DECEMBRE 2008 :
Frappes de fin d'année, Quand Baverez
tente de récupérer Keynes, Climat :
une étape décisive
NOVEMBRE 2008 :
Inquiétant
CO2, Obama élu, Une veille chargée d'incertitudes
OCTOBRE
2008:
25 000 000 000 000
$, Face à la crise financière, Fort rebond des
bourses, Quand une crise en masque une autre, Le Plan Paulson
adopté par le Congrès SEPTEMBRE 2008 :
Bush
contré par le Congrès, La
vérité si je mens, 0 + 0 = 0.,
L'humanité vit au dessus de ses moyens, Mille milliards de
sabords, Surmortalité des abeilles, Bush sauve Freddie et
Fannie, Eau : les limites, La bombe inégalitaire
AOÛT
2008 :
Technoscience et
santé, Dans la gueule..., Inentendus tocsins, Des
zones océanique sans vie, La 6ème extinction des
espèces, Un inquiétant sac d'embrouilles, Obama
et l'American way of life. JUILLET 2008 :
Blocage
à l'OMC, Au nom de Dieu, Le Trésor US au secours
de Freddie et de Fannie, Dérèglements et
dissensions, La Russie hausse le ton JUIN 2008 :
Plantes et
bêtes s'adaptent, Vingt ans déjà...,
Une menace planétaire ?, Monsanto Bayer BASF and
Co, Méduses proliférantes, Les plus pauvres
dépérir tu laisseras..., La démocratie
dévoyée, Résolutions et vœux
pieux MAI
2008 :
La faute au
système ?, Destruction massive d' espèces
AVRIL
2008 :
America
über alles ?, Lula contre Ziegler, De nouvelles vues sur
l'agriculture ?, Crime contre l'humanité, La FAO s'alarme,
Des courtiers performants, Prix alimentaires, Du
micro-crédit au bien-vivre universel MARS 2008 :
Obama et la
question sociale, Rice Obama et la question raciale Le plein ou la vie
?, Une irresponsabilité illimitée ?, Obama
s'affirme, La crise selon Bush, Un glas funeste, Le choc d'un mot
FÉVRIER
2008 :
McCain/Obama sur
l'Irak, Obstination présidentielle ?, Instabilité
présidentielle, Géosciences salvatrices, Des
loups dans la bergerie ?, Crise alimentaire, Gaz à effet de
serre US JANVIER
2008 :
Un
président calamiteux, Alors que dollars et euros s'évaporent par milliards…, A tâtons,
Visites présidentielles au Moyen-Orient, Production d'eau,
Soupir, Menaces et sagesse DÉCEMBRE
2007 :
Quand Sarkozy
prêche, L'Amérique de Bush contre le monde
Décembre
2008
Frappes
de fin d'année
Samedi
27, attaque aérienne israélienne sur Gaza : environ
150 morts et 200 blessés ; l’objectif affiché
est de faire cesser les tirs de roquettes du Hamas sur le territoire
d’Israël. Dimanche 28, nouvelles frappes
aériennes : 205 morts et près de 400
blessés ; le Hamas lance encore une cinquantaine de
roquettes, tuant une Israélienne. Lundi et mardi, attaques et
tirs se poursuivent ; enfermée dans ce bout de territoire,
la population, qui manque de tout, survit dans l’angoisse ;
un soldat israélien aurait été tué par une
roquette ; l’objectif de l’opération serait
maintenant d’affaiblir durablement le Hamas ; il pourrait
être aussi d’effacer le souvenir de l’échec de
l’intervention au Liban de l’été 2006 et de
relever la cote des partis de la coalition au pouvoir en vue des
prochaines élections.
Retiré dans son ranch du Texas pour les fêtes de fin
d’année, le président Bush a laissé
Condoleezza Rice suivre les événements et son
porte-parole exprimer ses vues : “Le Hamas a une fois de
plus montré son vrai visage d’organisation terroriste qui
refuse de reconnaître jusqu’au droit à
l’existence d’Israël. Le Hamas doit cesser ses tirs de
roquettes sur Israël et accepter d’observer un cessez-le-feu
viable et durable pour que les violences actuelles
s’arrêtent (...). Les États-Unis comprennent
qu’Israël doive agir pour se défendre. Israël a
signifié clairement qu’il n’entendait pas reprendre
Gaza, qu’il veut seulement que les gens du sud
d’Israël puissent vivre en paix”. Les dirigeants
occidentaux appellent à un cesser-le-feu auquel personne ne
croit, puisque le gouvernement israélien le rejette et que
Washington en bloquerait la demande devant le Conseil de
sécurité de l’Onu.
Ce soir, le nouvel an. À
Gaza, le massacre continue et sous la menace permanente d’une
intervention des blindés, la population subit une punition
collective que prohibent les conventions internationales. Par
décence, quelques gouvernements de pays arabes ont annulé
les célébrations officielles des fêtes de fin
d’année.
Mercredi 31 décembre 2008
•••
Quand Baverez tente de récupérer Keynes
Je
pensais Nicolas Baverez irrémédiablement libéral -
dans le sens français du terme : partisan du laisser-faire
en économie. N’était-il pas encore
présenté comme “historien et économiste
libéral” pour l’interview publiée dans le JDD
du 8/9 IX 2007 ? N’y déclarait-il pas :
“La France a attendu un quart de siècle, maintenant elle
doit agir, et vite. Il est impossible d'éviter une
thérapie de choc. L'urgence, c'est le travail (...). Nicolas
Sarkozy a été élu sur un mandat clair de
réforme et de rupture” ? Cette thérapie de
choc ne faisait-elle pas écho aux stratégies du choc
prônées par les ultra-libéraux aux
États-Unis depuis les années 1980 ?
Et voici que le même Nicolas Baverez semble métamorphosé. Il publie aujourd’hui dans le Monde
un article intitulé en toute simplicité “Le
keynésianisme de Keynes”. Il déborde de
keynésianisme : “L'effondrement simultané du
crédit, de l'immobilier et des marchés financiers
débouche sur une configuration typiquement keynésienne
(...). Une politique keynésienne mondiale a répondu au
risque systémique pesant sur les institutions financières
et à la menace d'une déflation (...). Logiquement, les
dirigeants qui émergent de cette année terrible sont ceux
qui ont tiré les conséquences de la nature
keynésienne de la crise : Barack Obama, Nicolas Sarkozy et
Gordon Brown”. Certes, le mot “keynésien”
n’engage à rien : il y a eu tant de
keynésianismes depuis les travaux de Keynes...
Mais Baverez prétend parler du “keynésianisme
de Keynes” et il va jusqu’à écrire :
“Si Keynes est de plain-pied avec le XXIe siècle, c'est
(...) en bref, par son libéralisme”. Sauf que le
libéralisme de Keynes était avant tout éthique,
sociétal et politique et qu’il l’a
précisément conduit à combattre toute sa vie
l’idéologie et les politiques économiques
libérales. Mais laissons parler Keynes : l'amour de
l'argent “est un état morbide plutôt
répugnant, l'une de ces inclinaisons à demi criminelles
et à demi pathologiques dont on confie le soin en frissonnant
aux spécialistes des maladies mentales”. Et “le
capitalisme international, et cependant individualiste, aujourd'hui en
décadence, aux mains duquel nous nous sommes trouvés
après la guerre, n'est pas une réussite. Il est
dénué d'intelligence, de beauté, de justice, de
vertu, et il ne tient pas ses promesses. En bref, il nous
déplaît (...)”. Et encore : “Les
spéculateurs peuvent être aussi inoffensifs que des bulles
d'air dans un courant régulier d'entreprise. Mais la situation
devient sérieuse lorsque l'entreprise n'est plus qu'une bulle
d'air dans le tourbillon spéculatif. Lorsque, dans un pays, le
développement du capital devient le sous-produit de
l'activité d'un casino, il risque de s'accomplir en des
conditions défectueuses”.
Voilà quelques jugements qui découlent du
“libéralisme de Keynes”. On est à
l’opposé du “libéralisme de Baverez et de ses
maîtres” ; dès lors, l’article du Monde
apparaît comme une nouvelle tentative de
récupération de Keynes ; une tentative
“hénaurme”, à la limite de l’absurde,
un peu comme si on utilisait quelques bribes de la biologie moderne
pour étayer les thèses créationnistes.
Mercredi 17 décembre 2008
•••
Climat :
une étape décisive
“Le temps presse,
les travaux doivent passer la vitesse supérieure”,
a déclaré Yvo de Boer, secrétaire
exécutif de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques (CCNUCC), à l’ouverture de
la conférence de Poznan. Cette conférence,
précise ce soir l’Associated Press,
réunit jusqu'au 12 décembre 10 000
participants - représentants de 190 pays, experts et
défenseurs de l'environnement. Elle s’inscrit dans
la longue chaîne de négociations qui
préparent l’adoption du nouvel accord
appelé à se substituer au protocole de Kyoto sur
la réduction des gaz à effet de serre (GES), qui
expire en 2012 : la conférence de l'ONU sur le
climat à Bali a, en décembre dernier,
fixé pour objectif la signature d'un accord en
décembre 2009 à Copenhague ; Poznan est
donc une étape décisive entre Bali et
Copenhague.
Or, depuis 2000, les émissions de CO2 ont
continué d’augmenter. Si ce mouvement se poursuit,
on risque de réelles catastrophe a averti Rajendra Pachauri,
président du Groupe d'experts intergouvernemental sur
l'évolution du climat (GIEC) :
l’extinction de près d'un tiers des
espèces, une élévation de plusieurs
mètres du niveau des océans, une aggravation des
pénuries d'eau ; pour
l’éviter, “les émissions de
dioxyde de carbone (CO2) et d'autres GES devront être
stabilisées à l'horizon 2015 et ensuite baisser
fortement”.
À l’évidence, cette
conférence est en porte-à-faux puisque Bush le
second est encore pour quelques semaines à la Maison
blanche, Mais le premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen, dont le
pays accueillera dans un an la conférence où doit
être signé l’accord de
l’après--Kyoto, a tourné ma
page : il s'est dit “ravi” que M. Obama
fasse de la lutte contre le changement climatique une
priorité et a déclaré
espérer “un leadership américain fort
dans le dossier du climat” ; il a
également évoqué un “fort
engagement chinois” et estimé que "la
volonté politique pour aboutir à un accord en
2009 est claire".
Mais
il y a la crise, les difficultés de financement,
l’affaissement du marché occidental de
l’automobile, la chute du cours du pétrole et
surtout le fait qu’aucun des dirigeants des grands pays
occidentaux n’a compris que la meilleure manière
de sortir de la crise actuelle est de tout jouer sur une nouvelle
croissance verte. Obama candidat semblait l’avoir compris.
Président en exercice à partir du 20 janvier
prochain, l’osera-t-il ?
Lundi
1er décembre 2008
Haut

Novembre
2008
Inquiétant
CO2
Nous ne
pouvons pas laisser la crise financière et
économique nous amener à différer la
mise en oeuvre de la politique, dont nous avons un besoin urgent, pour
assurer une offre énergétique sûre et
réduire les émissions croissantes de gaz
à effet de serre. Nous devons engager une
révolution énergétique globale en
promouvant l'efficacité énergétique et
en accroissant le recours aux énergies peu
émettrices de carbone; ce n'est pas un de ces
écologistes ou environnementalistes si facilement
accusés de vouloir revenir à la lampe
à huile qui s' exprime ; c'est Nobuo Tanaka, le
directeur exécutif de l'Agence internationale de
l'énergie, lors de sa présentation, hier
à Londres, de l'édition 2008 du World Energy
Outlook. D'après le scénario de
référence, la demande mondiale
d'énergie primaire croîtrait de 45 % de
2006 à 2030: il s'agit principalement du pétrole
et du charbon, même si les énergie renouvelables
modernes doivent progresser rapidement à partir de 2010.
Mais, avertit Nobuo Tanaka, les tendances actuelles sont
manifestement non-soutenables - environnementalement,
économiquement et socialement; elles peuvent et doivent
être sérieusement infléchies: en effet,
la croissance des importations des régions de l'OCDE et de
l'Asie en développement, alors que la production se
concentre dans un petit nombre des pays, risque de conduire
à des ruptures d' approvisionnement et à de vives
variations des prix, ainsi qu'à un niveau
d'émission des gaz à effet de serre susceptible
d'engendrer une augmentation moyenne de la température
terrestre de 6°C.
Dans ce cadre, l'amélioration de
l'efficacité énergétique et un recours
massif aux énergies peu émettrices de carbone
deviennent nécessairement des composantes d' une politique
énergétique mondiale. Mais il va être
extrêmement difficile de limiter les émissions de
CO2 suffisamment pour que la température terrestre n'
augmente pas de plus de 2°C : même si les
pays de l'OCDE ramenaient leurs émissions à
zéro, cela ne suffirait pas ; une action
concertée de tous les principaux émetteurs
de CO2 est donc nécessaire...
