action comme président du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec), déclarait au Monde à l' occasion de son invitation devant le  Conseil informel des ministres de l'environnement et de l'énergie de l'Union européenne : “Pour contenir la hausse des températures en deçà de 2 °C-2,4 °C, qui est selon nos travaux la ligne à ne pas franchir pour ne pas se mettre gravement en danger, il ne nous reste que sept ans pour inverser la courbe mondiale des émissions de gaz à effet de serre. C'est très peu”.

     Ainsi, le réseau international de chercheurs chargé par l' Onu d' analyser et d' évaluer l' évolution du climat réitère ses alertes. La réaction du G8 est une nouvelle fois d' éluder : un peu comme si, averti que le bâtiment file droit sur un iceberg, le bureau des officiers faisait répondre : “nous envisageons d' essayer de venir voir” : simplement parce que le commandant ne veut pas être dérangé avant la fin de sa partie de bridge. Ici, c' est parce que Bush le second veut finir sa présidence sans avoir accepté de lier son pays par un nouvel engagement international. 

        Jeudi 10 juillet 2008

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    La Russie hausse le ton  

      Dépêche de l' AFP. Dans son discours d'ouverture au 12e Forum économique de Saint-Pétersbourg, le président russe Dmitri Medvedev a critiqué "l'illusion qu'un pays, même le plus puissant au monde, puisse jouer le rôle de gouvernement global".  Devant des milliers d'hommes d'affaires russes et étrangers, il a enfoncé le clou : “C'est précisément le fait que le rôle des États-Unis dans le système économique mondial ne correspond pas à ses capacités réelles qui a été une des principales raisons de la crise actuelle... Cela montre la nécessité de réformes...”. Des réformes qui feraient à la Russie la place qui lui revient : “La Russie est un acteur mondial qui est conscient de sa responsabilité pour le sort du monde. Nous voulons participer à la formation des règles du jeu, pas en raison d'ambitions impériales, mais parce que nous sommes conscients de notre responsabilité et que nous possédons des ressources”.
     

      Il y a une quinzaine d' années, dans la foulée de l' effondrement de l' Union soviétique, des “experts” ultra-libéraux américains ont prescrit à Moscou une thérapie propre à briser l' économie russe. Poutine a bloqué cette spirale et suscité un redressement, tandis que Bush, avec sa prétention de chef de guerre doublée de choix rétrogrades en matières énergétique, écologique et économique, menait la puissante économie américaine sur une voie de garage. L' Europe - Pénélope occupée à défaire ce qu' elle tente de faire - n' en profite guère ; mais la Russie et la Chine - et à un autre niveau l' Iran et le Venezuela - tentent, chacune (et chacun) à sa manière, d' en tirer avantage...

        Lundi 7 juillet 2008


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    Plantes et bêtes s'adaptent

    Le début de la hausse des températures a commencé à perturber le vivant : deux articles du Monde en témoignent.
    Le premier, “Les plantes forestières grimpent avec la température, rend compte d' une étude (publiée par Science) menée sur 171 espèces végétales dans les six principaux massifs montagneux français : il s' en dégage que, depuis quelques décennies, “les plantes forestières montent en altitude, pour retrouver des conditions favorables à leur développement.
     Le second, Le réchauffement climatique raconté par les oiseaux, explique : “Le phytoplancton est parti le premier. Parce que les eaux de la mer du Nord s'étaient réchauffées d'un petit degré, ces micro-organismes marins ont subitement migré vers des fonds plus rigoureux. Le zooplancton l'a suivi. Et puis dans leurs sillages, on a vu s'en aller le lançon, ce "poisson-fourrage" fin et longiligne dont se nourrissent les gros poissons et les oiseaux marins (...). En 2006, dix-huit ans après (la) mise en place (du programme Stoc - Suivi temporel des oiseaux communs), on constate que les communautés d'oiseaux se sont déplacées de 124 km vers le nord ! (...) Les oiseaux sont des alarmes qui ne cessent de se déclencher. C'est l'hirondelle qui n'annonce plus le printemps parce qu'elle préfère passer l'hiver dans son étable, la cigogne qui s'est en grande partie sédentarisée, c'est l'échasse blanche qui s'implante au nord de la Loire et le héron garde-bœuf, pensionnaire de Camargue, qui batifole aujourd'hui en baie de Somme…”. 

      Comme les humains, les plantes et les bêtes s' adaptent face aux premiers effets du début du réchauffement climatique. Mais si la puissante machine climatique se dérègle ou s' emballe, il ne sera plus question d' adaptation : ce sera un sauve-qui-peut généralisé. C' est pourquoi il faut tout faire pour ralentir le changement climatique. C' est pourquoi aussi il est criminel de laisser, par facilité ou par intérêt, ce changement s' amplifier (v. billets des 9 et  25 VI).

        Samedi 28 juin  2008

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    Vingt ans déjà...


     Le 23 juin 1988, James E. Hansen, 47 ans, climatologue à la Nasa, déclarait devant une commission du Congrès des États-Unis être certain à “99 %” que le climat terrestre était entré dans une période de réchauffement provoqué par les activités humaines. Il demeura longtemps un “mouton noir”, au moins pour les autorités scientifiques et politiques.
     Lundi dernier, 23 juin 2008, directeur du  NASA Goddard Institute for Space Studies, il s' exprime “à titre personnel” devant la commission de l' indépendance énergétique et du réchauffement terrestre de la Chambre des Représentants (http://www.columbia.edu/jeh1/2008/TwentyYearsLater_20080623.pdf).
     Il constate d' emblée qu' il y a toujours un vaste fossé entre ce qui est compris au sujet du réchauffement terrestre par la communauté scientifique compétente et ce qui est connu par les décideurs politiques et le grand public". Mais il n' est plus temps de tergiverser : le prochain président et le Congrès devront faire en sorte que les États-Unis exercent un “leadership à la mesure de (leur) responsabilité dans la dangereuse situation actuelle”. Sinon, il deviendra impossible de maîtriser les processus engendrés par nos émissions de gaz à effet de serre et donc d' éviter de désastreux changements climatiques. Car, insiste-t-il dans son intervention, “les éléments d' un véritable ouragan, d' un cataclysme planétaire, sont réunis : il pourrait provoquer des centaines de millions de réfugiés et affecterait gravement et pour de très longues durées les espèces vivantes et la biodiversité.
     Puis Hansen accuse accuse : “Les changements nécessaires pour sauvegarder la création, la planète sur laquelle s' est épanouie la civilisation, sont clairs. Mais ils ont été bloqués par des intérêts particuliers focalisés sur des profits de court terme. Il insiste : Des intérêts particuliers ont bloqué la transition vers l' avenir que peut nous assurer l' énergie renouvelable. Au lieu d' aller massivement vers les énergies renouvelables, les firmes fossiles ont choisi de répandre le doute sur le réchauffement terrestre, comme les firmes du tabac avaient dénié le lien entre l' acte de fumer et le cancer (...). Les dirigeants des firmes de l' énergie fossile savent ce qu' ils font et ils sont conscients des conséquences à long terme de leur choix de poursuivre, comme si de rien n' était, cette activité. À mon avis, ces dirigeants devraient être jugés pour crimes, des crimes contre l' humanité et la nature.
     Observant que la condamnation des dirigeants d' ExxonMobil ou de Peabody Coal ne nous apportera aucune consolation si nous transmettons à nos enfants un climat déréglé, Hansen souligne l' extrême urgence d'agir radicalement ; il préconise notamment la taxe sur le carbone - sur le charbon, le pétrole et le gaz” - et la mise en œuvre massive et largement dispersée des énergies renouvelables. Il demande que son pays s' engage immédiatement dans cette voie, avec la conviction que les autres pays, la Chine et l' Inde notamment, comprendront rapidement qu' ils ont eux aussi intérêt à réduire leur dépendance à l' égard des combustibles fossiles.
     Puisse-t-il être mieux entendu qu' il y a vingt ans. Puissent les mesures qu' il préconise et l' ensemble de celles qui vont dans le même sens être très rapidement et très résolument mises en œuvre. Car il ne nous reste plus qu' un bref créneau temporel pour agir si nous voulons ne pas nous laisser prendre dans une spirale fatale.


        Mercredi 25 juin  2008

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    Une menace planétaire ?


     Vu hier au cinéma The Happening - Phénomènes - de Night Shyamalan. Une épidémie de suicides frappe de grandes cités américaines ; ceux qui le peuvent tentent de s' en éloigner. Mais l' épidémie touche les moyennes, puis les petites villes ; elle frappe les groupes qui fuient sur les routes et les chemins. La caméra suit à travers des épisodes tragiques un drame familial et quelques destins individuels. Au fil du temps, bien des hypothèses sont avancées pour expliquer cet inexorable fléau : attaque menée par des terroristes, une puissance étrangère ou des extra-terrestres, effet d' une fuite radioactive ou chimique, suite catastrophique de l' essai d' une nouvelle arme psycho-physiologique...
     Comme elle avait commencé, la menace s' affaiblit puis s' éteint : sans signes ni raisons. Lors d' un débat télévisé, un scientifique rappelle que tous les foyers de l' épidémie sont nés à la suite de forts coups de vent qui agitaient hautes herbes, buissons, branches et arbres ; il évoque la capacité qu' ont certaines plantes d' émettre des substances qui écartent, affectent et parfois empoisonnent leurs prédateurs ; et il émet cette hypothèse : “Peut-être, les hommes ont-ils trop porté atteinte au Vivant ; peut-être, les plantes se vengent-elles...; ce peut n' être qu' un avertissement...; à moins que ce soit le début de...”. Dans une séquence ultérieure, le même vent, insolite sous le ciel bleu de Paris, se met à souffler sur les arbres des Tuileries.
     Dans Terre Mère, Jean Malaurie, découvreur devenu ensemble savant et Inuit, inlassable défenseur du Grand Nord, s' inquiète de la “mondialisation sauvage” et d' un “développement désordonné” qui s' annonce comme “dévastateur” : “La Terre souffre. Notre Terre Mère ne souffre que trop. Elle se vengera. Et déjà les signes sont annoncés”. Au début de ce mois, le biologiste québécois Jean Lemire rapportait dans La Presse les propos du glaciologue Roy Koerner qui, se situant dans la très longue durée, relativisait à sa manière le caractère dramatique du réchauffement en cours : “Pour nous, pour les animaux, pour les écosystèmes, bien sûr [c' est dramatique]. Mais pas pour la planète. Elle survivra.
     Entre ces deux perspectives inquiétantes - la vengeance du Vivant ou son extinction - j' en vois une troisième : recourant à l' extrême puissance que lui confère la maîtrise de la technoscience, la nouvelle oligarchie mondiale va accentuer la mise en coupe réglée de la Terre, systématiser les manipulations du Vivant et durcir pressions et répressions sur les milliards d' humains dont les aspirations menacent l' opulence dont elle jouit.