Ah, si les principaux
émetteurs de CO2, l'Opep, l'Agence internationale
de l'énergie, avaient pris en charge ce problème
dès 1992 (Sommet de Rio de Janeiro) ou dès 1997
(signature du protocole de Kyoto), si le président Bush
n'avait pas depuis 2000 détourné son pays de la
lutte contre le réchauffement climatique et si..., nous n'en
serions pas là !
Avant-hier, dans une interview publiée par le Monde, Claude Lorius, père
de la glaciologie moderne, interrogé sur le
“développement durable,
répondait : c'est une notion à laquelle
je ne crois plus (...). C'est un terme trompeur. Avant,
j'étais alarmé, mais j'étais
optimiste, actif, positiviste. Je pensais que les
économistes, les politiques, les citoyens pouvaient changer
les choses. J'étais confiant dans notre capacité
à trouver une solution. Aujourd'hui, je ne le suis plus...
sauf à espérer un sursaut inattendu de
l'homme”.
Jeudi 13 novembre
2008
•••
Obama
élu
Obama
est sorti vainqueur de l' élection présidentielle
américaine. Scènes de liesse retransmises par les
télés, tant des États-Unis
que de multiples points du monde. Dans les messages de ses adversaires
politiques McCain et Bush, je trouve une bonne dose de fair play, le
souci de ne pas lui compliquer une écrasante tache et comme
une pointe d' admiration. Et, comme beaucoup, je ressens
à la fois espoir, anxiété et
inquiétude. Ne va-t-il pas désormais
être l'objet des haines et exécrations de
racistes, extrémistes, illuminés et
détraqués, dont beaucoup rêveront de
l'abattre ? Et combien, parmi les 47 % qui ont
voté McCain vont accepter son discours d' unité,
quand le chômage progresse et qu'avec lui va se
clore un chapitre de l' American way of life, à
crédit et dans le gaspillage ?
Internet
me permet de voir et de lire son premier discours de prochain
président. Des minutes d' applaudissements accompagnent son
entrée, avec sa femme et ses deux filles, puis leurs
sourires et leurs saluts de la main. Lui ne s' approche pas des micros
: souriant, réceptif, attentif à cette longue
manifestation d' adhésion, d' encouragements, de
remerciements et de soutien, il veille à ne rien
brusquer ; puis, quand elle commence à s'apaiser,
il se penche vers ses filles et, avec beaucoup d' affection, leur parle
et les embrasse ; et, tout naturellement, vient le tour de sa
femme et quand toutes trois s' éloignent des micros et
quittent l' immense scène, les applaudissements, qui n' ont
jamais cessé, redoublent. Ils se poursuivent encore quand,
s' étant approché des micros, il se
prépare à prendre la parole.
Soudain, il troue le vacarme pour lancer deux
mots : “Hello, Chicago !” Comme
électrisée, la foule reprend son ovation... Puis,
il délivre un exceptionnel discours, avec chaque mot
soigneusement offert, chaque phrase parfaitement limpide; chaque
séquence remarquablement construite et transmise
à l' auditoire, dont les gros plans montraient des hommes et
des femmes acquis à son projet, séduits,
complices, admiratifs, touchés, émus, partageant
son engagement et reconnaissants pour sa calme résolution.
Lui, parlait sans note, parcourant sans cesse la salle du regard, comme
s' il tenait à parler à chacun et
chacune. Éloge d' une difficile victoire qui est
celle de l' Amérique, hommage à son adversaire
vaincu, remerciements à tous ceux qui l' ont
accompagné, secondé et soutenu, avec ce point d'
orgue : “C'est votre victoire. Et je sais que vous
ne l'avez pas fait juste pour gagner une élection (... ni)
pour moi (... mais) parce que vous comprenez l'ampleur de la
tâche qui nous attend. Car (...) nous savons que les
défis qui nous attendent demain sont les plus grands de
notre vie : deux guerres, une planète en danger, la
pire crise financière depuis un
siècle”.
Et, après avoir évoqué les
soldats en Irak et en Afghanistan, puis les familles
confrontées aux échéances des
intérêts à payer :
“La route sera longue. La pente sera raide. Nous n'y
arriverons peut-être pas en un an, ni même en un
mandat. Mais (...) je vous le promets: nous, le peuple, nous y
arriverons (...). Je serai toujours honnête avec vous sur les
défis auxquels nous sommes confrontés (...). Et
par-dessus tout je vous demanderai de participer à l'effort
pour rebâtir cette nation (...). Cette victoire (...) n'est
que notre chance de construire ce changement”.
Tout est
à relire ou à réécouter.
À ce point, je retiens l' ordre dans lequel Obama a
énuméré les quatre grands dossiers que
les États-Unis doivent traiter : les deux guerres
en cours, la Terre en danger et la crise financière. En peu
de mots, l' essentiel.
Mercredi 5 novembre
2008
•••
Une
veille chargée d' incertitudes
Demain
matin, nous apprendrons le résultat de l'
élection présidentielle américaine. De
plus en plus discret dans les dernières semaines, le
président sortant Bush le second est ces jours-ci invisible,
“planqué” disent certains à
Camp David. McCain intensifie et durcit sa campagne contre son rival
démocrate, le qualifiant de socialiste,
même de marxiste, et l' accusant de vouloir
déposséder tout le monde par l' impôt
et la collectivisation. Obama, qui reste en tête dans les
sondages, poursuit résolument sa campagne : il a
ému son public hier en évoquant la mort de sa
grand-mère blanche qui l' a éduqué,
enfant, à HawaÏ - il avait il y a quelques jours
interrompu sa campagne pour se rendre à son chevet. Mais
combien y aura-t-il de Blancs qui ne voteront pas pour lui demain parce
qu' ils le croient musulman ou proche d' extrémistes - ou
tout simplement à cause de la couleur de sa peau ?
La
perspective d' une victoire d' Obama suscite d' immenses et ardents
espoirs - même s' il est difficile d' imaginer ce que pourra
être sa présidence. Mais l' élection de
McCain aurait quelque chose de
désespérant : sur les grands dossiers,
elle prolongerait pour quatre ans la calamiteuse ère
bushienne ; et si McCain disparaissait en cours de mandat, sa
colistière pour le poste de vice-président, Sarah
Palin, étroitement conservatrice, intellectuellement
bornée et imbue d' elle-même, serait capable de
bien pire encore.
Mardi 4 novembre 2008
Haut

25 000 000 000 000 $
25 000
milliards de dollars évanouis: ce titre traverse la page Une
du Monde.
Évanouis non, car
ces milliards ne reviendront jamais : comme toute valeur en
bourse, il ne s' agissait que de valeurs virtuelles, à la
fois irréelles et proches du réel.
Irréelles, car il faut les vendre, les
“réaliser”, donc s' en
séparer, pour qu' elle prennent
réalité sous la forme d' une somme d'
argent ; mais aussi suffisamment proches du réel,
pour permettre à leurs détenteurs de se sentir
riches de quelque chose et au fisc d' inclure ce quelque chose dans l'
assiette de l' ISF. Les détenteurs d' action savent que,
tant qu' on n' a pas vendu, on n' a pas perdu. Mais quand la
moitié de la capitalisation boursière s' en est
allée, ce précepte, naguère valable au
niveau individuel, ne l' est plus pour tous. Des cours d' actions
remonteront, d' autres non, des fonds sombreront... Il y aura des
perdants ; sans doute moins chez les spéculateurs
que chez les épargnants confiants dans leurs banques, leurs
fonds de pensions ou leurs propres placements. Et il y aura des drames,
individuels et familiaux.
Dimanche 26
octobre 2008
•••
Face
à la crise financière
Quelques
jours ont suffi : après le rebond de lundi (voir
écho du 13 IX), les bourses chutent
à nouveau. À la défiance que suscitent
encore les actifs toxiques dispersés dans le monde, s'
ajoutent le scepticisme quant à la capacité des
États d' endiguer la crise et l' inquiétude
suscitée par les signes de ralentissement de l'
activité et les risques d' une possible récession.
Pour restaurer la
confiance et relancer l' activité sur des bases saines, il
faut d' abord purger le système des actifs
pourris : les gouvernements doivent rapidement obtenir leur
neutralisation par les établissements bancaires et
financiers qui en détiennent, ainsi que l' assainissement
des emprunts porteurs d' incertitude et de risques et susceptibles d'
agir comme des bombes à retardement.
Il convient aussi de soutenir ou de relancer l'
activité en faisant la part belle à des mesures
permettant de contrer une autre crise - plus profonde et bien plus
grave qui nous menace : la crise planétaire des
ressources et de l' environnement : à la fois par
le lancement de grands travaux et de grands chantiers et par le soutien
à de multiples travaux diversifiés contribuant
notamment à des économies d' énergie
et de matière, à l' amélioration de l'
habitat populaire, des écoles, des hôpitaux, des
maisons de retraites etc., à l' assainissement et
à la dépollution, voire à l'
embellissement, au verdissement et au fleurissement des villages et des
quartiers.
Et puis, alors que vont nécessairement s'
opérer dans le monde de profonds renouvellements en
matière d' habitat, de transport, de santé, d'
alimentation, de communication et de services publics et
privés, l' Europe doit se projeter dans ce nouveau futur.
Elle doit s' engager résolument dans un effort massif et
tenace pour faire émerger les technologies, les produits,
les procédés et les processus qui permettront de
vivre dans le confort sans altérer les équilibres
de la planète : c' est la voie d' une
économie responsable et il y a aussi là d'
immenses marchés en perspective et des sources de croissance
pour les prochaines décennies.
Jeudi 16 octobre
2008
•••
Fort rebond des bourses
Fort rebond des bourses en
Asie, en Europe et maintenant à New York. Aujourd' hui, en
France, le CAC-40 a gagné plus de 11 %, tandis que
Wall Street est en forte hausse après huit
séances de pertes. C' est qu' hier les dirigeants des 15
pays de la zone euro se sont mis d' accord sur quelques
modalités d' action : principalement la garantie
des crédits interbancaires jusqu'au 31 décembre
2009 et la recapitalisation par les gouvernements des grandes banques
en difficultés - des lignes d' action,
très proches de celles déjà
décidées à Londres, que chaque
gouvernement déclinera selon la situation de son pays. En
outre, dans la journée, la Réserve
fédérale américaine (Fed), la Banque
centrale européenne (BCE), la Banque d'Angleterre et la
Banque nationale suisse ont annoncé qu'elles mettraient des
fonds illimités en dollars, à court terme,
à disposition des institutions financières.
C' est dire
que les autorités politiques et monétaires ont
mis le paquet. On peut même se demander si elles n' en font
pas un peu trop..., ce qui, dans une période de
désarroi, risque d' accentuer l' inquiétude de
certains. Aujourd' hui, ça a marché. Des
optimistes s' enthousiasment déjà. Mais
il va falloir attendre quelques semaines pour être
sûr que ces mesures spectaculaires ont bien permis de
retourner la tendance.
Lundi 13 octobre 2008
•••
Quand
une crise en masque une autre
Aujourd'
hui (v. billet du 30 IX), les bourses ont
fortement chuté : autour de 5 % en Asie,
de 9 % à Paris, d' environ 7 %
à New York. Radios, télés, presse
écrite : c' est le sujet du jour.
Mais qui diffusera et commentera cette conclusion d' un
travail de recherche publié dans les Proceedings of the National
Academy of Sciences (PNAS) et évoqué
dans les pages “Planète” du Monde :
“les dernières décennies ont
été les plus chaudes depuis mille à
deux mille ans ? Une confirmation - établie par l'
utilisation de deux méthodes statistiques
différentes - d' une précédente
recherche de l' équipe de Michael Mann, dont les
résultats, publiés par Nature en 1998,
avaient précisément suscité des
débats sur la méthode utilisée. Qui s'
inquiétera de la nouvelle alerte de l' UICN, relative
à la disparition des espèces animales et
végétales, relayée hier par l' AFP :
“un oiseau sur huit, un mammifère sur quatre, un
amphibien sur trois sont menacés” ?
Déjà,
une grande majorité de nos contemporains répugne
à prendre la mesure des dégradations que nous
infligeons à la Terre. Mais la crise bancaire et
boursière en cours obnubile au point de faire oublier tout
le reste. Il est vrai que les vies de deux ou trois milliards d'
humains dépendent d' un “bon
fonctionnement” du capitalisme. Mais, comme celles des autres
milliards d' humains, elles dépendent aussi et radicalement
de l' état de la Terre. L' oublier serait dramatique pour
tous.
Lundi 6 octobre 2008
•••
Le Plan Paulson adopté
par le Congrès
Rejeté
lundi dernier (v. billet du 30 IX), le plan
Paulson a été adopté aujourd' hui par
la Chambre des représentants. “C'était
un vote pour protéger le peuple américain, pour
protéger leurs emplois, leur bien-être
économique", a déclaré à la
presse M. Paulson, tout en refusant de préciser comment les
700 milliards seraient utilisés pour racheter les actifs
invendables des banques. La nouvelle version du plan, votée
avant-hier par le Sénat, inclue des baisses
d'impôt et un relèvement du plafond de garantie
par l'État des dépôts bancaires...
Car
après la crise des crédits immobiliers
à taux variables attribués à des
foyers financièrement fragiles ; après
la diffusion dans le monde, à travers des produits
dérivés, des risques liés à
ces crédits et à bien d' autres ;
après quelques faillites et quelques sauvetages sur fonds
publics ; après les à-coups baissiers de
la bourse ..., c' est la confiance dans les banques qui commence
à faiblir.
Vendredi
3 octobre 2008
Haut

Bush
contré par le Congrès
Annoncé
en fanfare par le président Bush il y a une dizaine de jours
(v. billet du 20 IX), le plan Paulson a été
rejeté hier par la Chambre des représentants par
228 voix contre 205. La Bourse de New York a perdu
près de 7 % et le Nasdaq plus de 9 %.
Ce
plan devait permettre de consacrer 700 milliards de dollars
à éponger les créances douteuses
immobilières accumulées par les banques. Les deux
candidats à la présidence et les leaders des deux
partis des deux chambres l' avaient approuvé et le
Sénat l' avait voté. Mais une partie des
représentants sont confrontés, en pleine campagne
électorale, à la colère de leurs
électeurs : quoi, on va payer pour ces pourris de
Washington, pour ces flambeurs de Wall Street qui s' en sont mis plein
les poches, pour des patrons qui ramassent des millions, alors que pour
nous ça va de mal en pis ! Et il y a des familles qui
attendent des solutions concrètes et immédiates
qui leur permettent de garder leurs logements en payant des
remboursements de crédit supportables.
Le secrétaire au Trésor, Henry Paulson, va devoir
réviser sa copie et reprendre ses tractations...
Mardi 30 septembre
2008
•••
La
vérité si je mens
Hier, le
président Sarkozy a prononcé à Toulon
un long et important discours. Il y dresse un tableau de la crise en
cours, d' où ressortent quelques formules choc :
“Une crise de confiance sans précédent
ébranle l'économie mondiale (...). Comme partout
dans le monde, les Français ont peur (...). Il faut vaincre
cette peur. C'est la tâche la plus urgente. On ne la vaincra
pas, on ne rétablira pas la confiance en mentant, mais en
disant la vérité (...). Dire la
vérité aux Français, c'est leur dire
que la crise n'est pas finie (...) ; cette crise
financière, sans équivalent depuis les
années 30, marque la fin d'un monde (...) porté
par un grand rêve de liberté et de
prospérité. (... Mais)
l'idée de la toute puissance du marché, qui ne
devait être contrarié par aucune règle,
par aucune intervention politique (...) était une
idée folle. L'idée que les marchés ont
toujours raison était une idée folle. Pendant
plusieurs décennies, on a créé les
conditions dans lesquelles l'industrie se trouvait soumise à
la logique de la rentabilité financière
à court terme (...). C'était une folie dont le
prix se paie aujourd'hui !” Un discours auquel peuvent
souscrire bien des critiques du capitalisme.
Mais Sarkozy veut bétonner. Au pouvoir depuis des
années, chantre de la dérégulation et
du moins d' État, ami de hautes figures du capitalisme
français, oint pas Bush au lendemain de son
élection, il ne peut renier, ni même mettre en
cause ce qu' il admire. Alors, comme un enfant, il entonne une litanie
de dénégations : “ce
système, il faut le dire parce que c'est la
vérité, ce n'est pas l'économie de
marché, ce n'est pas le capitalisme”. Car,
“le capitalisme, ce n'est pas le court terme ; c'est la
longue durée” - faux, c' est en permanence le
court, le moyen et le long terme. “Ce n'est pas
la primauté donnée au spéculateur.
C'est la primauté donnée à
l'entrepreneur” - faux, depuis les tous
débuts, c' est
l' un et l' autre, la spéculation étant devenue
prédominante dans les dernières
décennies. Et finalement :
“La crise financière (...) n'est pas la crise du
capitalisme”. Faux
et archifaux.
La crise
financière est une crise capitaliste, et cela à
plusieurs titres : depuis des siècles, le
capitalisme animé par une logique d' accumulation a besoin
de purges ; ce qui est en cours en est une ; au XIXe
siècle le capitalisme, alors plus concurrentiel que
monopoleur, a été marqué par des
crises récurrentes : ces crises sont devenues moins
fréquentes mais plus profondes et plus brutales, depuis que
le capitalisme est dominé par de très grandes
entités industrielles, bancaires et
financières ; enfin, avec le vent
libéral qui a dominé de Reagan et Thatcher
à Bush et Sarkozy, avec le gonflement d' une
sphère financière de plus en plus monstrueuse par
rapport à l' économie réelle, a
prospéré une jungle capitaliste où se
sont développées des activités
financières à très hauts risques que
les dirigeants en postes de responsabilité n' ont pas voulu
ou su interdire ou encadrer. Au total, la crise financière
actuelle est bien la crise de ce capitalisme.
Et ce n' est pas en le déniant qu' on trouvera les
bonnes sorties à cette crise.
Vendredi 26
septembre 2008
•••
0
+ 0 = 0.
Hier
devant l'Assemblée générale de l'ONU,
les dirigeants du monde se sont faits modestes dans leurs propos sur la
crise financière. Le président Bush,
confronté à de fortes réticences du
Congrès face à sa surenchère de 700
milliards de dollars pour “éponger” les
créances pourries des banques et institutions
financières (v. billet du 20 IX),
était particulièrement gêné
aux entournures : “Je peux vous assurer que notre
administration et notre Congrès coopèrent pour
adopter rapidement cette stratégie (...). Je suis convaincu
que nous allons agir avec la rapidité
requise ”.
Usé,
discrédité, qui peut-il rassurer ?
Quant au président Sarkozy, ne pouvant
décemment proposer la création d' une commission
ou d' un groupe de réflexion, il s' est dit convaincu
“que le devoir des chefs d'État et de gouvernement
des pays les plus directement concernés est de se
réunir (...) pour réfléchir ensemble
aux leçons à tirer de la crise
financière la plus grave qu'ait connue le monde depuis celle
des années 30”. Se réunir pour
réfléchir ensemble, en pleine tempête,
quelle audace ! Las : selon l' AFP, il a
précisé lors d' une conférence de
presse qu' il envisageait une réunion en novembre d' un G8
élargi : “Ma proposition, c'est au mois
de novembre parce qu'on peut espérer y voir plus clair.
Ça n'est pas une réunion à chaud en
plein dans la crise, mais en même temps c'est avant la fin de
l'année, donc on peut tirer les
conséquences”.
Terrible
signal d' impuissance : en pleine crise, le
président en exercice de l' Union européenne
propose une réunion de chefs d'État dans six ou
huit semaines.
Coïncidence : hier 23 septembre a
été, selon l' ONG nord-américaine Global Footprint Network,
le "Global Overshoot Day",
littéralement selon le Monde,
"le jour du dépassement global" : le jour de l'
année où la consommation humaine atteint le
niveau de ce que la Terre peut, dans une perspective de
développement durable, produire en un an sans être
surexploitée ; curseur temporel marquant, pour
chaque année, la date à laquelle les
activités humaines ont transgressé les
limites des capacités terrestres (v.
écho de ce jour).
Cela ne
mériterait-il pas que nos dirigeants se
réunissent “pour réfléchir
ensemble aux leçons à tirer” de ce
constat, le plus grave jamais fait depuis le début de l'
humanité et pour “agir avec la rapidité
requise” ?
Incapacité
d' anticiper et de prévenir la crise
financière ; refus de voir la crise qui met en
péril notre Terre et l' Humanité : nos
dirigeants méritent un zéro pointé.
Mercredi 24
septembre 2008
•••
L'
humanité vit au dessus de ses moyens
Hier 23 septembre
était le "Global Overshoot Day" de l' an 2008. C' est ainsi
que l' ONG nord-américaine Global Footprint
Network nomme le jour de l' année où la
consommation humaine atteint le niveau de ce que la Terre peut, dans
une perspective de développement durable, produire en un an
sans être surexploitée.
Certes,
c' est chaque jour que nous abusons de la Terre et de ses ressources.
Mais le "Global Overshoot Day" - le jour de la transgression
planétaire - est un curseur qui montre plus
concrètement où nous en sommes : entre le 1er
janvier et ce jour, les activités humaines ont
épuisé le crédit que nous offre la
Terre en ressources renouvelables et en capacités de
régénération ; de ce jour au 31
décembre, nous vivons aux frais, non de la princesse, mais
d' une Terre qu' on épuise et de notre futur que nous
hypothéquons.
L'
évaluation de “l' empreinte
écologique” des activités humaines
permet de saisir à quel degré les
sociétés respectent ou dégradent leur
environnement. Ici, c' est à l' échelle mondiale
qu' on cherche à en prendre la mesure. Les ordres de
grandeur obtenus confirment les multiples alarmes que nous recevons.
Selon
les travaux du Global Footprint Network, c' est à partir de
1986 que l' humanité, prise globalement, a
commencé à vivre au dessus des limites qui
auraient permis un renouvellement équilibré et
durable de la Terre. Depuis, l' excès de nos
activités s' accentue : en 1996, il atteint 15 % du niveau
de production qu' il n' aurait pas fallu dépasser - ce qui
situe, comme un curseur, le jour de la transgression des limites
terriennes au 16 novembre ; cette année, il est de 37 % - ce
qui situe le jour de la transgression des limites terriennes au 23
septembre.
Quand on voit la mobilisation des dirigeants autour de la crise
financière en cours (v. l'autre
billet de ce jour), il est clair qu' ils devraient aussi
se réunir “pour réfléchir
ensemble” sur la crise écologique - sans
précédent dans l' histoire de la Terre et de l'
Humanité - dont nous sommes la cause - et pour
“agir avec la rapidité requise”.
Mercredi 24 septembre 2008
•••
Mille
milliards de sabords
Hier, le
président Bush a annoncé un ensemble de mesures
exceptionnelles pour restaurer la confiance et juguler la
crise ; il s' agit de faire racheter pour plusieurs
centaines de milliards de dollars de crédits et de produits
dérivés douteux ou pourris : des actifs
qualifiés par le secrétaire au Trésor,
Henry Paulson, de "toxiques" et qui plombent les comptes d'
innombrables établissements bancaires et
financiers ; certains font faillite, d' autres sont les proies
de prédateurs, d' autres sont victimes de ceux qui, en cette
période, font leurs profits en spéculant
à la baisse sur les actions de firmes en
difficulté. Depuis le sauvetage de Fannie Mae et Freddie
Mac (v. écho du 8 IX),
dans une ambiance de sauve-qui-peut, il y a eu en moins d' une semaine
la faillite de la banque Lehman Brothers, le rachat à prix
cassé (50 milliards) du premier courtier US, Merrill Lynch,
par la Bank of America et l' aide de 85 milliards apportée
par la Fed à l' assureur AIG désormais
contrôlé à 79,9 % par l'
État.
Le coût du programme pourrait s' élever
à mille milliards. Mais le président a besoin de
l' accord du Congrès - ce qui risque d' être
malaisé en pleine campagne électorale.
Déjà, Barack Obama, candidat démocrate
à la Maison blanche a apporté "son soutien total
au plan de l'administration Bush" - mais en
précisant : "On ne peut pas avoir un plan seulement
pour Wall Street. On doit aussi aider l'homme de la rue". Et dans les
rangs républicains, beaucoup s'
élèvent contre une intervention massive de l'
État.
Trois remarques. L'
histoire montre qu' en cas de panique financière ou
boursière, les moyens publics sont insignifiants par rapport
au déferlement des ventes ; l' administration
américaine a donc raison de prendre les devants mais, face
à un système financier fortement
internationalisé, cela suffira-t-il ? La crise doit
beaucoup à trois décennies de
dérégulation qui a livré la finance
mondiale à une recherche forcenée de hautes
rentabilités et à des spéculations
effrénées : les dirigeants
déclarent haut et fort qu' ils vont y mettre bon ordre mais,
dès que la bourrasque sera passée, en auront-ils
encore la volonté, le courage et les moyens ?