        Dimanche 15 juin  2008

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    Monsanto Bayer BASF and Co


      “Monsanto, Bayer, BASF, Syngenta et d'autres firmes ont déposé 532 brevets sur des séquences génétiques favorisant l'adaptation au changement climatique”, rapporte le Monde sur la base de travaux d' un collectif de chercheurs indépendants basés à Ottawa - ETC Group, Action Group on Erosion, Technology and Concentration. Monsanto et BASF, qui détiennent 49 % de ces brevets, avaient annoncé en mars 2007 un partenariat de 1,5 milliard de dollars - «probablement le plus grand accord privé de recherche jamais enregistré», selon ETC Group - pour développer “des plantes résistantes à des conditions climatiques néfastes”.

      Pour les indécrottables négateurs des aspects inquiétants des mutations en cours - qui se targuent d' optimisme - cela montre que des firmes sérieuses se préoccupent de l' avenir. Pour les incorrigibles inquiets - que les premiers taxent de pessimisme - cela constitue un très funeste symptôme. D' abord, en une période où l' humanité s' efforce de se mobiliser pour limiter le réchauffement climatique, ces firmes anticipent l' échec de cet effort. Ensuite, ces firmes, dont les activités chimiques contribuent substantiellement à l' accentuation de l' effet de serre, vont être encore moins motivées pour réduire leurs émissions de gaz nocifs : car cela contribuerait à affaiblir leurs chances de rentabiliser leurs investissements dans ces nouvelles technologies des “séquences génétiques favorisant l'adaptation au changement climatique”.
      Ainsi, les firmes capitalistes peuvent développer leurs activités et faire des profits, aussi bien dans des stratégies d' amélioration de la situation de la planète qu' en jouant la carte du pire : celles qui choisissent la seconde voie devraient être traduites en justice.

        Lundi 9 juin 2008

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    Méduses proliférantes


       Prolifération massive de méduses sur les côtes de différentes mers et  d' océans. La conjonction de la destruction de leurs prédateurs - les tortues, notamment - et du réchauffement planétaire en est probablement la cause. Ce phénomène nuit évidemment au tourisme de bord de mer, ce qui expliquerait que je n' aie pas réentendu cette information ; la ville de Cannes, précisait-elle, aurait déjà protégé deux de ses plages par des filets anti-méduses. Mais il y a plus : des myriades de ces êtres diaphanes, urticants et voraces ont attaqué des élevages industriels de poissons ; l' eau était rouge de sang a rapporté un témoin : un thème porteur pour une nouvelle série de films d' épouvante, mais une vraie menace pour le développement de l' aquaculture, présentée comme l' incontournable réponse à l' épuisement de la ressource halieutique...

      Nous commençons à prendre conscience des différents maux dont nous avons contaminé notre planète. Aux uns et aux autres nous consacrons des journées, des colloques, des campagnes, des commissions ou des comités d' experts. Mais nous répugnons à reconnaître que c' est dans un système ultrasensible et complexe que nous effectuons depuis trop longtemps des prélèvements toujours croissants et que nous diffusons à doses massives, avec nos activités et nos déchets, des substances (biologiques, chimiques, radioactives, etc.) à longue durée d' efficacité. Au delà des effets visibles, d' autres imprévisibles se préparent ; les solutions que nous projetons vont se heurter à de nouveaux obstacles ou aggraver d' autres maux : car au lieu d' un patient travail de soins attentifs menés en tenant compte de la diversité des écosystèmes, nous nous en remettons, comme à une Nouvelle Providence, aux remèdes impulsés par la synergie des Très Grandes Firmes, des États et des Bidouilleurs de Technoscience ; des remèdes une nouvelle fois porteurs d' effets destructeurs immaîtrisables...

        Samedi 7 juin  2008

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    Les plus pauvres, dépérir tu laisseras...


    850 millions d' humains souffrent de sous-alimentation ; la récente hausse des prix alimentaires affecte gravement 150 millions d' autres : un milliard d' humains manquent de vivres. Dans trop de pays de l' ex-tiers monde, les agricultures vivrières ont été démantelées par les effets conjugués des politiques menées au nord et au sud. Espoir : le sommet de la FAO se réunit à Rome ; une cinquantaine de chefs d' État et de gouvernement sont présents.
    Après d'âpres débats, la déclaration finale reprend benoîtement les conclusions des sommets sur l'alimentation de 1996 et 2002 : «atteindre la sécurité alimentaire» et «réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées pour 2015 au plus tard». Elle appelle la communauté internationale «à poursuivre ses efforts en matière de libéralisation des échanges internationaux de produits agricoles, en réduisant les obstacles au commerce et les politiques qui sont à l'origine de distorsions des marchés». Les États-Unis et le Brésil ayant vigoureusement défendu les agrocarburants, le sommet se borne à appeler, avec prudence, à «des études approfondies» sur cette nouvelle forme d'énergie.
     Interviewé par le Monde, Jean Ziegler s' indigne : ancien rapporteur de l'Onu sur le droit à l'alimentation, aujourd'hui membre du comité consultatif du conseil des droits de l'homme des Nations unies, il aurait souhaité trois chose : “l'interdiction totale de brûler de la nourriture pour en faire des biocarburants : que soit retirée à la Bourse la fixation des prix des aliments de base ; et que “les institutions de Bretton Woods (...) donnent la priorité absolue dans les pays les plus pauvres aux investissements dans l'agriculture vivrière, familiale et de subsistance”. Il met en cause les États-Unis et leurs alliés, “dix sociétés multinationales (qui) contrôlent actuellement 80 % du commerce mondial des aliments de base” et le secrétaire général des Nations unies, dont les propositions ont été très insuffisantes.
     Pour lui, ce sommet est un “échec total (... et)  le résultat de cette conférence est totalement scandaleux : l'intérêt privé s'est imposé, au lieu de l'intérêt collectif. Les décisions prises à Rome risquent d'aggraver la faim dans le monde, au lieu de la combattre”.
      Pendant des décennies, la plupart des dirigeants des pays riches ont obstinément résisté à la pressante obligation de consacrer 1 % - rapidement rabattu à 0,7 % - du produit de leur pays à l' aide publique au développement ; non seulement leurs aides ont été insuffisantes, mais elles ont le plus souvent négligé l' immense potentiel que représentent les paysanneries. Aujourd' hui, la situation s' est dégradée dans de larges parts du monde rural, un milliard d' humains vivent dans des bidonvilles, on n' a guère progressé vers la réduction de la pauvreté dans le monde : des aides d' urgence ne suffiront pas à renverser ces tendances.
     À se demander si famines et sous-nutrition ne sont pas, pour certains dirigeants mondiaux, des moyens de freiner la croissance démographique.
      Incroyable, impensable, improuvable, diront certains. En tout cas, inavouable, et nul ne démentira.


        Vendredi 6 juin 2008

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    La démocratie dévoyée


     Lequel de nos éditeurs français qui ne cessent de se répandre en plaintes et geignements à propos de la crise du livre de sciences humaines aurait accepté le projet de cet ouvrage ? Pensez donc : un volume de 672 pages, dont 66 de notes, 28 d' index et 8 de remerciements ! Un ouvrage dont le titre - La Stratégie du choc - et le sous-titre - La montée du capitalisme du désastre - risquent de heurter  trop de sensibilités. Un livre dans lequel l' auteure, Naomi Klein, traite dans un même mouvement  de la CIA et de l' école de Chicago, de la torture et des ravages de l' extrême libéralisme, de l' Indonésie, du Chili, de la Russie et de l' Irak, de Milton Friedman, des présidents Bush et de leurs redoutables entourages.
      Ainsi, la doctrine du choc et la mise en œuvre d' une violence aux multiples formes ont largement sous-tendu tant les stratégies internationales de plusieurs présidents républicains - du coup d' État contre Allende à l' invasion de l' Irak - que leurs politiques menées dans leur propre pays - des privatisations (de la santé, de l' enseignement, de la sécurité...) à la systématique exploitation de la menace, du désastre et de la peur, après le 11 septembre comme après l' ouragan Katrina.
      On ne peut, hélas, en parler au passé. Selon le Guardian et d' autres, au moins 17 bateaux-prisons sont encore en activité dans le monde pour permettre aux services américains de garder en détention et soumettre à leurs questions, à l' abri de tout contrôle judiciaire ou autre, un intarissable flot de suspects-terroristes. Ils seraient encore 26 000 à être détenus dans des prisons secrètes, dans lesquels plus de 80 000 auraient transité depuis 2001.
      Ce qui ôte toute légitimité au président Bush et à ses séides pour prôner la Démocratie et les Droits de l' homme de par le monde. Et ce qui, par contrecoup, affecte la crédibilité de l' ensemble des dirigeants de pays démocratiques demeurés muets face à ces dérives mafieuses.


        Mardi 3 juin  2008

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    Résolutions et voeux pieux

       Vendredi dernier, à Dublin, les représentants de 111 pays ont adopté un projet de traité interdisant les bombes à sous-munitions et prévoyant la destruction d'ici huit ans de ces armes - dont on sait les ravages qu' elles font dans les populations civiles, notamment parmi les enfants, longtemps après la fin des conflits. Un bémol : les principaux fabricants de ces armes - États-Unis, Russie et Chine - n'ont pas participé à cette négociation.
       Le même jour, à Bonn, s' achevait la conférence des Nations unies sur la biodiversité. Selon l' économiste indien, Pavan Sukhdev, “l'appauvrissement biologique coûterait 2 000 milliards par an, soit 6 % du produit brut mondial. L'urbanisation, la standardisation des pratiques agricoles, la pollution, la prolifération d'espèces envahissantes introduites par les échanges commerciaux, le changement climatique enfin, sont les principales causes du phénomène, rapporte le Monde. Quelques timides avancées ont été esquissées : un mécanisme de financement pour les aires protégées, la mise en place d' un groupe international d' experts de la biodiversité, la préparation d'un traité international sur l'utilisation des ressources génétiques, trop souvent encore pillées par de grandes firmes dans des pays pauvres...

      Pendant ce temps, la biodiversité se réduit (voir billet du 16 mai) - ce qui n' a pas empêché la conférence de réaffirmer l' objectif fixé à Rio en 1992 de freiner d'ici à 2010 le rythme de disparition des espèces et des écosystèmes : un vœu aujourd'hui irréalisable, qu' il est inconvenant et vain de réitérer comme si de rien n' était.

        Lundi 2 juin 2008


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    La faute au système ?

    Après l' émission Terre à terre de ce matin, j' écris à Ruth Stegassy.
    Nos communes préoccupations pour le devenir de la Terre, du Vivant et des sociétés humaines et notre commune obstination à contribuer à élargir et approfondir la prise de conscience des périls et des enjeux m'incitent à vous mettre ce mot - en partie à la suite de votre émission de ce matin.
    Certes, il faut dénoncer le "système", le libéralisme, la spéculation, la pression financière, l'inertie des politiques, l'enlisement démocratique, l'ambivalence des technologies, etc. Certes, il est bon de mettre en lumière et valoriser les actions, réalisations et techniques s'inscrivant dans un dialogue avec la nature, les luttes contre ce qui la détruit ou la menace, les contestations et les révoltes.
       “Mais d'année en année la situation s'aggrave, les processus s'accélèrent : de plus en plus, nous nous heurtons à des limites qui restreignent nos choix ; et les prédicateurs d'un développement durable "cool" (obtenu sans efforts, ni remises en cause, ni sacrifices) font obstacle à la nécessaire prise de conscience.
      “Or nous sommes confrontés à une situation marquée par :
    - les fragilités de la Terre et du Vivant face à nos capacités productives et notre puissance technoscientique ;
    - des inégalités abyssales, insupportables dans un monde où se généralise la nécessité d'acheter pour vivre ;
    - une exceptionnelle concentration du pouvoir dans quelques grands Etats et une constellation mouvante de puissances économiques et financières ;
    - et, last but not least, le fait que dans les sociétés riches la consommation est devenue à la fois le premier mobile des individus et le principal ciment social.
    “D'où l'engrenage fatal dans lequel nous sommes entraînés :
    - avec l'incessante création de besoins et de biens pour les détenteurs de pouvoir d'achat, alors que le nécessaire vital est loin d'être assuré pour des multitudes ;
    - avec les transformations en cours dans les pays émergents qui vont rapidement conduire au doublement (de un à deux milliards) du nombre de "consommateurs modernes" dans le monde ;  
    - avec des "avancées" technologiques conduites non en fonction des urgences de la Terre et du monde, mais des besoins solvables des détenteurs de pouvoir d'achat ;
    - et finalement avec, malgré les mesures et les efforts en sens inverse, plus de prélèvements, plus de pollutions, plus de dégradations (des sols, des eaux, des océans), plus d'espèces vivantes menacées...
      “C' est pourquoi :
    1/ Est désormais nécessaire une stratégie nationale/ mondiale pour faire face aux urgences du monde en assurant la convalescence de la Terre : y transférer progressivement les ressources actuellement consacrées à l'armement pourrait être rendu possible grâce à une politique plus active pour la paix. La Terre et l'Humanité ne sont-elles pas en danger ?
    2/ Si l'on veut stopper l'engrenage, il ne suffit pas de s'en prendre au "système", au libéralisme, à la spéculation, à la finance et aux politiques ; il nous faut apprendre à nous débarrasser de notre conditionnement de consommateurs en quête de "toujours plus, toujours nouveau", laisser s'épanouir d'autres motivations pour la vie en société et travailler à l'émergence d'une frugalité post-moderne...”


        Samedi 17 mai 2008

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    Destruction massive d' espèces

      Publié avant la prochaine convention de l'ONU sur la biodiversité, une  étude réalisée par la Société zoologique de Londres en collaboration avec le Fonds mondial pour la nature (WWF) permet d' estimer que la faune mondiale - poissons, amphibiens, reptiles, oiseaux et mammifères - a diminué de plus d' un quart (27 %)  entre 1970 et 2005. “La pollution, l'agriculture, l'expansion urbaine, le recours excessif à la pêche et à la chasse, sont les raisons citées pour expliquer cette tendance”, rapporte l' AFP qui précise que “les êtres humains consomment chaque jour plus de ressources naturelles, et(...) utilisent 25 % de plus que ce que la nature peut remplacer”.
    Il y a 16 ans, au sommet de la Terre de Rio, la biodiversité avait été retenue, avec le climat et la désertification, comme une des trois priorités pour notre planète ; et la Convention des Nations unies sur la diversité biologique, adoptée lors de cette conférence fixait comme objectif d' en ralentir la dégradation dès le début du XXIème siècle.

      Avidité, irresponsabilité, acratie ont balayé les bonnes intentions.

        Vendredi 16 mai 2008


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    America über alles ?

    La CIA serait autorisée à contourner le droit international, “Torture: ‘la loi peut être violée' (USA), États-Unis - La CIA fait fi du droit international”, titrent respectivement le Monde, le Figaro, et le Devoir. Tous trois tirent leurs informations du New York Times et du Washington Post.
    L'été dernier, le président Bush avait publié un décret selon lequel la CIA devait respecter les conventions internationales sur le traitement des détenus. Mais le mois dernier, il a opposé son veto à un texte visant à interdire à la CIA de recourir à des méthodes d'interrogatoire susceptibles d' être considérées comme de la torture, telle que la simulation de noyade. Différents courriers ont alors été diffusés par le département de la justice, dont certains ont été rendus publics par les services d' un sénateur démocrate : dans une lettre datée du 5 mars, Brian Benczkowski, assistant de l'Attorney général, précise que “le fait qu'une action soit entreprise pour prévenir une menace d'attaque terroriste, plutôt que [par] volonté d'humiliation ou d'abus, devrait être relevé par un observateur raisonnable pour mesurer le caractère outrageux de cette action”. En clair : dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, des agents pourraient, sans crainte d' être mis en cause, recourir à des méthodes prohibées par des conventions internationales.
      Incorrigible Bush. Jusqu' au bout il aura biaisé, rusé pour que les USA, leurs troupes et leurs agents demeurent au dessus de la loi internationale.


        Dimanche 27 avril 2008

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    Lula contre Ziegler


      "Le vrai crime contre l'humanité serait de rejeter a priori les biocarburants, et de laisser les pays étranglés par le manque de produits alimentaires et d'énergie dans la dépendance et l'insécurité", telle est la réponse de Luiz Inacio Lula da Silva, président du Brésil, à Jean Ziegler, rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l' alimentation, qui a osé, dans le contexte de la crise alimentaire, associer biocarburants et crime contre l' humanité. C' est que le Brésil  est le deuxième producteur mondial  de  biocarburants après les Etats-Unis.

      Pourtant Ziegler avait eu la prudence de ne mettre en cause que les  Etats-Unis (v. mon “billet” du  14 avril). Mais le monde entier a compris qu' il dénonçait un processus par lequel l' alimentation des véhicules en agrocarburants se ferait au détriment de l' alimentation des populations pauvres de la planète. En outre, au Brésil même, des mouvements paysans ont commencé à poser ce problème. Alors Lula a vu rouge.

        Jeudi 17 avril 2008

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    De nouvelles vues sur l' agriculture ?


      En lisant le  Monde et Swissinfo.ch. Travaillant dans une démarche analogue à celle du Giec pour l' examen du problème du changement climatique, un groupe réunissant plus de 400 experts internationaux a travaillé sur l' Evaluation internationale des sciences et technologies agricoles au service du développement (Eistad). Son travail, soutenu par la banque mondiale et la FAO, a débouché sur un rapport qui a été  approuvé le 12 avril, à Johannesburg, par les représentants de 59 gouvernements ; les États-Unis, le Canada et l'Australie ont émis des réserves, notamment sur le rôle insuffisant à leurs yeux, accordé au marché et aux biotechnologies ; des firmes multinationales comme Monsanto et Syngenta s'étaient dissociées de ce travail.
      Dégageant les lignes de force d' un rapport de quelques 4 000 pages, le Français Michel Dodet, de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), souligne qu' il propose une réorientation autour des savoirs locaux et communautaires, afin de retrouver une autosuffisance alimentaire. On ne peut pas jouer sur le seul facteur de la technologie”. Pour l'agronome suisse Hans Rudolf Herren, le groupe a abouti après quatre ans de travaux à la conclusion que la production alimentaire actuelle n'est pas durable : Les crises alimentaires vont augmenter tant qu'on poursuit sur la lancée actuelle, prédit l'agronome. Nos méthodes épuisent les sols et consomment trop de pétrole. Le changement climatique accentue les sécheresses et les inondations. Les politiques agricoles, le commerce mondial libéralisé et les agrocarburants défavorisent l'alimentation des plus pauvres. Aujourd'hui, l'humanité grignote son capital-terre”.
      “Il y a une ignorance collective sur l'interaction entre l'agriculture et les systèmes naturels, estime Achim Steiner, directeur du Pnue, et ceci doit changer”.
      Hélas, si l' on considère les immenses programmes de nouvelles cultures chimico-génétiques lancés par l' agrobusiness un peu partout dans le monde - souvent à l' encontre des paysanneries locales - on a le sentiment que de puissantes forces continuent à pousser l' agriculture dans la direction avec laquelle le rapport et ses auteurs nous invitent à rompre...


        Mercredi 16 avril 2008

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    Crime contre l' humanité


      En lisant Libération et Reuters : face aux émeutes de la faim (voir mon "billet" du 11 ), Jean Ziegler, rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l' alimentation, s' indigne : Quand le prix du riz flambe de 52 % en deux mois, celui des céréales de 84 % en quatre mois, et quand le prix du fret explose avec celui du pétrole, on précipite 2 milliards de personnes sous le seuil de pauvreté”. Il voit les responsabilités principalement dans l' indifférence des maîtres du monde, pays riches ou grands émergents. Les opinions publiques s' offusquent-elles de la famine dans le nord de l' Inde, comme il y a deux ans, ou des populations du Darfour ?.  Et il  dénonce : Quand on lance, aux États-Unis, grâce à 6 milliards de subventions, une politique de biocarburant qui draine 138 millions de tonnes de maïs hors du marché alimentaire, on jette les bases d' un crime contre l' humanité pour sa propre soif de carburant…”.
      “Crime contre l' humanité” : j' espère que la formule va faire mouche.
    Il y a longtemps que je pense et que je tente de faire admettre que nombre de réalités de notre monde, couramment acceptées, ont une dimension criminelle : des revenus qui se chiffrent en millions de dollars (ou des fortunes en centaines de millions ou en milliards de dollars), les excessifs budgets consacrés aux courses aux surarmement, les sommes consacrées et à faire vendre des médicaments aux effets nocifs, des produits d' usage courant dangereux pour la santé ou pour le vivant, des aliments, nutriments et boissons nuisibles, des armes et des drogues... Et tant que subsistent de par le monde ces capacités d' indignation et de protestation, il reste permis d' espérer.
      Il ne s' agit pas d' exclure toute production d'agrocarburants à partir de végétaux, mais d' en soumettre chaque forme à un double examen : un bilan écologique de sa production et de son utilisation (emprise sur les terres, émissions de gaz à effet de serre, utilisation d' eau...) ; et un bilan global humain, nécessaire dès lors que nous arrivons à des limites dans l' utilisation des ressources terrestres et que des arbitrages vont devoir être fait, dans l' usage des céréales et la mise en œuvre des terres, entre alimentation humaine de base, élevage et production de carburant.
      Et si cet arbitrage se fait essentiellement par le marché, il dépendra du rapport des pouvoirs d' achat : compte tenu des inégalités actuelles, ce sera l' alimentation de base de multitudes humaines qui sera sacrifiée.