Enfin, ne faut-il pas dans le même temps remettre en cause
les déréglementations du marché du
travail et rendre aux salariés l' essentiel de la
stabilité et de la sécurité dont ils
ont besoin dans un monde en incessante mutation ?
Samedi 20
septembre 2008
•••
Surmortalité des
abeilles
Chercheur au
département d'agronomie de l'université de
Pennsylvanie, Dennis van Engelsdorp est l'un des premiers à
avoir décrit, à l'automne 2006, le
Syndrome d'effondrement des colonies d' abeilles (Colony
Collapse Disorder).
Interviewé sans le Monde, il explique qu' on constate
aux États-Unis une surmortalité de plus de
30 % par rapport à la mortalité des
abeilles observée dans les pays où existe une
documentation correcte. En outre, du fait de la raréfaction
des insectes pollinisateurs sauvages, les exploitants de monocultures
font massivement appel aux apiculteurs : actuellement
“aux États-Unis, un apiculteur sur deux ne vit pas
du commerce de miel, mais de la transhumance de ses ruches (...) pour
vendre aux grandes exploitations de fruits et légumes un
service de pollinisation”. La forte mortalité des
abeilles crée donc une situation critique : de plus
en plus d' apiculteurs cessent leur activité ; le
prix de la location des ruches a triplé en quelques
années ; des cultures sont menacées,
notamment la production d' amandes en Californie ; et,
déjà cette année, “des
producteurs de concombres de Caroline du Nord ont réduit
leur production jusqu'à 50 % simplement parce
qu'ils n'ont pas trouvé suffisamment de colonies
disponibles”...
Un
monde fou. Qui fait et laisse disparaître les insectes
pollinisateurs, indispensables à la reproduction des
quatre-cinquièmes des espèces
végétales de la planète : un
crime contre le vivant et contre l' humanité dont ne s'
alarment que trop peu de citoyens - et aucun dirigeant au pouvoir.
Vendredi 19 septembre 2008
•••
Bush sauve Freddie et Fannie
Hier,
le président Bush a sauvé de la faillite les deux
géants du marché hypothécaire
américain, Fannie Mae et Freddie Mac - une faillite qui,
selon lui aurait constitué un "risque inacceptable" pour
l'économie du pays : ces deux
établissements portent en effet plus des deux
cinquièmes des prêts immobiliers. Fin juillet, il
n' avait pas opposé son veto à une loi
initiée et principalement votée par les
démocrates qui permettait aux
collectivités locales d'acheter des
propriétés saisies et à
400 000 propriétaires en difficulté de
refinancer leurs emprunts : une loi contre laquelle avaient
voté la majorité des républicains.
Ainsi, face
à la crise du crédit immobilier, les
démocrates préfèrent soutenir les
familles et les collectivités locales, alors que l'
administration Bush assure le sauvetage des plus gros
établissements financiers. À l' approche de l'
élection présidentielle, est-ce
significatif ?
Lundi 8 septembre 2008
•••
Eau
: les limites
Le
13e congrès mondial de l'eau se tient à
Montpellier du 1er au 4 septembre. Présidente de
l'Association internationale des ressources en eau et co-organisatrice
du congrès, Cecilia Tortajada souligne :
“Pendant longtemps, la ressource en eau a
été disponible, en grande quantité, et
de bonne qualité. Elle était
considérée comme inépuisable. Ce n'est
plus le cas, nous approchons maintenant des limites”. La
quantité d' eau disponible par terrien va chuter alors que
les besoins croissent. Or l' eau disponible est inégalement
répartie : ainsi, par rapport à leurs
populations, l' Amérique latine est infiniment mieux
dotée que l' Asie. Et puis, de larges zones sont
menacées par des pénuries d' eau : au Sahel,
autour de la Méditerranée, au Moyen-Orient, au
sud des Etats-Unis et en Asie. “Notre objectif, explique
Cecilia Tortajada, est de générer de la
connaissance sur ce sujet et de pousser les décideurs
à anticiper les défis à
venir”.
Mais que
vaut un décideur averti ? Selon qu' il sera cigale
ou fourmi, abeille, buffle ou autruche...
Mercredi 3 septembre 2008
•••
La
bombe inégalitaire
En
lisant le Monde :
une étude publiée dans le Bulletin
épidémiologique hebdomadaire de
l'Institut de veille sanitaire fait apparaître qu' en France
“le poids des inégalités sociales dans
la mortalité par cancer est important et qu'il n'a
cessé de progresser entre 1968 et 1996”.
Il n' y a là rien de surprenant : les
plus démunis sont inexorablement les plus lourdement
touchés par les maladies, les conflits et les
fléaux d' origines climatique ou terrestre. Mais
dès qu' on évoque les
“inégalités”, la
réponse fuse : « des
inégalités, il y en a toujours eu et il y en aura
toujours ». Car il est inépuisable le sac
à fadaises de ceux qui veulent s' épargner de
voir, de comprendre, de penser. Que la réponse ait
été mielleuse, fielleuse ou
vénéneuse, le débat est clos. Tout a
été dit. L' entendement peut dormir sur ses deux
oreilles : pour ne plus rien entendre.
À celui qui
écoute encore, je dis ceci : oui, l'
inégalité, les inégalités
ont existé de tous temps. Mais en quelques
siècles, l' inégalité, les
inégalités ont profondément,
radicalement changé : car l' argent est, presque
partout dans le monde, devenu l' alpha et l' oméga de l'
existence, l' onguent des rapports sociaux, le fluide vital de nos
sociétés. Dès lors, l'
inégalité d' aujourd' hui est à celles
des temps passés ce que la bombe H est à la
flèche ou au fusil d' assaut.
Dans un monde motivé, irrigué,
dominé par l' argent, les inégalités
peuvent mutiler, dévoyer, affoler, exaspérer,
accabler ou déchaîner les individus et les
groupes ; elles peuvent corrompre les
sociétés, jusqu' à les pourrir et les
dissoudre ; elles peuvent exaspérer les discordes
entre ethnies, peuples et pays et déchaîner les
violences et les guerres ; elles peuvent corrompre l' humain,
submerger les valeurs de l' humanisme, broyer les pulsions, les
traditions et les réflexes d' humanité ;
elle peuvent ravager les apports et les trésors des
civilisations, dévaster la nature, piller les ressources,
dénaturer la Terre, créer des
monstruosités et semer la mort.
Que dis-je “elles peuvent” ?
Elles le font.
Que dis-je “les
inégalités” ? C' est nous,
pris dans un maëlstrom d' inégalités,
qui le faisons.
Quiconque souhaite le reflux des barbaries et de l'
inhumanité, quiconque aspire à un monde plus
humain doit œuvrer à la réduction des
inégalités.
Mardi 2
septembre 2008
Haut

Technoscience et santé
Hier dans le Monde, Jean-Yves
Nau évoquait “une maîtrise croissante
dans l'obtention et la culture des cellules souches
humaines”, tout en soulignant les obstacles auxquelles leurs
utilisations thérapeutiques sont encore aujourd' hui
confrontées. Aujourd' hui, il met en avant une
“première mondiale”
réalisée par une équipe parisienne et
présentée dans la revue Neurosurgery :
la destruction de tumeurs métastatiques
cérébrales sans anesthésie
générale. En résumé, l'
intervention consiste à “percer un petit trou dans
la boîte crânienne, y glisser une fibre optique
terminée par un laser jusque dans une métastase
cérébrale, activer le laser et
nécroser la tumeur en moins de deux minutes. Le tout
contrôlé en direct grâce à
l'imagerie par résonance magnétique
nucléaire (IRM). Le patient est conscient, ne sent rien et
sort de l'hôpital le soir de l'intervention”.
Avec bien d' autres, ces avancées
thérapeutiques offrent ou ouvrent d' immenses
possibilités de soulager, prévenir ou
guérir. Accueillons-les donc avec espoir, en laissant au
corps médical la responsabilité d' en bien
mesurer les conditions d' utilisation et les limites. Mais il
appartient à tous, chercheurs de pointe, soignants et
patients, de maîtriser un risque que contribue à
accentuer les avancées en cours : celui d' une
soumission croissante de tout un chacun à un
système de soins organisé pour traquer, prendre
en charge et traiter la maladie.
Déjà
on y tend : que de personnes vont confier leur corps
à tel ou tel service, comme on laissait sa voiture au garage
pour réparation dans les années 1950 ! Et que de
spécialistes ou d' équipes chirurgicales ne
voient défiler que des yeux, des prostates, des hanches ou
des sphincters ! Plus fondamentalement, presque tout pousse
à croire que soigner la maladie est la seule et unique voie
pour guérir les mal-portants.
Pour
ceux qui comme moi pensent que tout être
humain est à la fois corps, esprit, espérance,
inquiétude et volonté, il y a là
quelque chose de choquant. J' ai besoin de comprendre ce qui arrive
à mon corps, comment agira le traitement ou l'
opération et s' il y a d' autres réponses
possibles. Et j' estime avoir le droit d' en décider.
Déjà, pour ma vieille 2CV, je décidais
- après avoir écouté l' avis du
garagiste - de l' ampleur de la réparation à
faire : a fortiori pour mon corps. Et je m'
inquiète de la généralisation de
procédures qui tendent à ne plus laisser de place
au libre arbitre de ceux - bien- ou mal-portants, malades en souffrance
ou en imagination - happés par le système de
prévention, de diagnostics et de soins. Bien sûr,
il y a le légendaire dévouement des
infirmiers/ères. Mais c' est tout le système,
professeur, ordonnateur et ordinateur en tête, qui doit
être imprégné de cet
impératif : prendre en compte et respecter l'
être humain mis en examen.
Pour contenir la tendance à l' accentuation de l'
emprise de la technoscience sur les soins, je vois trois antidotes de
base : d' abord, une éducation à la
bonne santé, pour offrir à chacun les
clés d' une vie en bonne santé ;
ensuite, des politiques d' urbanisme, d' environnement, du travail et
des accidents de la vie sociale qui permettent de restaurer et de
maintenir les conditions d' une vie en bonne
santé ; enfin, la promotion de médecins
généralistes, ouverts sur les
médecines douces et disponibles pour aider ceux qui le
souhaitent à mobiliser ou stimuler leurs
capacités propres - corps, esprit, espérance,
inquiétude et volonté - pour conserver ou
recouvrer la bonne santé.
Vendredi 29
août 2008
•••
Dans
la gueule...
Dans
un imbroglio d' affrontements, de négociations, de pressions
et de promesses (voir “Un inquiétant
sac d' embrouilles”, billet du 11 VIII), les
« territoires séparatistes
géorgiens » d'Abkhazie et
d'Ossétie du Sud ont, la semaine passée,
demandé à Moscou de reconnaître leur
indépendance ; dans les dernières 48
heures, tout est allé très vite :
- dimanche 24 : suite aux demandes de plusieurs pays de
l'Union, le président français,
président en exercice du Conseil européen,
convoque une réunion extraordinaire de ce Conseil pour le
1er septembre ; ce sommet portera sur la situation en
Géorgie, l'aide à ce pays et l'avenir des
relations avec la Russie (Reuters, 19h29) ;
- lundi 25 : les deux chambres du Parlement russe se
prononcent en faveur de la reconnaissance des deux
« républiques
séparatistes » (AFP, 17h10) ;
le président Bush appelle les dirigeants de la Russie
à “ne pas reconnaître ces
« régions
séparatistes »" et affirme que
“les États-Unis continueront à soutenir
le peuple de Géorgie et sa démocratie, et
à soutenir sa souveraineté et son
intégrité territoriale” (AFP, 23h42) ;
- mardi 26 : dans une déclaration solennelle
à la télévision, le
président russe Dmitri Medvedev annonce que la Russie
reconnaît l'indépendance des deux
« républiques
séparatistes » :
“Tbilissi a fait son choix dans la nuit du 7 au 8
août : Saakachvili a choisi le génocide
pour atteindre ses objectifs politiques. Il a ainsi fait une croix sur
tous les espoirs de cohabitation pacifique des Ossètes,
Abkhazes et Géorgiens dans un même
État” (AFP, 14h07) ;
les dirigeants des deux républiques
célèbrent un jour
“historique”, tandis que les dirigeants
géorgiens dénoncent un acte “sans
aucune valeur légale” - un acte
qualifié de "regrettable” par le Quai d' Orsay et
condamné comme “inacceptable” par les
États-Unis, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et bien d'
autres. Confronté à un tumulte de
dénonciations et de protestations, le président
Medvedev ne fléchit pas : "Nous n'avons peur de
rien, pas même d'une guerre froide..., a-t-il dit au cours d'
une interview ; bien sûr, nous ne la voulons pas" (AFP, 17h00).