        Lundi 14 avril 2008

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    La FAO s' alarme


      “La facture des importations céréalières des pays les plus pauvres du monde” a augmenté de 37 % en 2006/2007 ; elle devrait augmenter de 56 % en 2007/2008 - de 74 % pour les pays d' Afrique à faible revenu et déficit alimentaire -, s' inquiète la FAO : Les prix du pain, du riz, du maïs et de ses dérivés, du lait, de l'huile, du soja et d'autres produits de base se sont envolés ces derniers mois dans nombre de pays en développement. Et cela, malgré les mesures politiques prises (...)”.
      D' où des émeutes de la faim en Égypte, au Cameroun, en Côte d'Ivoire (où les prix du riz ont plus que doublé), au Sénégal (où les prix du blé ont doublé), au Burkina Faso, en Éthiopie, en Indonésie, à Madagascar, aux Philippines et en Haïti, tandis qu' au Pakistan et en Thaïlande, “l'armée a été déployée pour éviter le pillage de la nourriture dans les champs et les entrepôt”.
      “La hausse est due à l'envolée des cours internationaux des céréales, des tarifs du fret et du prix du baril de pétrole, explique la FAO ; elle estime à un chiffre se situant entre 1,2 et 1,7 milliard de dollars les besoins de financements supplémentaires requis pour mettre en œuvre les programmes et projets dans les pays les plus affectés par la flambée des prix des denrées alimentaires : ces fonds “permettraient de procurer des intrants et des biens aux agriculteurs pauvres contribuant ainsi à doper la production alimentaire au cours de la prochaine campagne agricole.

      Il est certes plus que temps de réhabiliter les cultures vivrières et de soutenir les politiques visant une autosuffisance pour les produits de base : que de dégâts causés en ces domaines par l' incurie de certains gouvernants, par les insuffisances de l' aide publique au développement et par la concurrence de denrées subventionnées du Nord ! Mais il y a des pays en déficit alimentaire durable ; il y à le gonflement des bidonvilles qui comptent aujourd' hui plus d' un milliard d' habitants ; il y a des humains sans ressources monétaires et dont des céréales forment l' aliment principal, mis en concurrence à travers les réseaux de marchés avec de nouveaux consommateurs de volailles et de viande d' Asie et, depuis peu, avec des automobilistes qui ont fait le choix des biocarburants...
      Si on n' y met le holà, notre monde va s' installer dans une nouvelle barbarie.



        Vendredi 11 avril 2008 

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    Des courtiers performants

      Une dépêche de Reuters : les 100 courtiers les plus performants du monde ont gagné en 2007 plus de 30 milliards de dollars. La palme revient à John Paulson dont les gains sont estimés à 3 milliards : ayant en 2006 jugé probable une crise immobilière aux Etats-Unis, il a misé sur l'effondrement de produits financiers adossés aux crédits immobiliers à risque. La crise a fait sa fortune.

      Avant-hier, d' autres dépêches annonçaient que le couple Clinton avait gagné près de 110 millions de dollars entre 2000 et 2007 ; notamment grâce aux revenus des livres qu' ils ont publiés (40 millions) et des conférences que l' ex-président a données (52 millions) : l' art de rentabiliser une présidence glauque.

      A l' autre bout, d' innombrables humains survivent, tant mal que pire, avec moins que rien... Les pôles extrêmes du nouvel apartheid mondial.

        Lundi 7 avril  2008

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    Prix alimentaires

      En lisant le Monde : dans les villes africaines, les prix des denrées alimentaires flambent ; de plus en plus de familles ne peuvent plus suivre, les esprits s' échauffent, les récriminations s' aigrissent ; certains se rappellent qu' en octobre 2007 Jacques Diouf, directeur général de la FAO avait craint qu' un tel phénomène n' entraîne  des émeutes de la faim. Récemment, rappelle Radio Canada, le Programme alimentaire mondial de l'ONU et l'Agence américaine pour le développement international ont dû réduire leurs aides aux populations qui souffrent de la faim en Afrique, Asie centrale et Amérique latine : leurs stocks sont insuffisants face à des besoins croissants et, pour les reconstituer, il leur faudrait compte tenu de la hausse des cours plusieurs centaines de millions de dollars. Les prix du blé, du maïs et du riz, explique Radio Canada, ont plus que doublé en raison de la demande grandissante de la part des pays émergents et parce que nombre de produits agricoles servent aujourd'hui à fabriquer de l'éthanol et des biocarburants (... donc) à nourrir les automobiles et camions”.

      Des multitudes touchées par la faim à travers l' anonyme jeu du marché mondialisé : ni responsables, ni coupables ?

      Vendredi 4 avril 2008

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    Du micro-crédit au bien-vivre universel

     
      Prix Nobel de la paix 2006, infatigable promoteur du micro-crédit reçu hier par le président Sarkozy, Muhammad Yunus est ce matin l' invité de France Culture. Il parle de ses succès avec le micro-crédit dans les pays pauvres.
      Très bien !

      Il explique que cela peut aussi permettre de combattre la pauvreté dans les pays riches.
      Dans certains cas, pourquoi pas ? Car le micro-crédit n' est pas une panacée : c' est un outil qui donne une chance de mettre un pied dans le système marchand à ceux qui en sont exclus ; sans aucune garantie qu' ils ne retombent dans une forme ou une autre de pauvreté.

      Mais il y a plus. M. Yunus évoque sa nouvelle vision : un “nouveau capitalisme”, animé non par la recherche du profit mais par la compassion et le sens social.
      Là, ça ne va plus du tout ; les définitions du capitalisme sont diverses et variées mais toutes ont en commun un point et c' est précisément “la recherche du profit” ; alors un capitalisme sans profit c' est de la poudre aux yeux pour le bon peuple et de la bouillie pour les amateurs de pensée molle.

     
    M. Yunus ne s' arrête pas là. Il prône “l' éradication de la pauvreté” : “Je veux que chaque pays érige son musée de la pauvreté, quand il aura éradiqué la pauvreté à l'intérieur de ses frontières. Cela semble fou, mais il est possible d'éradiquer la pauvreté. Si nous le voulons tous, on peut y arriver”, déclarait-il hier à Métro France.
      Or quiconque a quelque peu travaillé, ou tout simplement réfléchi - sur les sociétés humaines et leur histoire, l' économie marchande, le capitalisme, l' espérance socialiste et ses dévoiements - sait combien il est difficile de simplement réduire durablement la pauvreté. Alors, annoncer son éradication dans une période où les inégalités s' accentuent dans presque tous les pays, et atteignent un degré extrême dans le monde, est irresponsable et trompeur. Y a-t-il un nom pour qui sème de fallacieuses espérances ? Et n' est-ce pas une grave faute de le faire quand on bénéficie de l' aura du Prix Nobel de la paix ?

      Mardi 1er avril 2008 

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    Obama et la question sociale

    Ce matin, au 7-9 de France-Culture, l' invité traite des États-Unis. Il revient sur le discours de Philadelphie de Barack Obama (voir 22 & 29 III) et met en relief ce point que je n' avais pas vu dans les articles et dépêches d' agences dont j' ai alors pris connaissance : en lien avec la question raciale, Obama a, comme l' avait fait Martin Luther King, abordé la question sociale et le problème de la pauvreté. Il a notamment évoqué la colère de travailleurs pauvres blancs qui ressentent comme une injustice les avantages - qui leurs sont refusés - que leurs camarades de travail de couleur tirent de la discrimination positive. Beaucoup d' entre eux, d' ailleurs, auraient délaissé la bannière démocrate pour voter républicain.

      Peut-être les faiseurs d' information n' aiment-ils pas la complexité et sont-ils rebutés par une double complexité, raciale et sociale. C' est en tous cas pour moi une occasion de constater combien il est difficile, dans le déluge d' informations dont nous bénéficions, de saisir une réalité - ne serait-ce qu' un discours - dans toutes ses dimensions.

      Lundi 31 mars  2008

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    Rice Obama et la question raciale 

      Hier,lors d' un entretien avec un journaliste du Washington Times, la secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice a estimé le discours d' Obama sur les questions raciales (voir 22 III) "important" pour les États-Unis.
      Elle a raconté que son propre père, sa grand-mère et son arrière grand-mère avaient enduré de "terribles humiliations" pendant leurs enfances dans le Sud, à l'époque de la ségrégation ; elle a également reconnu que la question raciale avait posé de graves difficultés aux États-Unis : "Mais ce que je voudrais faire comprendre en tant qu'Américaine noire, a-t-elle ajouté, c'est que les Noirs américains ont toujours aimé et eu foi en ce pays, même quand ce pays ne les aimait pas et n'avait pas foi en eux ; et c'est notre héritage". Un terrible jugement.
      Interrogée sur la question de savoir si le pays avait fait des progrès sur les questions raciales depuis le mouvement des droits civiques, Rice a répondu avec prudence : "Il faut travailler dur chaque jour pour que les mots extraordinaires, émouvants et inspirateurs des textes fondateurs soient une réalité pour tous les Américains".

      A chaque séjour aux États-Unis, l' ai éprouvé ce sentiment : que cet exceptionnel creuset multiracial reste pétri de pulsions et de tensions racistes - plus ou moins retenues, réprimées, condamnées ou refoulées... Ce que confirment à mes eux les propos convergents d' Obama et de Rice.

      Samedi 29 mars 2008

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    Le plein ou la vie ?

     
      Dans une interview au journal dominical NZZ am Sonntag publiée le 23 mars, Peter Brabeck,  PDG de Nestlé, premier groupe alimentaire mondial, déclarait : “Si l'on veut couvrir 20% du besoin croissant en produits pétroliers avec des biocarburants, comme cela est prévu, il n'y aura plus rien à manger” - une affirmation pour partie fallacieuse puisque ce sera pour des pauvres sans-terre qu' il “n'y aura plus rien à manger”. Dans la foulée, il met en cause la hausse des prix des céréales et le gaspillage accru de l' eau qu' entraînera la production de biocarburants :  pour produire un litre de bioéthanol il faut, selon lui, 4 000 litres d'eau.  
      Très vite s' est ouvert un débat, dont AlterNotre dégage les principaux temps, sous le titre “Rouler ou manger : faudra-t-il choisir ?”.
      Dès le lundi 24 mars, Arnaud Lemoine, représentant la FNSEA , dénonce des propos diffamants émis dans le seul but de "payer toujours moins cher les matières premières...". Mais, interviewé par France Info, Jean Ziegler, rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l'alimentation, reconnaît qu' en l' état actuel des choses - avec l' épuisement des ressources locales, la  consommation excessive d'eau et la spéculation - les biocarburants apportent plus de nuisances que de solutions durables. Et Mme Tanner, analyste matières premières au Crédit Suisse, confirme que les biocarburants sont pour l' essentiel à la source de l'augmentation des prix de produits tels que le blé, le maïs ou le soja - un phénomène qu' amplifie la spéculation...
      AlterNotre rappelle que cette hausse des prix avait été prévue en France, dès le début de 2006, tant par la Commission Interministérielle pour les Véhicules Propres et Économes (CIVPE) - qui préconisait la mise en culture d'environ 2 millions d'hectares de terres au profit des biocarburants - que par l' Institut national de la recherche agronomique (Inra) - qui estimait que la production pour les biocarburants ne se limiterait pas en France aux jachères, mais qu' elle entrerait en concurrence avec la production pour l' alimentation sur des terres jusqu' ici affectées à celle-ci.