Saakachvili
a-t-il cru que Washington lui apporterait plus qu' un soutien
rhétorique ? Lors de la négociation de
l' accord “de paix” entre les deux parties, Sarkozy
n' a-t-il pas vu le risque qu' il y avait à laisser des
blancs là où le bât blessait ?
Bush a-t-il voulu remettre à sa place la Russie et
éprouver la cohérence du couple
Medvedev-Poutine ?
Car Moscou, depuis quelque temps, marque sa
différence et affiche ses désaccords :
en soutenant l' Iran et Chavez, en dénonçant l'
installation à ses frontières de bases pour le
bouclier antimissile américain, en s' élevant
contre de nouvelles admissions dans l' Otan de pays ayant appartenu
à l' ancienne Urss - et aussi en s' opposant, sans
succès il est vrai, à l' indépendance
du Kosovo.
Sur ce point, Bush a-t-il eu raison de vouloir
passer en force, sans avoir réussi à obtenir l'
accord du Conseil de sécurité de l'
Onu ? Certes il l' avait déjà
fait : pour l' expédition militaire en Irak - un
tragique fiasco. Pour le Kosovo, il a encore agi comme si son pays,
soutenu par l' Occident, pouvait régenter le monde - y
compris en transgressant des règles internationales.
Pourtant, Poutine l' avait à maintes reprises mis
en garde. Et une fois le fait accompli, lors d' une réunion
de la CEI à la fin février, il brocardait encore,
lourdement, les pays qui reconnaissaient l' indépendance du
Kosovo : “Ils ne pensent pas aux
conséquences de ce qu'ils font. Au final, c'est comme un
bâton à deux extrémités, et
l'une des extrémités va un jour leur revenir dans
la gueule”.
Beaucoup pensèrent alors à des
mouvements indépendantistes actifs dans tel ou tel de ces
pays ou à leur proximité ; mais bien peu
virent ou crurent que la Russie pourrait se servir de ce
précédent. Ce qu' elle vient de faire.
Mardi 26
août 2008
•••
Inentendus
tocsins
17
juillet : comme sur les côtes du Japon, de
Californie et de Namibie, des méduses des mers chaudes
pullulent sur les plages des Alpes maritimes (Écho
du 17 VII) ;
23 juillet : selon la responsable du Programme
alimentaire mondial, une quinzaine de millions d' humains sont
menacés de famine ;
5 août : entre chasse et destruction de
leurs habitats, près de la moitié des
espèces de primates connues dans le monde sont en danger d'
extinction ;
13 août : sur les quelques
41 000 espèces végétales et
animales que suit l' UICN, environ 16 000 - 40 % -
sont menacées de disparition (Écho
du 13 VIII) ;
15 août : l' incessante augmentation de
nos rejets chimiques et organiques entraîne une croissance
exponentielle des étendues littorales d' où la
vie a disparu par manque d' oxygène ; selon une
récente évaluation, sont actuellement
touchées dans le monde 400 zones couvrant 245 000 km2
(Écho du 15 VIII).
On pense
évidemment au film Wall.e actuellement diffusé
sur nos écrans : une “romance
écolo entre robots” pour le Monde, une “superbe fable
écologique” selon Libération. Foutaises !
Comment croire en cette idylle entre un robot
débardeur qui depuis des siècles a
cultivé une vraie sensibilité et une robote
ovoïde dont le premier réflexe est de tirer sur
tout ce qui bouge ?
Et puis, si avant la phase finale du désastre
terrien les plus riches ont pu quitter la Terre grâce
à des croisières de luxe dans l' univers - comme
le suggère une publicité d' époque -
que sont devenus les milliards d' humains demeurés sur
Terre ? Et comment se fait-il que dans tout le bric
à brac ramassé par Wall.e, il n' y ait pas le
moindre os. La consigne a été claire :
ni cadavres ni ossements, comme pour les guerres du Vietnam et d' Irak.
Enfin, comment croire que ces mannequins boudinés
et impotents que sont devenus les privilégiés
revenus d' une croisière de six siècles, vont,
sur un sol mort et sans eau, pouvoir recréer un jardin
fleuri à partir d' un plant ? Là encore,
la consigne a été claire : il faut une happy
end.
Wall.e ?
Une fallacieuse affabulation destinée à laisser
croire que, même si le pire arrive, on s' en sortira. Une
œuvre de propagande, génératrice d'
illusions permettant de satisfaire ce profond désir de nos
sociétés : ne pas voir la
réalité des périls dont nos modes de
vie sont la source, ne pas entendre l' alarme du tocsin.
Samedi 16
août 2008
•••
Des zones
océanique sans vie
Les zones océaniques d' où la vie
disparaît s' élargissent dans le monde
à une vitesse exponentielle : depuis les
années soixante, leur superficie double tous les dix ans et
atteindrait aujourd' hui 245 000 km2
répartis sur un peu plus de 400 zones ; c' est ce
qu' établit une étude
américano-suédoise publiée aujourd'
hui dans Science,
dont rend compte l' AFP.
Selon Robert Diaz et Rutger Rosenberg, “La
localisation de ces zones mortes correspond aux centres où
vit une grande population et où sont
déversées d'importantes quantités de
substances nutritives”. Actuellement, sur les 400 zones
touchées, 8 % le sont en permanence (en Mer
Baltique et dans les fjords notamment), 17 % de
manière “épisodique”,
25 % pendant la saison chaude et 50 % une fois par
an, au cours de la saison chaude.
Ce n' est
donc encore qu' un avertissement : à nous de le
prendre au sérieux. On sait que l' excès des
rejets - urbains, industriels et agricoles - de nitrates, de phosphates
et de déchets organiques provoque une
prolifération d' algues qui entraîne la
disparition de l' oxygène et de la vie qui lui est
associée ; on sait aussi que le
réchauffement climatique va accentuer ce
phénomène.
Les contrées riches ont les moyens de combattre ce nouveau
fléau ; est-ce le cas dans les pays
émergents et pauvres où se produisent de
fulgurantes dynamiques d' urbanisation, de délocalisation et
de “modernisations” industrielles et
agricoles ? Et, ici et là, en aura-t-on la
volonté politique ?
Vendredi 15 août 2008
•••
La 6ème extinction des
espèces
Merci au Monde de se faire
l' écho du numéro des Comptes rendus de
l'Académie des sciences américaine (PNAS)
publié hier, qui comporte un dossier consacré
à la “sixième extinction” des
espèces.
Deux biologistes américains, Paul Ehrlich et
Robert Pringle, nous placent face à nos
responsabilités. En effet, soulignent-ils, "l'avenir de la
biodiversité pour les dix prochains millions
d'années sera certainement déterminé
dans les cinquante à cent ans à venir par
l'activité d'une seule espèce, Homo sapiens,
vieille de seulement 200 000 ans" ; car le genre
humain, "narcissique et présupposant sa propre
immortalité, a maltraité
l'écosystème qui l'a créé
et le maintient en vie, sans souci des conséquences".
Dès lors, "l'idée que la croissance
économique est indépendante de la
santé de l'environnement et que l'humanité peut
étendre indéfiniment son économie est
une dangereuse illusion". Outre la nourriture et l' eau, la nature nous
apporte une immense gamme de services gratuits, et d' abord la
pollinisation. C' est donc l' intérêt et le devoir
du genre humain de maîtriser sa propre croissance et sa
consommation.
Clair comme de l' eau de roche.
Évident. Indiscutable.
Des
centaines de millions, des milliards d' humains en ont conscience,
à un degré ou un autre. Mais en l' absence d' une
réaction collective, puissante et obstinée, des
milliards de stratagèmes individuels de survie ou de
stratégies de recherche du mieux-vivre, de
résignations, d' égoïsmes et d'
irresponsabilités nous entraînent dans la voie d'
un grand désastre qui affectera pour longtemps l' ensemble
du vivant.
Mais
comment, face à un risque aussi inconcevable, susciter une
réaction collective planétaire, puissante et
obstinée ?
Mercredi 13 août 2008
•••
Un
inquiétant sac d'embrouilles
Le 7
août, après une semaine de tensions dans la
région et à la veille de l'ouverture des jeux
Olympiques à Pékin, le ministère
géorgien de l'Intérieur confirmait que la
Géorgie avait lancé "un assaut" sur Tskhinvali,
capitale de la république séparatiste
d'Ossétie du Sud. Le premier ministre russe Poutine
était à Pékin et le
président Medvedev en villégiature. Le 8, Moscou
demandait une réunion du Conseil de
sécurité de l' Onu et envoyait des troupes. Le 9
et le 10, imbroglio d' affrontements et de
velléités ou de propositions de
cessez-le-feu : après de violents combats, les
forces russes reprennent le contrôle de Tskhinvali. Aujourd'
hui réunion du Conseil de
sécurité : le représentant
américain hausse le ton tandis que, sur le terrain, les
forces russes accentuent leurs progressions...
Chacun semble savoir
jusqu' où il pourra aller trop loin. Mais est-ce que ce sera
toujours le cas ? Car, en ce point du monde, se cristallisent
nombre de tensions, dont la plupart dépassent la
région.
Il y a certes, dans ce pays de peuplement
bigarré, des aspirations séparatistes que tente
d' étouffer le pouvoir géorgien et que Moscou s'
efforce de gérer à son avantage : n' y
a-t-il pas là l' occasion de rendre à l' Occident
un chien de sa chienne, après qu' États-Unis et
Europe réunis aient imposé à la
Serbie, malgré l' opposition de la Russie, l'
indépendance du Kosowo ? Et n' est-ce pas aussi
pour Moscou l' occasion d' enrayer le rigoureux bornage de la Russie
auquel procèdent les États-Unis, tant par l'
intégration dans l' Otan d' anciens pays du glacis
soviétique, que par l' utilisation des territoires de
certains d' entre eux pour l' implantation d'
éléments nécessaires à leur
bouclier antimissile ? La piteuse fin de règne de
Bush n' offre-t-elle pas à la dyarchie russe une occasion de
marquer des points ?
En outre, la Géorgie est en train de devenir une
terre de passage vers la Turquie et l' Occident de ressources
gazières et pétrolières d'
Asie : une voie qui affaiblit le pouvoir russe dans son effort
pour imposer en ce domaine sa prédominance dans toute la
région. Là encore, la déstabilisation
du très pro-américain président de la
Géorgie ne peut que servir les intérêts
de Moscou.
Il y a plus retors : le principal fournisseur d'
armes de la Géorgie est Israël. Ce pays ne souhaite
pas se mettre à mal avec la Russie ; mais il ne
risque rien à jouer sur l' idée qu' il pourrait
s' abstenir de vendre des armes trop sophistiquées
à la Géorgie..., tant que Moscou ferait de
même pour la Syrie et l' Iran. L' Iran, détonateur
potentiel pour bien des conflits ; un client important de la
Russie et un partenaire qui compte dans sa stratégie
gazière : que ferait Moscou si Israël,
profitant de l' inexorable effacement de Bush, lançait une
attaque préventive contre les installations
nucléaires iraniennes ? Longtemps facteur de
dissuasion, le nucléaire ne pourrait-il pas, ici, devenir un
détonateur ?
Que de sources de tensions et de surenchères
entremêlées ! Au début du
siècle passé, la “Première
Guerre mondiale” a été
déclenchée pour bien moins.
Lundi 11
août 2008
•••
Obama et l' American way of life
Un
“rebond” de Libération
remet en lumière cette déclaration de Barack
Obama : “Nous ne pouvons pas conduire des 4x4,
manger autant que nous le désirons, garder nos maisons
à 20°C par tous les temps… et
espérer tout simplement que les autres pays vont
être d' accord. Ce n' est pas ça, le leadership.
Les choses ne se passeront plus de cette façon”.
Ces propos ont été tenus en avril dernier, alors
qu' Obama était encore en course avec Hillary Clinton pour
décrocher l' investiture démocrate. L' auteur du
rebond, Nicolas Machtou, rappelle que cette position s' oppose
radicalement à celle exprimée par le premier
président Bush, au Sommet de la Terre de Rio en
1992 : “Le mode de vie des Américains n'
est pas négociable” ; il souligne aussi
que “jamais auparavant - pas même Al Gore en 2000 -
un candidat à la Maison Blanche n' a eu le courage de
confronter les Américains à cette dure
réalité” : leur mode de vie n'
est pas soutenable.