      Il faut dire les choses clairement : en adoptant  l' option des biocarburants, on accepte que, dans les années ou les décennies qui viennent, l' approvisionnement en carburant des automobilistes contribuera à priver des populations pauvres d' aliments de base ou d' eau. En bref : le plein pour sa voiture ou la vie pour d' autres.
      Et le fait que cette conclusion rejoint le propos du PDG de Nestlé ne me gène pas.


      Jeudi 27 mars 2008 

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    Une irresponsabilité illimitée ?

     
      Dans bien des villages, quand des gamins ont cassé des ampoules ou des vitres, ils sont semoncés et leurs parents indemnisent la commune. Et quand des jeunes ont été pris pour avoir dégradé ou incendié, ils sont souvent condamnés à des peines de prison. Mais voici qu' un “sale gosse” d' excellente famille, qui a fait bien pire, risque de s' en tirer avec quelques blâmes. Entraîné par sa bande, désireux peut-être de montrer à son père ce dont il était capable et de permettre à des potes à lui de faire quelques bons coups, il a engagé, il y a tout juste cinq ans, une expédition punitive contre un caïd qu' avait déjà affronté son père : facile, en quelque semaine l' affaire était pliée. Et le premier mai 2003, l'aventureux fils proclamait “la fin des opérations majeures de combat en Irak”.
      Aujourd' hui, ce dévot chef de clan est toujours dans sa bulle : malgré le coût humain et financier élevé, il  affirme ne rien regretter, assurant imperturbablement que "les succès que nous constatons en Irak sont indéniables". Son bras droit - un ami de son père à l' influence pernicieuse - le conforte sans la moindre hésitation : il évoque “une entreprise difficile, périlleuse, mais néanmoins couronnée de succès et juge  impressionnants les progrès accomplis en matière de sécurité depuis sa précédente visite à Bagdad ; bien plus, à ceux qui lui rappellent que 66 % des Américains se disent maintenant hostiles à cette guerre, il rétorque sèchement : "Et alors? On ne va pas se laisser détourner de notre cap par les fluctuations des sondages". Ainsi, pour Cheney comme pour Bush le second, tout va bien !
      Près de quatre mille militaires américains tués et des dizaines de milliers gravement blessés ou profondément déstabilisés. Du côté des Irakiens, entre 100 000  morts et 1,2 million depuis mars 2003 et plusieurs millions de personnes déplacées, dans le pays ou vers des pays voisins. Selon le CICR, dans la plus grande partie du pays, la situation humanitaire reste “une des plus critiques au monde. À cause du conflit, des millions d'Irakiens ont difficilement accès à l'eau potable, à des installations sanitaires et aux soins de santé”...
      Tout va bien ! Le coût officiel des opérations militaires est de 4 à 500 millions de dollars, mais la note totale - avec notamment la reconstruction et les pensions des veuves et des grands blessés - pourrait atteindre 2 à 3 milliards. Avec sa politique clientéliste d' allégements fiscaux, l' administration Bush a laissé se creuser les déficits publics et des comptes extérieurs, et donc se gonfler l' endettement extérieur - un endettement qui, avec la crise des crédits immobiliers accordés au delà du raisonnable et l' injection de liquidités pour endiguer la crise bancaire, engendre la chute du cours du dollar. Compte tenu du fait que la production irakienne de pétrole commence tout juste à retrouver son niveau d' avant la guerre, bien des experts reconnaissent que celle-ci a contribué à la hausse du prix du pétrole.

      Tout va bien donc pour la très large gamme des firmes qui ont bénéficié de commandes ou participé au conflit. Tout va bien pour les firmes pétrolières qui ont réalisé des bénéfices records. Mais, au total, cette expédition punitive aura été une catastrophe pour l' Irak et les Irakiens, déjà gravement affectés par les conflits extérieurs et les politiques de sanctions. Elle aura été un facteur de dynamisation de l' islamisme radical et d' aggravation de l' instabilité dans toute la région. Et, en accentuant les déséquilibres et les dysfonctionnements de l' économie américaine et du marché pétrolier mondial, elle aura contribué à ouvrir une nouvelle phase, plus dure, de la crise économique mondiale. Quel tribunal pourra juger un jour les responsables de ce tragique gâchis ?

      Mercredi 19 mars 2008 

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    Obama s' affirme


      Dans un discours prononcé le 18 mars à Philadelphie pour contrer le fait que plusieurs chaînes de télévision diffusaient en boucle les virulents propos de son ancien pasteur, le révérend Jeremiah Wright Jr, Barack Obama, candidat démocrate à l' investiture pour la prochaine élection présidentielle, a porté le fer dans la plaie : Le fait est que les remarques qui ont été faites et les questions qui ont surgi ces dernières semaines reflètent les complexités de la question raciale dans notre pays, que nous n' avons jamais réellement assumée ; c' est un aspect de notre union que nous devons encore perfectionner (...). Et si nous nous en détournons maintenant, si nous nous retranchons chacun dans nos coins, nous ne serons plus en mesure de nous retrouver pour résoudre les défis comme la santé, l' éducation ou le besoin de trouver de bons emplois à chaque Américain”.
      Visé personnellement, il a répondu : Je ne peux pas plus renier mon ancien révérend que je ne peux renier la communauté noire (...). Je ne peux pas plus le renier que je ne peux renier ma grand-mère blanche, une femme qui m' a élevé, une femme qui s' est sacrifiée encore et encore pour moi, une femme qui m' aime autant que n' importe quoi d' autre dans ce monde, mais une femme qui m' a un jour confié qu' elle avait peur des hommes noirs qu' elle croisait dans la rue, et qui a émis plus d' une fois des stéréotypes ethniques qui m' ont inspiré un mouvement de recul. Ces personnes font partie de moi. Et elles font partie des États-Unis, ce pays que j' aime tant”.
      Mais il a aussi réinséré la question raciale dans la campagne : “Nous pouvons diffuser les sermons du Révérend Wright sur toutes les chaînes, tous les jours et en parler jusqu' au jour des élections et faire l'unique sujet de la campagne autour de la question de savoir si oui ou non les Américains pensent que je crois ou que je partage ces propos agressifs. Nous pouvons bondir sur un impair commis par un supporter d' Hillary pour prouver qu' elle joue la carte de la race, ou nous pouvons conjecturer que les hommes blancs se rallieront à John McCain le jour des élections quelques soient ses mesures politiques. Nous pouvons faire cela (...). Ou bien, en ce moment, dans cette élection, nous pouvons nous rassembler et dire ‘Non, pas cette fois' . Et cette fois-ci nous voulons parler des écoles qui s' écroulent, des enfants asiatiques et des enfants hispaniques, et des enfants nés Américains. Cette fois nous voulons rejeter le cynisme qui nous dit que ces enfants ne sont pas capables d' apprendre, que ces enfants - qui ne font pas aussi bien que nous - sont le problème des autres (...). Ce sont nos enfants, et nous ne les laisserons pas tomber derrière l' économie du vingt-et-unième siècle”.

      Curieux sentiment qu' une nouvelle fois, à l' instar de Mendès-France, de Gaulle ou Kennedy, un homme politique - demain peut-être homme d' État - parle vrai; d' une manière à la fois libre, réfléchie et responsable

      Samedi 22 mars 2008

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    La crise selon Bush

      Le pétrole au plus haut : plus de 110 dollars le baril. Le dollar au plus bas : près d' 1,6 dollar pour un euro. Selon les moments et les symptômes, les commentaires se concentrent sur tel ou tel aspect de la crise en cours : l' irresponsable laxisme avec lequel ont été émis des crédits immobiliers aux États-Unis, l' excessive sophistication d' une finance internationale gérée par ordinateur, les imprudences d' un trader de la Société Générale, les décisions de l' Opep, la propagation des risques bancaires, la pression des fonds internationaux, l'émergence de fonds étatiques dits souverains, telle ou telle information qui fait chuter ou rebondir les cours de bourse...
      Autant de regards, autant de diagnostics et de mesures ponctuelles.  Son administration ayant pris pendant le week-end quelques mesures pour faire face à la menace d' une crise de liquidités bancaire et boursière, le président Bush - éminent spécialiste de la méthode Coué depuis que Dieu ne répond plus à ses prières - fait très fort : Les Etats-Unis maîtrisent la situation (…). Nos institutions financières sont fortes (…). Nos marchés financiers fonctionnent efficacement (…). Si nécessaire, nous agirons de façon décisive pour continuer de ramener l'ordre sur les marchés financiers (…). A long terme, notre économie ira bien". Heureux celui qui ne cherche ni à voir, ni à comprendre !
      Sans doute ignore-t-il que nous sommes dans une grande crise capitaliste comme le monde en a subi à la fin du XIX° siècle et dans les années 1930 : une crise dont nous avons connu les premiers syndromes dès les années 1970-1980. Une nouvelle fois, face aux pays capitalistes bien en place, s' affirment des pays émergents. Une nouvelle révolution technologique et énergétique est en cours. L' excessive pression des nouvelles configurations nationales-mondiales du capital pour élever les profits engendre de nouvelles précarités, pauvretés et inégalités : d' où un essoufflement des pays avancés alors que vont de l' avant les nouveaux pays émergents. Mais cette crise présente deux spécificités majeures : un degré de mondialisation jamais atteint - une mondialisation à laquelle nul n' échappe désormais ; et la dévastation de notre planète due aux excès de nos prélèvements et de nos rejets - qu' il nous faut réduire drastiquement. 

      Dans une pareille crise, nul ne peut dire que ça ira bien, à moyen ou long terme. Des scénarios extrêmes ne peuvent être écartés : conflits régionaux ou guerre mondiale, nouveau partage du monde, mise en place d' un impitoyable apartheid fondé sur l' exclusion de multitudes de démunis... Dans un tel contexte, tout ce que nous pouvons raisonnablement faire serait d' adopter à tous les niveaux - national et mondial, mais aussi local, régional et continental - des stratégies qui prennent en compte, dans la mesure du possible, toutes les dimensions de la crise.
      Dans ce cadre, les prochains dirigeants des États-Unis seraient bien inspirés de réduire les inégalités sociales; de diminuer les déficits jumeaux (budgétaire et extérieur) de leur pays ainsi que son endettement extérieur et de réduire résolument les émissions de gaz à effet de serre. Car, dans la crise actuelle, ce sont des sources majeures de déséquilibre pour le monde entier.

      Lundi 17 mars 2008

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    Un glas funeste

     
      “L'OCDE sonne l'alarme sur l'état de la planète à l'horizon 2030”, titre le Monde. Le diagnostic établi dans les Perspectives de l' environnement de l' OCDE à l' horizon 2030  est implacable : “les émissions mondiales de gaz à effet de serre progresseront de 37 % d'ici à 2030 et de 52 % d'ici à 2050 si les pouvoirs publics n'adoptent pas de mesures nouvelles. Et, parmi bien d' autres sources d' inquiétude, “un milliard de personnes de plus qu'aujourd'hui vivront dans des zones touchées par un stress hydrique prononcé en 2030 ; et les décès prématurés dûs à l'ozone troposphérique pourraient avoir quadruplé dans le monde à la même date. Cependant, selon leurs auteurs, les Perspectives montrent que relever les principaux défis environnementaux d'aujourd' hui – y compris le changement climatique, l' appauvrissement de la biodiversité, le manque d' eau et les impacts de la pollution sur la santé – n' est pas impossible ni inabordable. Le secrétaire général de l'OCDE,  Angel Gurría, l' affirme : “les solutions aux grands problèmes d'environnement existent, elles sont applicables et elles sont abordables, notamment si on les met en regard de la croissance économique prévue et des coûts et des conséquences de l'inaction.

      Bien des alarmes semblables ont été lancées dans les dernières décennies : des décennies de lâcheté et de déni au cours desquelles la situation est devenue bien plus difficile ; et plus dureront l' indécision et les tergiversations, plus elle empirera. Le secrétaire général de l'OCDE l' a si bien senti qu' il met en garde les décideurs : “Je vous préviens, si nous ne faisons rien, le tableau de notre planète en 2030 ne sera pas agréable à regarder”. Aimable litote : si dans les quinze ans qui viennent nous faisons trop peu, l' irréversible sera atteint dans bien des domaines ; et sur une Terre ravagée par nos excès, de plus en plus d' humains vivront de plus en plus durement.
      Certes des décisions mûrissent, des mesures sont prises, des effets positifs se manifestent : mais toujours trop peu et trop tard. De nouvelles sources de dévastation sont déjà à l' œuvre. Et ces alarmes réitérées sonnent comme un glas funeste : le glas d' une humanité de plus en plus entraînée dans le tourbillon du vivre pour consommer ; le glas de castes dirigeantes qui n' ont pas le courage de voir, d' expliquer et de mettre en œuvre ce qu' exige la situation.


       Jeudi 6 mars 2008

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    Le choc d' un mot

     
      En lisant le Monde et des dépêches de l' AFP et de Reuters...
      Avec une soixantaine de tués, dont des femmes et des enfants, ce jour aura été la journée la plus meurtrière depuis la prise de contrôle de la bande de Gaza par le mouvement islamiste Hamas. Hier, le ministre israélien de la défense Ehoud Barak avait fait savoir qu'Israël préparait une offensive contre les activistes palestiniens à Gaza ; et son adjoint Matan Vilnaï les avait avertis : "Plus les tirs de roquettes Kassam s'intensifieront, plus les roquettes augmenteront de portée, plus la « shoah » à laquelle ils s'exposeront sera importante, parce que nous emploierons toute notre puissance pour nous défendre".
      Très vite, le porte-parole de Vilnaï s' est employé à préciser que le mot « shoah » avait été employé dans le sens de désastre - non dans celui de génocide ni d' holocauste. De son côté, le porte-parole du Hamas a rapidement réagi : "Nous sommes confrontés à de nouveaux nazis qui veulent massacrer et brûler le peuple palestinien".

      Une centaine de morts en quelques jours au sein d' une population coupée du reste du monde et soumise à de sévères privations : certes, ce n' est pas un génocide ; les diplomates parlent d' usage disproportionné de la force. Mais cela ne peut que susciter de nouvelles vocations de combattants et de martyrs.
      Sinistre héritage de Bush et de Sharon : en huit ans la situation s' est gravement détériorée. Peut-on attendre du prochain président américain qu' il suscite et impulse une dynamique de paix ?

       Samedi 1er mars 2008 

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    McCain/Obama sur l'Irak 

    Vif affrontement entre les deux candidats en tête dans les primaires américaines, le républicain John McCain et le démocrate Barack Obama.
      «Nous avons entendu M. Obama dire qu'après avoir retiré les forces américaines il se « réserverait le droit d'agir si Al-Qaida formait une base en Irak ». M. Obama ignore-t-il qu'Al-Qaida est toujours présente en Irak, que nos militaires la combattent avec succès tous les jours, et que sa politique de retrait enhardirait Al-Qaida ?» avait lancé John McCain hier.
      Barack Obama a répondu aujourd' hui : «J'ai des nouvelles pour (M. McCain) : il n'y avait pas d'Al-Qaida en Irak avant que George Bush et John McCain nous embarquent dans une guerre qui n'aurait jamais dû être autorisée ni livrée. John McCain aime à dire qu'il veut poursuivre Oussama Ben Laden jusqu'aux portes de l'enfer, mais jusqu'à présent tout ce qu'il a fait c'est suivre George Bush dans une guerre en Irak (...) à laquelle j'entends mettre fin pour que nous puissions réellement poursuivre Al-Qaida en Afghanistan et dans les montagnes du Pakistan».
     

     Comme Obama, je pense que la guerre d' Irak n'aurait jamais dû être autorisée ni livrée ; elle a été lancée sur la base d' allégations mensongères et de preuves falsifiées par un président qui n' aurait jamais dû être proclamé élu.

     Jeudi 28 février 2008

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    Obstination présidentielle ?

     
     En validant la loi instituant la rétention de sûreté, le Conseil constitutionnel a précisé que cette mesure "ne saurait être appliquée à des personnes condamnées avant la publication de la loi" ou "pour des faits commis antérieurement" à cette publication.
      Mais le président Sarkozy persiste : il rappelle que l'application immédiate de la rétention de sûreté pour les criminels jugés dangereux demeure "un objectif légitime pour la protection des victimes". Et il demandé au premier président de la Cour de cassation "d'examiner la question et de faire toutes les propositions nécessaires pour (...) atteindre" cet objectif.
       L' enjeu est d'importance : le principe de non-rétroactivité des lois - qui pose qu'un condamné ne peut retomber, pour la même affaire, sous le coup d'une nouvelle loi pénale - apparaît comme un obstacle à la mise en œuvre d'une mesure destinée à renforcer la protection de victimes potentielles. Cependant, la démarche du président choque dans la mesure où elle donne le sentiment qu'il veut soit contourner soit outrepasser la limite fixée par le Conseil constitutionnel.
      Il est vrai que, dans sa décision, le Conseil laissait ouverte une possibilité d'application immédiate de la rétention de sûreté dans certains cas : notamment pour des condamnés qui n'auraient pas respecté les obligations judiciaires de la "surveillance de sûreté" (soins, bracelet électronique, etc.).
      Pour éviter qu'une crise institutionnelle s'ajoute aux autres crises dont souffre la France, le président doit très vite et très clairement montrer qu'il respecte la décision du Conseil constitutionnel. Et si l'on veut que la rétention de sûreté ne conduise pas à la multiplication de prolongations de détentions à durées indéfinies, l'administration doit être en mesure d'assumer ses tâches de soins et de préparation à la réinsertion, ce qui implique des moyens adéquats.
     
       Vendredi 22 février 2008 

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    Instabilité présidentielle

     
     Dans un “appel à la vigilance républicaine”, plusieurs responsables politiques, d' orientations et d' engagements divers, ont réaffirmé ensemble un certain nombre de convictions et de valeurs :
    « - Leur attachement au principe républicain et, en conséquence, leur refus de toute dérive vers une forme de pouvoir purement personnel confinant à la monarchie élective.
    « - Leur attachement aux fondamentaux d'une laïcité ferme et tolérante, gage de la paix civile.
    « - Leur attachement à l'indépendance de la presse et au pluralisme de l'information.
    « - Leur attachement aux grandes options qui ont guidé, depuis cinquante ans, au-delà des clivages partisans, une politique étrangère digne, attachée à la défense du droit des peuples et soucieuse de préserver l'indépendance nationale et de construire une Europe propre à relever les défis du XXI° siècle».
      Le premier ministre, François Fillon, a jugé  profondément anti-démocratique" une démarche qui, selon lui, vise à tenter de déstabiliser le président de la République”.
      Sur leur manière d' exercer leur fonction, tous les présidents de la V° République ont été critiqués, voire attaqués - et notamment de Gaulle, Giscard et Mitterrand. D' après mes souvenirs, aucun premier ministre n' est intervenu  pour les protéger contre une prétendue tentative de déstabilisation.
      L' institution présidentielle serait-elle devenue instable ? 
     
       Samedi 16 février 2008 

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    Géosciences salvatrices

     En lisant le Monde : lancement hier de l'Année internationale de la planète Terre, une initiative conjointe de l'Union internationale des sciences géologiques et de l'Unesco. "La Terre a des ressources limitées, qui sont partagées aujourd'hui par 6,5 milliards de personnes et le seront en 2020 par 9 milliards, a déclaré le directeur général de l'Unesco devant plus de mille participants. Or, pour conserver une planète plus sûre, plus saine et plus pérenne, nous avons besoin de mieux comprendre le fonctionnement des systèmes complexes de la Terre". Il va donc s' agir de «mettre les géosciences au service de l'humanité pour affronter les défis de demain» et notamment de chercher comment «mieux faire face à une occupation plus importante des sols, à une demande de ressources en eau plus forte et aux soubresauts meurtriers de notre planète : tsunamis, éruptions volcaniques, séismes...». 

     C' est à se tordre : de rage, de  rire ou de désespérance.
     La Terre est déséquilibrée, ravagée, souillée, par l' Humanité certes, mais une Humanité radicalement inégale - et donc principalement par les prélèvements et les déchets d' un cinquième à un tiers des humains.
    Plus qu' aux effets, c' est aux sources qu' il faut s' attaquer. C' est donc sur les dévastations les plus graves causées par nos gaspillages, nos inconséquences et notre incessante recherche de toujours plus, que les docteurs en géosciences doivent travailler en priorité : pour conduire nos sociétés à en prendre conscience et à réformer leurs modes de vie. 

       Mercredi 13 février 2008

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    Des loups dans la bergerie ?