Depuis 1992
et 2000, les symptômes sont devenus plus lisibles :
déforestation, épuisement d' un nombre croissant
de ressources halieutiques, pénuries d' eau douce et d' eau
potable, réchauffement et désordres climatiques,
extension des zones touchées par les pollutions et les
déchets, recul des sols arables... Mais ces maux, devenus
autant de menaces, sont le plus souvent traités
isolément, d' une manière qui laisse toujours
ouverte la perspective qu' une solution technique - douce ou
techno-industrielle - est à portée de main. Aucun
faiseur d' opinion, aucun homme politique visant ou accroché
au pouvoir n' ose dire : “Elle est finie
l' ère de la consommation croissante pour tous ou promise
à tous”. Dans les pays du Nord, aucun n' ose
dire : “Nous devons renoncer à notre
consommation dévastatrice et apprendre une autre
manière de vivre ensemble, dans le respect des autres
sociétés humaines et de la Terre”. Et
dans les pays dits émergents comme dans les aires de
pauvreté, aucun n' ose dire : “Le
modèle des pays riches est porteur d' une catastrophe
planétaire. Puisons dans nos savoirs, nos sagesses et nos
expériences historiques pour esquisser d' autres voies,
humainement plus riches et porteuses d' espoir pour toute la
planète.
Dictateurs et démocrates craignent de parler ainsi.
Candidat, Obama l' osera-t-il ? Et, si oui,
sera-t-il élu ?
Vendredi 8 août 2008
Haut

Blocage
à l'OMC
Après
une longue semaine d' ultimes négociations à
Genève, le cycle de Doha sur la
libéralisation des échanges internationaux a
débouché sur un échec. Un observateur
averti voit cependant un progrès dans le fait qu' on est
sorti de l' affrontement entre le Nord et le Sud. Un
Européen met en cause d' ultimes raidissements, notamment
des États-Unis et de l' Inde. Nobutaka Machimura,
secrétaire général du gouvernement
japonais, accuse les deux puissances asiatiques montantes :
“Franchement, il faut se demander si la Chine ou l'Inde ont
pesé leurs déclarations et leurs actions
à hauteur de leurs responsabilités”. En
Inde, on plaide que la position du pays avait été
clairement affichée dès le
début : “On ne peut pas remettre en
question le niveau de vie des petits exploitants”. L' agence Chine nouvelle
reproche à Washington et Bruxelles de ne pas s'
être opposés à leurs lobbies et d'
avoir exercé des pressions sur les pays pauvres pour qu'ils
réduisent leurs taxes à l'importation et s'
ouvrent aux banques et assureurs occidentaux : “Cet
égoïsme et cette politique à courte vue
a provoqué l'échec des négociations de
l'OMC, ce qui aura de nombreuses conséquences", y compris
sur d' autres négociations portant par exemple sur le
changement climatique ou la hausse des prix de l'alimentation ou du
pétrole.
Premier effet
immédiat : les agricultures
subventionnées des pays riches, vont être les
principales bénéficiaires du maintien du statu
quo..., jusqu'
à ce que de nouvelles tractations conduisent à y
mettre fin.
Second effet, et c' est un point sur lequel tous
convergent : il s' agit d' une défaite du
multilatéralisme ; et la recherche d' accords
bilatéraux, déjà largement
engagée par Washington et Pékin, va
connaître un nouvel essor.
Mercredi 30 juillet
2008
•••
Au
nom de Dieu
Avant-hier
s' achevait à Madrid la rencontre des
représentants des trois grandes religions
monothéistes ; en conclusion de leurs travaux, ils
ont appelé à combattre "les causes profondes du
terrorisme (...), un phénomène universel qui doit
être combattu sérieusement, de manière
juste et responsable, grâce à un effort
international commun". Mercredi, en ouvrant les travaux, le roi
Abdallah avait souligné : "Les tragédies
que nous avons connues n'ont pas été
causées par la religion mais par l'extrémisme de
certains croyants, dans toutes les religions et dans tous les
systèmes politiques".
Certes. Mais ne devrait-on pas
alors attendre des musulmans modérés, des
chrétiens pondérés et des juifs
raisonnables qu' ils soient au premier rang pour contrer ou combattre
les islamistes terroristes, les chrétiens semeurs de haine
et de guerres et les partisans fanatiques du Grand
Israël ?
Quelques jours plus tôt, rapporte le Monde, un
groupe de 22 Sud-Africains, défenseurs des droits de
l'homme, membres de l'ANC (African national Congress), sillonnait les
territoires occupés de Cisjordanie. Parmi eux, Andrew
Feinstein, ancien député de l'ANC, Sud-Africain
et juif, a été particulièrement
choqué ; ayant vu à Hébron
des colons insulter les Palestiniens et leur jeter des pierres, mais
aussi s' en prendre à sa délégation,
il s' interroge : "Comment, au nom du judaïsme,
peut-on se comporter de cette manière ? Comment peut-on
transformer en ville fantôme un quartier
commerçant arabe pour protéger quelques centaines
de colons ?" Et, après avoir vu ce que les
Palestiniens appellent le "mur de l'apartheid", il
commente : "Je comprends parfaitement la peur des juifs, mais
elle ne peut justifier ce qui se passe", avant d'ajouter : "Et je
trouve très triste que cela se fasse au nom du
judaïsme".
Comme une
bouffée d' air frais d' humanisme...
L' humanisme - avec ou sans dieux - viendra-t-il à
bout du terrorisme ? Ce qui impliquerait, comme l' a
souligné la rencontre de Madrid, de s' en prendre
à ses causes profondes : et, plus
précisément, aux causes profondes de l'
écho positif qu' il trouve en certaines circonstances dans
certaines populations.
Dimanche 20 juillet
2008
•••
Le
Trésor US au secours de Freddie et de Fannie
Hier,
le Trésor américain et la Réserve
fédérale prenaient des mesures d' urgence pour
sauver les deux géants du refinancement du
crédit : Freddie Mac et Fannie Mae - qui
détiennent ou garantissent à eux deux
45 % de l'en cours actuel des prêts immobiliers aux
États-Unis, soit 5 300 milliards de dollars - et
dont on ne peut ignorer les liens avec les
intérêts de la famille Bush. Aujourd' hui, le
président Bush monte au créneau :
reconnaissant qu' il n' est pas économiste, mais se
prévalant de son optimisme, il souligne que l'
économie américaine est toujours en croissance et
que les fondamentaux à long terme sont bons... Sauf qu' avec
ses allégements d' impôts et ses guerres, il a
creusé les deux déficits - budgétaire
et extérieur, accentué l' endettement
extérieur et laissé se gonfler les avoirs en
dollars : des facteurs qui contribuent à affaiblir
le dollar, à nourrir la spéculation sur tous les
marchés (monétaires, financiers,
pétroliers, des matières premières et
des produits de base alimentaires) et à créer des
foyers inflationnistes. Où l' on retrouve les principales
manifestations de la crise en cours, plus l' inflation - que va encore
alimenter l' ouverture à tout va de crédits pour
sauver des institutions bancaires et financières en
difficulté.
Finalement la mise
en cause des États-Unis par Medvedev (billet du 7
VII) était très retenue : car de
même que l' expédition et la victoire
éclair de Bush en Irak ont contribué à
déstabiliser le Moyen-Orient, de même son action
en matière économique a sérieusement
aggravé les déséquilibres de l'
économie mondiale.
Mardi 15 juillet 2008
•••
Dérèglements
et dissensions
Dérèglements
des marchés - immobiliers, financiers,
monétaires, des produits énergétiques,
des matières premières et des denrées
alimentaires de base... ; dissensions sur les politiques
à mener pour éviter les désastres d'
un changement climatique annoncé : le
34ème sommet des pays industrialisés avait
abondance de grain à moudre. Réuni du 7 au 9
juillet à Toyako sur l' île d' Okkaido, il s'
était élargi en invitant, pour des sessions
spéciales, les représentants des cinq grands pays
dits “émergents” et de 7 pays africains.
Cette éminente rencontre a une fois de plus mis en
lumière la tragique incapacité des dirigeants des
grandes puissances : incapacité à
répondre aux urgences des populations des pays les plus
pauvres (pour l' Afrique, le G8 a tout bonnement
réitéré ses promesses - non tenues -
de l' an dernier) ; incapacité à
esquisser les grandes lignes d' une stratégie face
à la crise mondiale dont les soubresauts des
marchés ne sont que des symptômes ;
incapacité à dégager une ligne d'
action pour conjurer la menace qu' engendrent nos excessives
émissions de gaz à effet de serre.
C' est pourtant sur ce point que le sommet s' est
crédité d' une avancée. Jugez
en : les huit pays industrialisés s'
étaient l' an dernier engagés à
“considérer sérieusement” une
réduction d'au moins 50 % des émissions
d'ici à 2050 ; cette année ils se
déclarent prêts à “chercher
à partager avec toutes les parties à la
Convention de l'Onu sur les changements climatiques un objectif de
réduction d'au moins 50 % des émissions
mondiales de gaz à effet de serre d'ici à
2050”. Qu' il s' agisse de “considérer
sérieusement” ou de “chercher
à partager”, on est loin de clairs engagements. En
outre, pour les pays industrialisés, la réduction
de 50 % est, selon les experts, un objectif très
insuffisant ; de leur côté, les pays
émergents du G5 (Chine, Inde, Afrique du Sud,
Brésil, Mexique) ont, dans un communiqué commun,
jugé “essentiel que les pays
développés montrent la voie et
réduisent en 2020 leurs émissions de gaz
à effet de serre (…) d'au moins 25 à
40 % par rapport à leur niveau de 1990 et en 2050
de 80 à 95 %”.
Or, il y a quelques jours, Rajendra Pachauri, prix Nobel de
la paix 2007 pour son action comme président du Groupe
intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat
(Giec), déclarait au Monde
à l' occasion de son invitation devant le Conseil
informel des ministres de l'environnement et de l'énergie de
l'Union européenne : “Pour contenir la
hausse des températures en deçà de
2 °C-2,4 °C, qui est selon nos
travaux la ligne à ne pas franchir pour ne pas se mettre
gravement en danger, il ne nous reste que sept ans pour inverser la
courbe mondiale des émissions de gaz à effet de
serre. C'est très peu”.
Ainsi, le
réseau international de chercheurs chargé par l'
Onu d' analyser et d' évaluer l' évolution du
climat réitère ses alertes. La
réaction du G8 est une nouvelle fois d'
éluder : un peu comme si, averti que le
bâtiment file droit sur un iceberg, le bureau des officiers
faisait répondre : “nous envisageons d'
essayer de venir voir” : simplement parce que le
commandant ne veut pas être dérangé
avant la fin de sa partie de bridge. Ici, c' est parce que Bush le
second veut finir sa présidence sans avoir
accepté de lier son pays par un nouvel engagement
international.
Jeudi 10 juillet
2008
•••
La
Russie hausse le ton
Dépêche
de l' AFP. Dans son discours
d'ouverture au 12e Forum économique de
Saint-Pétersbourg, le président russe Dmitri
Medvedev a critiqué "l'illusion qu'un pays, même
le plus puissant au monde, puisse jouer le rôle de
gouvernement global". Devant des milliers d'hommes d'affaires
russes et étrangers, il a enfoncé le
clou : “C'est précisément le
fait que le rôle des États-Unis dans le
système économique mondial ne correspond pas
à ses capacités réelles qui a
été une des principales raisons de la crise
actuelle... Cela montre la nécessité de
réformes...”. Des réformes qui feraient
à la Russie la place qui lui revient :
“La Russie est un acteur mondial qui est conscient de sa
responsabilité pour le sort du monde. Nous voulons
participer à la formation des règles du jeu, pas
en raison d'ambitions impériales, mais parce que nous sommes
conscients de notre responsabilité et que nous
possédons des ressources”.
Il y a une
quinzaine d' années, dans la foulée de l'
effondrement de l' Union soviétique, des
“experts” ultra-libéraux
américains ont prescrit à Moscou une
thérapie propre à briser l' économie
russe. Poutine a bloqué cette spirale et suscité
un redressement, tandis que Bush, avec sa prétention de chef
de guerre doublée de choix rétrogrades en
matières énergétique,
écologique et économique, menait la puissante
économie américaine sur une voie de garage. L'
Europe - Pénélope occupée à
défaire ce qu' elle tente de faire - n' en profite
guère ; mais la Russie et la Chine - et
à un autre niveau l' Iran et le Venezuela - tentent, chacune
(et chacun) à sa manière, d' en tirer avantage...
Lundi 7 juillet 2008
Haut

Plantes et bêtes
s'adaptent
Le
début de la hausse des températures a
commencé à perturber le vivant : deux
articles du Monde
en témoignent.
Le premier, “Les plantes forestières grimpent avec
la température, rend compte d' une étude
(publiée par Science)
menée sur 171 espèces
végétales dans les six principaux massifs
montagneux français : il s' en dégage
que, depuis quelques décennies, “les plantes
forestières montent en altitude, pour retrouver des
conditions favorables à leur développement.