     
      «Dans le port de Lagos, au Nigeria, des hommes chargent avec mille précautions 21 caisses pesant, au total, 330 kilos à bord d'un navire en partance pour Oslo. Elles contiennent bien mieux que de l'or ou des diamants : le trésor de l'agriculture africaine, soit 7 000 variétés de semences de niébé (fourrage), maïs, soja et pois de terre. Le 26 février 2008, ces graines seront les premières à prendre place dans le fameux coffre-fort norvégien du Spitzberg chargé de préserver la quintessence de l'agriculture mondiale ad vitam aeternam . Bientôt, d'autres cargaisons quitteront le Bénin, la Colombie, l'Ethiopie, l'Inde, le Kenya, le Mexique, le Pérou, la Syrie... pour la même destination. Cette Arche de Noé de l'agriculture mondiale conçue par l'organisation non gouvernementale Global Crop Diversity Trust, prévoit de conserver ainsi 2 millions de semences à l'abri de toute catastrophe mondiale», nous rapporte Le Point du 7.
     Justement, Ouest-France d'aujourd'hui nous décrit ce "coffre-fort" : «une forteresse destinée à protéger la diversité des espèces végétales (…) : des murs en béton armé d'un mètre d'épaisseur ; un couloir de cent mètres doté de doubles portes blindées capables de résister aux plus violentes explosions ; des containers en aluminium réfrigérés et étanches destinés à préserver les graines de l'humidité et placés à 130 mètres sous la mer» : et tout cela à 1 100 km du pôle Nord, dans l'archipel de Spitzberg-Svalbard, en Norvège.
     Pour le grand public, Bill et Melinda Gates - couple qui cristallise la richesse, la bienfaisance et la puissance américaines - auraient eu le souci d' assurer, pour la sécurité de l'alimentation à l'échelle du monde, la conservation et la disponibilité de la diversité des semences. Mais qu'est donc cette ONG : Global Crop Diversity Trust ? D' après son site, elle réunit - si l'on prend en compte les donateurs et les "sponsors" - de grandes organisations internationales (Banque mondiale, FAO), de grands pays des cinq continents (Etats-Unis et Royaume-Uni en tête) et des fondations (Gates, Rockefeller...) ; mais on trouve aussi de grandes firmes (DuPont/Pioneer Hi-Bred, Syngenta,...) et divers centres de recherches qui semblent, toutes et tous, partager un commun penchant pour la génétique.
     A-t-on jamais vu des bergers prendre des loups pour garder leurs brebis ? Comment peut-on confier la sauvegarde  de la biodiversité mondiale à des firmes qui ont, dans trop de pays, contribué à la dégradation des biodiversités locales ?
     Certes, ces firmes affirment, de concert avec les centres de recherche génétique, qu'elles oeuvrent pour la biodiversité de la planète. Admettons ce point de vue. Il faut alors constater que coexistent désormais deux visions de la biodiversité :
    - la biodiversité héritée du travail mené avec la nature par des générations de cultivateurs soucieux d'obtenir des produits adaptés à leurs sols et à leurs climats : une biodiversité qu'il convient de sauvegarder, d'élargir et de renforcer avec toute la prudence requise ;
    - et la biodiversité recréée sous l' emprise de la technoscience génétique, conçue comme un instrument de maîtrise et de reformatage de la nature, sous l'impulsion de quelques firmes dominantes : des firmes qui voient le monde à travers les prismes de la monnaie, du pouvoir d'achat et du profit.
     Que vont faire ces firmes avec ces semences captées dans toutes les contrées du monde pour être regroupées dans le "coffre-fort" de l'archipel de Spitzberg-Svalbard ? Me revient en mémoire ce précepte de mon mentor en écologie : "Imagine le pire, tu resteras bien en dessous de la réalité”
     
     Dimanche 10 février 2008

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    Crise alimentaire

    En lisant le Monde : “Une crise alimentaire majeure se profile (...). Pression démographique, croissance économique, réchauffement climatique (... et) erreur des politiques menées jusqu'à présent” en sont les principales causes. La hausse des prix mondiaux, le symptôme macro-économique le plus visible. “A l'aube du XXIe siècle, l'agriculture est donc redevenue un problème majeur pour l'humanité”. 

     Si l' on prend en compte la radicale inégalité du monde, cela va, de plus en plus, être un enjeu vital pour des milliards d' humains. Déjà des paysanneries pratiquant des cultures vivrières ont été déstabilisées ou détruites par des exportations subventionnées du Nord et par l' emprise sur leurs terres de grandes cultures modernes. Et maintenant, la demande de biocarburants pour des automobilistes des deux hémisphères entre en concurrence avec les alimentations de base de populations démunies. A quoi s' ajoutent le changement climatique, les sécheresses, les avancées de déserts et les pénuries d' eau annoncées. 

    Vendredi  8 février 2008


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    Gaz à effet de serre US

     “Les principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre (GES), réunis cette semaine à Hawaï, ont salué le changement positif d'attitude des États-Unis, tout en appelant Washington à franchir une nouvelle étape en fixant des objectifs chiffrés de réduction de ses émissions”, annonce une dépêche de Reuters. 

      Quatre remarques :
    1°/ Les travaux se sont déroulés à huis clos.
    2°/ Il n' est pas dans les usages de dire ses quatre vérités à la personne ou la puissance invitante.
    3°/ Depuis sept ans, le président Bush s' est montré maître dans l' art de tergiverser et d' embobeliner ses partenaires.
    4°/ Quoi qu' ait pu dire ou avancer James Connaughton, président du Conseil de la Maison Blanche sur la qualité environnementale, on peut être sûr que Bush restera jusqu' au terme de son mandat hostile à la fixation, pour les États-Unis d' Amérique, d' objectifs chiffrés de réduction des émissions de GES.
     Une autre agence de presse aurait tout aussi bien pu écrire : “Les 200 pays non invités à Hawaï, plus quelques autres, déplorent que le principal pays émetteur de GES, non content d' avoir refusé le protocole de Kyoto, est en train de faire perdre une année à la communauté internationale dans la préparation de l' après-Kyoto. Ce qui se paiera en dégradations, en désordres climatiques et en difficultés supplémentaires”.
     Les glaces polaires s' amenuisent, les mangroves et les coraux sont en grand danger, une large part de la Chine est paralysée par une vague de froid et de neige exceptionnelle. Mais ExxonMobil vient d' annoncer avoir fait en 2007 le bénéfice record de 40,6 milliards de dollars.
    - Merci !
    - Merci qui ? 

    Vendredi 1er février 2008


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    Un président calamiteux

    L'Amérique est en guerre, l'Amérique est en récession, l'Amérique n'a jamais été aussi forte”, déclarait le président Bush dans son discours sur l'état de l'Union le mardi 29 janvier 2002 : “le monde civilisé est menacé par des dangers sans précédent (…). La Corée du Nord est un régime qui s'arme avec des missiles et des armes de destruction massive. L'Iran est déterminé à se doter de ces armes et exporte le terrorisme, et l'Irak continue de démontrer son hostilité à l'égard de l'Amérique et soutient le terrorisme. Le régime irakien conspire depuis plus de dix ans pour développer le bacille du charbon, des gaz de combat et des armes nucléaires (…) ; en cherchant à se doter d'armes de destruction massive, ces régimes représentent un danger de plus en plus grave” - le  redoutable “axe du mal”. Jouissant d' une forte popularité, le président Bush se disait déterminé à “empêcher les régimes qui soutiennent le terrorisme de menacer l'Amérique ou (ses) amis et alliés avec des armes de destruction massive” et il annonçait "la plus grosse augmentation des crédits de la défense qu'on ait vue depuis vingt ans (…). Quel que soit le prix à payer pour défendre notre pays, nous le paierons”.
      Six ans plus tard, il y a eu 150 à 300 000 victimes en Irak et près de 4 000 morts parmi les militaires américains ; les talibans se réimplantent en Afghanistan, la situation est pire que jamais en Palestine, incertaine au Liban, effroyable en Irak… Pour se rassurer, le président Bush, qui entame sa dernière année de mandat au plus bas dans les sondages, se rassure, dans son dernier discours sur l' état de l' Union, avec cette nouvelle rodomontade : “Al-Qaïda commence à quitter l'Irak et cet ennemi sera bientôt vaincu”. Au Moyen-Orient, les régimes pro-américains redoutent une nouvelle initiative armée contre l' Iran ; aux États-Unis, la situation des pauvres et des classes moyennes s' est détériorée ; dans le monde, l' image de ce grand pays qui refuse de se joindre à l' effort commun pour limiter le réchauffement climatique, est profondément dégradée.
      Un président élu lors d' un scrutin litigieux contre Al Gore en 2000, mais clairement réélu par les Américains en 2004. Un président pieux, patriote, habile dans l' art de ne pas dire la vérité et qui s' est lancé dans une croisade contre le terrorisme sans connaître le monde et sans avoir mesuré la complexité du Proche-Orient… Sans doute la présidence du second Bush apparaîtra-t-elle comme la première des sept calamités du XXIe siècle. 
     
     Mardi 29 janvier 2008

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    Alors que dollars et euros s' évaporent par milliards…

     
      Reçu le dernier numéro d' Économie et Humanisme,  un numéro qui publie un dossier sur "la participation des citoyens, promesse de développement" et, parmi rubriques et chroniques, mon article “Face au basculement du monde”.
      Un discret message est encarté dans le numéro : “Une situation de rupture financière due, ces tous derniers mois, à la non-réalisation d' actifs financiers, conduit l' association éditrice de la revue à suspendre sa parution après ce troisième numéro de l' année 2007”.
      Fondée en 1942 par L.-J. Lebret , cette revue est une des rares à avoir eu le souci d' imprégner d' éthique de la responsabilité et de souci du bien humain l' étude des réalités économiques et sociales.      J' espère que sa publication pourra reprendre prochainement : car l' éthique, la responsabilité, l' élévation de la qualité humaine sont indispensables pour que l' humanité sorte sans trop de dégâts de la mauvaise passe dans laquelle elle s' est mise.
     
     Vendredi 25 janvier 2008

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    A tâtons

     
      Ce qui est fascinant dans l' actuelle crise financière mondiale, issue de la crise états-unisienne des “subprimes”, c' est que depuis des semaines, nul ne sait où ça va s' arrêter.
     C' est, bien sûr, dans la nature de toutes les crises financières internationales ; mais l'incertitude est terriblement accentuée depuis quelques décennies par l' extrême sophistication des marchés et par la multiplication d' actifs financiers dérivés, mués en abstractions informatiques, dont le jeu incessant fascine les génies de la spéculation.
     Mais, dès lors que la dynamique s' enraye ou s'emballe, les mêmes banquiers ou financiers qui jusque-là comprenaient tout perdent soudain - comme d'autres jadis leur latin - l'entendement.
     
     Mercredi 23 janvier 2008

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    Visites présidentielles au Moyen-Orient

     
      Incident naval La visite du président Sarkozy, rapide, comme hâtive, a été perçue par certains observateurs de la région comme celle d' un “super commis-voyageur. Cependant, il ne s' est pas contenté d' apporter son soutien aux entreprises françaises - du nucléaire notamment ; il a signé un accord pour l' établissement d' une base militaire face à l' Iran, à Abu Dhabi : pour montrer au monde que la France est aux côtés des Émirats arabes unis.
      Qu' allons-nous donc faire dans cette galère ?

      Avant le début de sa visite en Israël et en Palestine, le président Bush avait affiché son souci de soutenir l' avancée des négociations... appelées à préparer la paix. Mais, dès le premier jour, il est apparu que l' Iran était au centre de ses discussions avec Ehoud Olmert, le premier ministre israélien. Quelques jours plus tard à Abou Dhabi, au cours d' un discours sur la démocratie, il haussait le ton : “L'Iran est le premier Etat à parrainer le terrorisme dans le monde (…). Les actions de l'Iran menacent la sécurité de pays partout dans le monde” ; et il invitait les amis des États-Unis à faire face à ce danger avant qu'il ne soit trop tard. À Riyad, il invitait les dirigeants saoudiens à l' aider dans son effort pour isoler Téhéran.
      Mais, lors d'une conférence de presse à laquelle participait la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, le ministre saoudien des affaires étrangères, le prince Saoud Al-Fayçal a déclaré en réponse à des journalistes : “L'Iran est un pays voisin, un pays important dans la région (...). Nous n'avons bien sûr rien contre l'Iran. Et, en écho à la demande du président Bush de "tendre la main" à Israël pour faciliter un règlement du conflit israélo-palestinien, il avait glissé: "Je ne sais pas ce que nous pouvons faire de plus vis-à-vis des Israéliens",
      Comme si, comme bien d' autres dans la région, les dirigeants saoudiens redoutaient plus que tout une troisième intervention miltaire états-unisienne dans la région...