Le second, Le réchauffement climatique
raconté par les oiseaux, explique : “Le
phytoplancton est parti le premier. Parce que les eaux de la mer du
Nord s'étaient réchauffées d'un petit
degré, ces micro-organismes marins ont subitement
migré vers des fonds plus rigoureux. Le zooplancton l'a
suivi. Et puis dans leurs sillages, on a vu s'en aller le
lançon, ce "poisson-fourrage" fin et longiligne dont se
nourrissent les gros poissons et les oiseaux marins (...). En 2006,
dix-huit ans après (la) mise en place (du programme Stoc -
Suivi temporel des oiseaux communs), on constate que les
communautés d'oiseaux se sont
déplacées de 124 km vers le nord ! (...) Les
oiseaux sont des alarmes qui ne cessent de se déclencher.
C'est l'hirondelle qui n'annonce plus le printemps parce qu'elle
préfère passer l'hiver dans son
étable, la cigogne qui s'est en grande partie
sédentarisée, c'est l'échasse blanche
qui s'implante au nord de la Loire et le héron
garde-bœuf, pensionnaire de Camargue, qui batifole
aujourd'hui en baie de Somme…”.
Comme les humains,
les plantes et les bêtes s' adaptent face aux premiers effets
du début du réchauffement climatique. Mais si la
puissante machine climatique se dérègle ou s'
emballe, il ne sera plus question d' adaptation : ce sera un
sauve-qui-peut généralisé. C' est
pourquoi il faut tout faire pour ralentir le changement climatique. C'
est pourquoi aussi il est criminel de laisser, par facilité
ou par intérêt, ce changement s' amplifier (v. billets des 9 et 25
VI).
Samedi 28 juin 2008
•••
Vingt ans
déjà...
Le 23 juin 1988, James E. Hansen, 47 ans, climatologue
à la Nasa, déclarait devant une commission du
Congrès des États-Unis être certain
à “99 %” que le climat
terrestre était entré dans une période
de réchauffement provoqué par les
activités humaines. Il demeura longtemps un
“mouton noir”, au moins pour les
autorités scientifiques et politiques.
Lundi dernier, 23 juin 2008, directeur du NASA
Goddard Institute for Space Studies, il s' exprime
“à titre personnel” devant la commission
de l' indépendance énergétique et du
réchauffement terrestre de la Chambre des
Représentants (http://www.columbia.edu/jeh1/2008/TwentyYearsLater_20080623.pdf).
Il constate d' emblée qu' il y a toujours un vaste
fossé entre ce qui est compris au sujet du
réchauffement terrestre par la communauté
scientifique compétente et ce qui est connu par les
décideurs politiques et le grand public". Mais il n' est
plus temps de tergiverser : le prochain président
et le Congrès devront faire en sorte que les
États-Unis exercent un “leadership à la
mesure de (leur) responsabilité dans la dangereuse situation
actuelle”. Sinon, il deviendra impossible de
maîtriser les processus engendrés par nos
émissions de gaz à effet de serre et donc d'
éviter de désastreux changements climatiques.
Car, insiste-t-il dans son intervention, “les
éléments d' un véritable ouragan, d'
un cataclysme planétaire, sont réunis :
il pourrait provoquer des centaines de millions de
réfugiés et affecterait gravement et pour de
très longues durées les espèces
vivantes et la biodiversité.
Puis Hansen accuse accuse : “Les
changements nécessaires pour sauvegarder la
création, la planète sur laquelle s' est
épanouie la civilisation, sont clairs. Mais ils ont
été bloqués par des
intérêts particuliers focalisés sur des
profits de court terme. Il insiste : Des
intérêts particuliers ont bloqué la
transition vers l' avenir que peut nous assurer l' énergie
renouvelable. Au lieu d' aller massivement vers les énergies
renouvelables, les firmes fossiles ont choisi de répandre le
doute sur le réchauffement terrestre, comme les firmes du
tabac avaient dénié le lien entre l' acte de
fumer et le cancer (...). Les dirigeants des firmes de l'
énergie fossile savent ce qu' ils font et ils sont
conscients des conséquences à long terme de leur
choix de poursuivre, comme si de rien n' était, cette
activité. À mon avis, ces dirigeants devraient
être jugés pour crimes, des crimes contre l'
humanité et la nature.
Observant que la condamnation des dirigeants d' ExxonMobil ou
de Peabody Coal ne nous apportera aucune consolation si nous
transmettons à nos enfants un climat
déréglé, Hansen souligne l'
extrême urgence d'agir radicalement ; il
préconise notamment la taxe sur le carbone - sur le charbon,
le pétrole et le gaz” - et la mise en
œuvre massive et largement dispersée des
énergies renouvelables. Il demande que son pays s' engage
immédiatement dans cette voie, avec la conviction que les
autres pays, la Chine et l' Inde notamment, comprendront rapidement qu'
ils ont eux aussi intérêt à
réduire leur dépendance à l'
égard des combustibles fossiles.
Puisse-t-il
être mieux entendu qu' il y a vingt
ans. Puissent les mesures qu' il préconise et l' ensemble de
celles qui vont dans le même sens être
très rapidement et très résolument
mises en œuvre. Car il ne nous reste plus qu' un bref
créneau temporel pour agir si nous voulons ne pas nous
laisser prendre dans une spirale fatale.
Mercredi 25 juin 2008
•••
Une menace
planétaire ?
Vu hier au cinéma The Happening - Phénomènes
- de Night Shyamalan. Une épidémie de suicides
frappe de grandes cités américaines ;
ceux qui le peuvent tentent de s' en éloigner. Mais l'
épidémie touche les moyennes, puis les petites
villes ; elle frappe les groupes qui fuient sur les routes et
les chemins. La caméra suit à travers des
épisodes tragiques un drame familial et quelques destins
individuels. Au fil du temps, bien des hypothèses sont
avancées pour expliquer cet inexorable
fléau : attaque menée par des
terroristes, une puissance étrangère ou des
extra-terrestres, effet d' une fuite radioactive ou chimique, suite
catastrophique de l' essai d' une nouvelle arme psycho-physiologique...
Comme elle avait commencé, la menace s' affaiblit
puis s' éteint : sans signes ni raisons. Lors d' un
débat télévisé, un
scientifique rappelle que tous les foyers de l'
épidémie sont nés à la
suite de forts coups de vent qui agitaient hautes herbes, buissons,
branches et arbres ; il évoque la
capacité qu' ont certaines plantes d' émettre des
substances qui écartent, affectent et parfois empoisonnent
leurs prédateurs ; et il émet cette
hypothèse : “Peut-être, les
hommes ont-ils trop porté atteinte au Vivant ;
peut-être, les plantes se vengent-elles...; ce peut n'
être qu' un avertissement...; à moins que ce soit
le début de...”. Dans une séquence
ultérieure, le même vent, insolite sous le ciel
bleu de Paris, se met à souffler sur les arbres des
Tuileries.
Dans Terre
Mère, Jean Malaurie, découvreur
devenu ensemble savant et Inuit, inlassable défenseur du
Grand Nord, s' inquiète de la “mondialisation
sauvage” et d' un “développement
désordonné” qui s' annonce comme
“dévastateur” : “La
Terre souffre. Notre Terre Mère ne souffre que trop. Elle se
vengera. Et déjà les signes sont
annoncés”. Au début de ce mois, le
biologiste québécois Jean Lemire rapportait dans La Presse les
propos du glaciologue Roy Koerner qui, se situant dans la
très longue durée, relativisait à sa
manière le caractère dramatique du
réchauffement en cours : “Pour nous, pour
les animaux, pour les écosystèmes, bien
sûr [c' est dramatique]. Mais pas pour la planète.
Elle survivra.
Entre ces deux perspectives inquiétantes - la
vengeance du Vivant ou son extinction - j' en vois une
troisième : recourant à l'
extrême puissance que lui confère la
maîtrise de la technoscience, la nouvelle oligarchie mondiale
va accentuer la mise en coupe réglée de la Terre,
systématiser les manipulations du Vivant et durcir pressions
et répressions sur les milliards d' humains dont les
aspirations menacent l' opulence dont elle jouit.
Dimanche 15 juin 2008
•••
Monsanto
Bayer BASF and Co
“Monsanto,
Bayer, BASF, Syngenta et d'autres firmes ont
déposé 532 brevets sur des séquences
génétiques favorisant l'adaptation au changement
climatique”, rapporte le Monde
sur la base de travaux d' un collectif de chercheurs
indépendants basés à Ottawa - ETC Group, Action Group on
Erosion, Technology and Concentration. Monsanto et BASF,
qui détiennent 49 % de ces brevets, avaient
annoncé en mars 2007 un partenariat de 1,5 milliard de
dollars - «probablement le plus grand accord privé
de recherche jamais enregistré», selon ETC Group - pour
développer “des plantes résistantes
à des conditions climatiques néfastes”.
Pour les
indécrottables négateurs des aspects
inquiétants des mutations en cours - qui se targuent d'
optimisme - cela montre que des firmes sérieuses se
préoccupent de l' avenir. Pour les incorrigibles inquiets -
que les premiers taxent de pessimisme - cela constitue un
très funeste symptôme. D' abord, en une
période où l' humanité s' efforce de
se mobiliser pour limiter le réchauffement climatique, ces
firmes anticipent l' échec de cet effort. Ensuite, ces
firmes, dont les activités chimiques contribuent
substantiellement à l' accentuation de l' effet de serre,
vont être encore moins motivées pour
réduire leurs émissions de gaz nocifs :
car cela contribuerait à affaiblir leurs chances de
rentabiliser leurs investissements dans ces nouvelles technologies des
“séquences génétiques
favorisant l'adaptation au changement climatique”.
Ainsi, les firmes capitalistes peuvent développer
leurs activités et faire des profits, aussi bien dans des
stratégies d' amélioration de la situation de la
planète qu' en jouant la carte du pire : celles qui
choisissent la seconde voie devraient être traduites en
justice.
Lundi 9 juin 2008
•••
Méduses
proliférantes
Prolifération
massive de méduses sur les côtes de
différentes mers et d' océans. La
conjonction de la destruction de leurs prédateurs - les
tortues, notamment - et du réchauffement
planétaire en est probablement la cause. Ce
phénomène nuit évidemment au tourisme
de bord de mer, ce qui expliquerait que je n' aie pas
réentendu cette information ; la ville de Cannes,
précisait-elle, aurait déjà
protégé deux de ses plages par des filets
anti-méduses. Mais il y a plus : des myriades de
ces êtres diaphanes, urticants et voraces ont
attaqué des élevages industriels de
poissons ; l' eau était rouge de sang a
rapporté un témoin : un thème
porteur pour une nouvelle série de films d'
épouvante, mais une vraie menace pour le
développement de l' aquaculture,
présentée comme l' incontournable
réponse à l' épuisement de la
ressource halieutique...
Nous
commençons à prendre conscience des
différents maux dont nous avons contaminé notre
planète. Aux uns et aux autres nous consacrons des
journées, des colloques, des campagnes, des commissions ou
des comités d' experts. Mais nous répugnons
à reconnaître que c' est dans un
système ultrasensible et complexe que nous effectuons depuis
trop longtemps des prélèvements toujours
croissants et que nous diffusons à doses massives, avec nos
activités et nos déchets, des substances
(biologiques, chimiques, radioactives, etc.) à longue
durée d' efficacité. Au delà des
effets visibles, d' autres imprévisibles se
préparent ; les solutions que nous projetons vont
se heurter à de nouveaux obstacles ou aggraver d' autres
maux : car au lieu d' un patient travail de soins attentifs
menés en tenant compte de la diversité des
écosystèmes, nous nous en remettons, comme
à une Nouvelle Providence, aux remèdes
impulsés par la synergie des Très Grandes Firmes,
des États et des Bidouilleurs de Technoscience ;
des remèdes une nouvelle fois porteurs d' effets
destructeurs immaîtrisables...
Samedi 7 juin 2008
•••
Les plus pauvres,
dépérir tu laisseras...
850 millions d' humains souffrent de sous-alimentation ; la
récente hausse des prix alimentaires affecte gravement 150
millions d' autres : un milliard d' humains manquent de
vivres. Dans trop de pays de l' ex-tiers monde, les agricultures
vivrières ont été
démantelées par les effets conjugués
des politiques menées au nord et au sud. Espoir :
le sommet de la FAO se réunit à Rome ;
une cinquantaine de chefs d' État et de gouvernement sont
présents.
Après d'âpres débats, la
déclaration finale reprend benoîtement les
conclusions des sommets sur l'alimentation de 1996 et 2002 :
«atteindre la sécurité
alimentaire» et «réduire de
moitié le nombre de personnes sous-alimentées
pour 2015 au plus tard». Elle appelle la
communauté internationale «à poursuivre
ses efforts en matière de libéralisation des
échanges internationaux de produits agricoles, en
réduisant les obstacles au commerce et les politiques qui
sont à l'origine de distorsions des
marchés». Les États-Unis et le
Brésil ayant vigoureusement défendu les
agrocarburants, le sommet se borne à appeler, avec prudence,
à «des études approfondies»
sur cette nouvelle forme d'énergie.