      Dans le même temps, à Madrid, le premier ministre espagnol Jose Luis Zapatero ouvrait, sous les auspices de l' Onu, le premier forum de l' Alliance des civilisations : celle-ci, a-t-il déclaré, “prétend démontrer qu'il existe des voies pratiques de collaboration entre le monde islamique et le monde occidental qui démentent l'idée supposée d'affrontement inévitable entre civilisations et cultures”.
      Sans doute, pour nos deux présidents, faire le détour par Madrid aurait été comme un chemin de Damas.
     
     Mercredi 16 janvier 2008

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    Production d'eau

      
     

      Chaque samedi matin à 7h05 sur France Culture, Ruth Stégassy aborde dans son émission "Terre à terre" un problème touchant à l'environnement, donc à notre mode de développement et à nos relations avec la Terre et le Vivant. Ce matin, le sujet était l'eau et l'invité Marc Laimé. Quelques notations prises au vol...
      Le réseau de distribution d'eau français a été installé en sept ou huit générations ; le coût cumulé de l'installation est colossal et, aujourd'hui, aucun pays pauvre ne pourrait, sur quelques décennies, en assumer la charge pour ses propres habitants. D'autant moins que, pour ces pays comme pour bien d'autres, les dépenses d'armement l'emportent de très loin sur celles consacrées aux équipements sociaux.
      Les nouvelles technologies ? Elles ont aussi leurs coûts : énergétiques, écologiques et financiers. Ainsi, le dessalement de l'eau de mer implique un investissement, nécessite beaucoup d'énergie et entraîne le rejet d'un litre de saumure pour un litre d'eau douce produite. Quant à la production d'eau potable des grandes agglomérations à partir de la ressource qu'offrent leurs propres eaux usées, elle implique des installations extrêmement sophistiquées et très coûteuses : seulement trois villes ont à ce jour commencé à s'en équiper, Singapour, la capitale de la Namibie et une ville d"Australie. 

     

     
     Ainsi, de même que la production de certains biocarburants nécessite de l'eau, de même, la production d'eau dessalée nécessite de l'énergie : la réponse à une pénurie bute sur une autre. Plus largement, si nous privilégions les réponses techno-industrielles en laissant perdurer les inégalités actuelles, l'accès à l'eau pour usage alimentaire et sanitaire va, au cours des prochaines décennies, encore se détériorer pour des masses croissantes de démunis. 

    12 janvier 2008

     

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    Soupir

     
      Incident naval irano-américain dans le détroit d'Ormuz. "La visite du président Bush cette semaine est destinée à offrir une idéologie de l'espoir", a annoncé la Maison Blanche. Mais Al-Qaida a appelé à l'accueillir "avec des bombes et des voitures piégées", tandis que le président américain, envisageait d'intensifier les actions clandestines dans la zone tribale du Pakistan. Selon une ONG israélienne, plus de 150 000 Palestiniens, jugés par des tribunaux militaires depuis 1967, l'ont été le plus souvent sans que soient respectées les règles élémentaires de la justice. Du Caire, la Ligue arabe propose, à l'unanimité de ses 22 membres, un plan en trois volets pour mettre un terme à la crise politique intérieure libanaise.
      Dans la violence des détestations, des menaces et des attentats, les efforts d'apaisement me semblent des soupirs.
     
     Lundi 7 janvier 2008

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    Menaces et sagesse

     

     Le  rallye-raid Dakar, dont le départ devait être donné ce matin à Lisbonne, a été annulé hier par ses organisateurs. C'était le vœu du gouvernement français après l'assassinat de quatre touristes, il y a une dizaine de jours, puis la mort  de trois militaires dans une attaque en Mauritanie ; en outre des services de renseignement auraient capté des messages évoquant des projets d'attentats ; et parmi les quelques centaines de combattants islamistes présents dans ces zones désertiques, certains disposeraient de missiles et de 4x4 équipés de lance-roquettes. Ainsi, comme les tours du World Trade Center, le célèbre Paris-Dakar aurait pu être la cible d'al-Qaida ou de ses émules. Dans ce raid ne retrouve-t-on pas, comme dans les tours, l'hubris des firmes qui dominent notre monde ?
     Beaucoup vont voir, dans cette annulation, un succès pour les groupes terroristes et une raison supplémentaire de renforcer les dispositifs contre eux.
     Or il est un autre aspect, à mes yeux au moins aussi important : c'est l'extrême vunérabilité de nos sociétés de hautes technologies et d'hyper-consommation. Regardons autour de nous : que de stockages, de réservoirs, de pipe-lines et de sites productifs dont les attaques pourraient être dramatiques pour des quartiers, des villes ou des contrées ! Que de systèmes de transports et de communications dont le blocage paralyserait des approvisionnements, des paiements ou le fonctionnement de systèmes complexes dont peuvent dépendre de larges zones d'activité et de vie !
     La sagesse - mais est-ce avisé de mettre ce terme en avant ? - la sagesse serait de restructurer tous les systèmes hypercentralisés en systèmes de sous-systèmes potentiellement autonomes et susceptibles de s'auto-réorganiser entre eux ; pour les biens essentiels - eau, énergie, alimentation - ce serait de maintenir ou de recréer des capacités productives liées à la vie locale : une raison supplémentaire de promouvoir rapidement et massivement les équipements permettant d'innombrables accès durables à des énergies renouvelables. La sagesse serait de mener un double effort : pour que les besoins essentiels soient de mieux en mieux satisfaits et  pour que reflue la folie contemporaine du "vivre pour consommer" - que la publicité tend maintenant à inculquer aux enfants dès leur plus jeune âge. La sagesse serait d'inventer une frugalité postmoderne.
     Certains penseront qu'on est bien loin du Paris-Dakar.
     Assurément.

     Samedi 5 janvier 2008 


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    Quand Sarkozy prêche

    Tout nouveau "chanoine d'honneur", le président Sarkozy n'a pas hésité à se placer dans la foulée de son hôte Benoist XVI : « Je partage l'avis du pape quand il considère, dans sa dernière encyclique, que l'espérance est l'une des questions les plus importantes de notre temps », a-t-il déclaré le 20 décembre lors de son discours à Saint-Jean-de-Latran. Il se référa aux propos du pontife sur les petites et les grandes espérances « qui, au jour le jour, nous maintiennent en chemin » ; puis il le cita longuement : « Quand les espérances se réalisent, il apparaît clairement qu'en réalité, ce n'est pas la totalité. Il paraît évident que l'homme a besoin d'une espérance qui va au-delà. Il paraît évident que seul peut lui suffire quelque chose d'infini, quelque chose qui sera toujours ce qu'il ne peut jamais atteindre. […] Si nous ne pouvons espérer plus que ce qui est accessible, ni plus que ce qu'on peut espérer des autorités politiques et économiques, notre vie se réduit à être privée d'espérance ». Sur cette lancée, Sarkozy exposa ses propres vues, allant jusqu'à affirmer que « la morale laïque risque toujours de s'épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n'est pas adossée à une espérance qui comble l'aspiration à l'infini ».
     Considérant ma vie comme s'accomplissant sur cette Terre et bornée par la mort, je respecte totalement ceux qui croient en une autre vie et qui placent en elle leurs espérances majeures.
      Mais je trouve inique et infondée cette dépréciation de la morale laïque : des morales religieuses n'ont-elle jamais débouché sur le fanatisme ni connu l'épuisement ? Comme je trouve outrageante et insupportable la dévalorisation des espérances non inspirées par la religion ou la spiritualité.
      Dans le monde tel qu'il est - avec une Terre déstabilisée et épuisée par notre irresponsabilité, avec des sociétés injustes qui créent sans cesse de nouveaux besoins sans veiller à ce que les besoins essentiels de tous soient satisfaits - je crois que c'est dans la conscience de notre responsabilité que doivent s'enraciner nos espérances majeures : pour la sauvegarde de la Terre et du Vivant, pour le devenir de l'Humanité, pour l'élévation de la qualité humaine.

     23 décembre 2007 

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    L' Amérique de Bush contre le monde

     Après des semaines de travail et d' intenses négociations, la Conférence de Bali, n' avait pas abouti à l' heure de sa clôture. Deux questions majeures restaient en suspens : celle des transferts de technologies adaptées, primordiale pour les grands pays émergents, comme pour les pays pauvres subissant les effets du réchauffement en cours : et celle des objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2020 et 2050, dont l' Union européenne avait fait son cheval de bataille. Sur ces deux points Washington - l' administration Bush - bloquait.
     Or cette conférence devait permettre d' ouvrir la voie à un accord qui, en 2009, devrait mettre en place le dispositif destiné à prendre la suite, en 2012, du protocole de Kyoto - toujours non signé par les États-Unis. Bref, c' est l' avenir du monde qui est en jeu : car si le réchauffement n' est pas maîtrisé à un niveau modéré, le siècle qui vient sera terrible.
     La tension était extrême. Houspillé par un représentant de la Chine pour une question de procédure, le responsable climat de l' ONU, au moment de répondre à la tribune, a éclaté en sanglots.  Puis, alors que les délégués se succédaient à la tribune pour exprimer leur accord avec le texte de compromis issu des ultimes et âpres tractations, la déléguée des États-Unis est venue déclarer, qu' en l' état actuel, les Etats-Unis ne pouvaient pas l' approuver : huées dans la salle, le délégué de Papouasie-Nouvelle Guinée l' apostrophe : “Eh bien si c' est comme ça partez, quittez cette salle...” Quelques minutes plus tard, la déléguée américaine,revenait à la tribune pour annoncer que les Américains avaient  finalement décidé de se joindre au consensus.
     Comme bien d' autres luttes désormais vitales - pour l' eau, pour une atmosphère saine, pour la diversité biologique, pour une terre vivante, pour une humanité solidaire et humaine - celle pour la maîtrise du changement climatique nécessite une dynamique planétaire. La résistance de l' administration Bush est une menace pour tous. La Terre est en danger, notre vie sur notre planète est en danger. L' union de toute l' Humanité va être nécessaire : ce qui implique un surcroît de responsabilité de ceux qui sont à l' origine des déséquilibres actuels comme de ceux qui disposent des moyens économiques, technologiques et financiers les plus importants. À ces deux titres, la responsabilité des États-Unis d' Amérique est majeure.


    15 décembre 2007 


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