Interviewé par le Monde, Jean Ziegler s'
indigne : ancien rapporteur de l'Onu sur le droit à
l'alimentation, aujourd'hui membre du comité consultatif du
conseil des droits de l'homme des Nations unies, il aurait
souhaité trois chose : “l'interdiction
totale de brûler de la nourriture pour en faire des
biocarburants : que soit retirée à la
Bourse la fixation des prix des aliments de base ; et que
“les institutions de Bretton Woods (...) donnent la
priorité absolue dans les pays les plus pauvres aux
investissements dans l'agriculture vivrière, familiale et de
subsistance”. Il met en cause les États-Unis et
leurs alliés, “dix sociétés
multinationales (qui) contrôlent actuellement 80 % du
commerce mondial des aliments de base” et le
secrétaire général des Nations unies,
dont les propositions ont été très
insuffisantes.
Pour lui, ce sommet est un “échec total
(... et) le résultat de cette
conférence est totalement scandaleux :
l'intérêt privé s'est
imposé, au lieu de l'intérêt collectif.
Les décisions prises à Rome risquent d'aggraver
la faim dans le monde, au lieu de la combattre”.
Pendant
des décennies, la plupart des dirigeants des pays riches ont
obstinément résisté à la
pressante obligation de consacrer 1 % - rapidement rabattu
à 0,7 % - du produit de leur pays à l'
aide publique au développement ; non seulement
leurs aides ont été insuffisantes, mais elles ont
le plus souvent négligé l' immense potentiel que
représentent les paysanneries. Aujourd' hui, la situation s'
est dégradée dans de larges parts du monde rural,
un milliard d' humains vivent dans des bidonvilles, on n' a
guère progressé vers la réduction de
la pauvreté dans le monde : des aides d' urgence ne
suffiront pas à renverser ces tendances.
À se demander si famines et sous-nutrition ne sont
pas, pour certains dirigeants mondiaux, des moyens de freiner la
croissance démographique.
Incroyable, impensable, improuvable, diront certains. En
tout cas, inavouable, et nul ne démentira.
Vendredi 6 juin 2008
•••
La démocratie
dévoyée
Lequel de nos éditeurs
français qui ne cessent de se répandre en
plaintes et geignements à propos de la crise du livre de
sciences humaines aurait accepté le projet de cet
ouvrage ? Pensez donc : un volume de 672 pages, dont
66 de notes, 28 d' index et 8 de remerciements ! Un ouvrage
dont le titre - La
Stratégie du choc - et le sous-titre - La montée du
capitalisme du désastre - risquent de
heurter trop de sensibilités. Un livre dans lequel
l' auteure, Naomi Klein, traite dans un même
mouvement de la CIA et de l' école de Chicago, de
la torture et des ravages de l' extrême
libéralisme, de l' Indonésie, du Chili, de la
Russie et de l' Irak, de Milton Friedman, des présidents
Bush et de leurs redoutables entourages.
Ainsi, la doctrine du choc et la mise en œuvre d'
une violence aux multiples formes ont largement sous-tendu tant les
stratégies internationales de plusieurs
présidents républicains - du coup d'
État contre Allende à l' invasion de l' Irak -
que leurs politiques menées dans leur propre pays - des
privatisations (de la santé, de l' enseignement, de la
sécurité...) à la
systématique exploitation de la menace, du
désastre et de la peur, après le 11 septembre
comme après l' ouragan Katrina.
On ne peut, hélas, en parler au passé.
Selon le Guardian
et d' autres, au moins 17 bateaux-prisons sont encore en
activité dans le monde pour permettre aux services
américains de garder en détention et soumettre
à leurs questions, à l' abri de tout
contrôle judiciaire ou autre, un intarissable flot de
suspects-terroristes. Ils seraient encore 26 000 à
être détenus dans des prisons secrètes,
dans lesquels plus de 80 000 auraient transité
depuis 2001.
Ce
qui ôte toute légitimité au
président Bush et à ses séides pour
prôner la Démocratie et les Droits de l' homme de
par le monde. Et ce qui, par contrecoup, affecte la
crédibilité de l' ensemble des dirigeants de pays
démocratiques demeurés muets face à
ces dérives mafieuses.
Mardi 3 juin 2008
•••
Résolutions
et voeux pieux
Vendredi
dernier, à Dublin, les représentants de 111 pays
ont adopté un projet de traité interdisant les
bombes à sous-munitions et prévoyant la
destruction d'ici huit ans de ces armes - dont on sait les ravages qu'
elles font dans les populations civiles, notamment parmi les enfants,
longtemps après la fin des conflits. Un
bémol : les principaux fabricants de ces armes -
États-Unis, Russie et Chine - n'ont pas participé
à cette négociation.
Le même jour, à Bonn, s'
achevait la conférence des Nations unies sur la
biodiversité. Selon l' économiste indien, Pavan
Sukhdev, “l'appauvrissement biologique coûterait
2 000 milliards par an, soit 6 % du produit brut
mondial. L'urbanisation, la standardisation des pratiques agricoles, la
pollution, la prolifération d'espèces
envahissantes introduites par les échanges commerciaux, le
changement climatique enfin, sont les principales causes du
phénomène, rapporte le Monde. Quelques
timides avancées ont été
esquissées : un mécanisme de financement pour les
aires protégées, la mise en place d' un groupe
international d' experts de la biodiversité, la
préparation d'un traité international sur
l'utilisation des ressources génétiques, trop
souvent encore pillées par de grandes firmes dans des pays
pauvres...
Pendant ce temps,
la biodiversité se réduit (voir billet du 16 mai)
- ce qui n' a pas empêché la conférence
de réaffirmer l' objectif fixé à Rio
en 1992 de freiner d'ici à 2010 le rythme de disparition des
espèces et des écosystèmes :
un vœu aujourd'hui irréalisable, qu' il est
inconvenant et vain de réitérer comme si de rien
n' était.
Lundi 2 juin 2008
Haut

La faute au
système ?
Après
l' émission Terre
à terre de ce matin, j' écris
à Ruth Stegassy.
Nos communes préoccupations pour le devenir de la Terre, du
Vivant et des sociétés humaines et notre commune
obstination à contribuer à élargir et
approfondir la prise de conscience des périls et des enjeux
m'incitent à vous mettre ce mot - en partie à la
suite de votre émission de ce matin.
Certes, il faut dénoncer le "système", le
libéralisme, la spéculation, la pression
financière, l'inertie des politiques, l'enlisement
démocratique, l'ambivalence des technologies, etc. Certes,
il est bon de mettre en lumière et valoriser les actions,
réalisations et techniques s'inscrivant dans un dialogue
avec la nature, les luttes contre ce qui la détruit ou la
menace, les contestations et les révoltes.
“Mais d'année en
année la situation s'aggrave, les processus
s'accélèrent : de plus en plus, nous nous
heurtons à des limites qui restreignent nos choix ; et les
prédicateurs d'un développement durable "cool"
(obtenu sans efforts, ni remises en cause, ni sacrifices) font obstacle
à la nécessaire prise de conscience.
“Or nous sommes confrontés à
une situation marquée par :
- les fragilités de la Terre et du Vivant face à
nos capacités productives et notre puissance
technoscientique ;
- des inégalités abyssales, insupportables dans
un monde où se généralise la
nécessité d'acheter pour vivre ;
- une exceptionnelle concentration du pouvoir dans quelques grands
Etats et une constellation mouvante de puissances
économiques et financières ;
- et, last but not least, le fait que dans les
sociétés riches la consommation est devenue
à la fois le premier mobile des individus
et le principal ciment social.
“D'où l'engrenage fatal dans lequel nous sommes
entraînés :
- avec l'incessante création de besoins et de biens pour les
détenteurs de pouvoir d'achat, alors que le
nécessaire vital est loin d'être assuré
pour des multitudes ;
- avec les transformations en cours dans les pays émergents
qui vont rapidement conduire au doublement (de un à deux
milliards) du nombre de "consommateurs modernes" dans le monde ;
- avec des "avancées" technologiques conduites non en
fonction des urgences de la Terre et du monde, mais des besoins
solvables des détenteurs de pouvoir d'achat ;
- et finalement avec, malgré les mesures et les efforts en
sens inverse, plus de prélèvements, plus de
pollutions, plus de dégradations (des sols, des eaux, des
océans), plus d'espèces vivantes
menacées...
“C'
est pourquoi :
1/ Est désormais nécessaire une
stratégie nationale/ mondiale pour faire face aux urgences
du monde en assurant la convalescence de la Terre : y
transférer progressivement les ressources actuellement
consacrées à l'armement pourrait être
rendu possible grâce à une politique plus active
pour la paix. La Terre et l'Humanité ne sont-elles pas en
danger ?
2/ Si l'on veut stopper l'engrenage, il ne suffit pas de s'en prendre
au "système", au libéralisme,
à la spéculation, à la finance et aux
politiques ; il nous faut apprendre à nous
débarrasser de notre conditionnement de consommateurs en
quête de "toujours plus, toujours nouveau", laisser
s'épanouir d'autres motivations pour la vie en
société et travailler à
l'émergence d'une frugalité
post-moderne...”
Samedi 17 mai 2008
•••
Destruction massive d'
espèces
Publié
avant la prochaine convention de l'ONU sur la biodiversité,
une étude réalisée par la
Société zoologique de Londres en collaboration
avec le Fonds mondial pour la nature (WWF) permet d' estimer que la
faune mondiale - poissons, amphibiens, reptiles, oiseaux et
mammifères - a diminué de plus d' un quart
(27 %) entre 1970 et 2005. “La pollution,
l'agriculture, l'expansion urbaine, le recours excessif à la
pêche et à la chasse, sont les raisons
citées pour expliquer cette tendance”, rapporte l'
AFP
qui précise que “les êtres humains
consomment chaque jour plus de ressources naturelles, et(...) utilisent
25 % de plus que ce que la nature peut remplacer”.
Il y a 16 ans, au sommet de la Terre de Rio, la biodiversité
avait été retenue, avec le climat et la
désertification, comme une des trois priorités
pour notre planète ; et la Convention des Nations
unies sur la diversité biologique, adoptée lors
de cette conférence fixait comme objectif d' en ralentir la
dégradation dès le début du
XXIème siècle.
Avidité,
irresponsabilité, acratie ont balayé les bonnes
intentions.
Vendredi
16 mai 2008
Haut

America
über alles ?
La CIA
serait autorisée à contourner le droit
international, “Torture: ‘la loi peut
être violée' (USA), États-Unis - La CIA
fait fi du droit international”, titrent respectivement le
Monde, le Figaro, et le Devoir. Tous trois tirent leurs informations du
New York Times et du Washington Post.
L'été dernier, le président Bush avait
publié un décret selon lequel la CIA devait
respecter les conventions internationales sur le traitement des
détenus. Mais le mois dernier, il a opposé son
veto à un texte visant à interdire à
la CIA de recourir à des méthodes
d'interrogatoire susceptibles d' être
considérées comme de la torture, telle que la
simulation de noyade. Différents courriers ont alors
été diffusés par le
département de la justice, dont certains ont
été rendus publics par les services d' un
sénateur démocrate : dans une lettre
datée du 5 mars, Brian Benczkowski, assistant de l'Attorney
général, précise que “le
fait qu'une action soit entreprise pour prévenir une menace
d'attaque terroriste, plutôt que [par] volonté
d'humiliation ou d'abus, devrait être relevé par
un observateur raisonnable pour mesurer le caractère
outrageux de cette action”. En clair : dans le cadre
de la lutte contre le terrorisme, des agents pourraient, sans crainte
d' être mis en cause, recourir à des
méthodes prohibées par des conventions
internationales.
Incorrigible
Bush. Jusqu' au bout il aura biaisé, rusé pour
que les USA, leurs troupes et leurs agents demeurent au dessus de la
loi internationale.
Dimanche 27 avril 2008
•••
Lula
contre Ziegler
"Le vrai
crime contre l'humanité serait de rejeter a priori les
biocarburants, et de laisser les pays étranglés
par le manque de produits alimentaires et d'énergie dans la
dépendance et l'insécurité", telle est
la réponse de Luiz Inacio Lula da Silva,
président du Brésil, à Jean Ziegler,
rapporteur spécial des Nations unies pour le droit
à l' alimentation, qui a osé, dans le contexte de
la crise alimentaire, associer biocarburants et crime contre l'
humanité. C' est que le Brésil est le
deuxième producteur mondial de
biocarburants après les Etats-Unis.
Pourtant Ziegler
avait eu la prudence de ne mettre en cause que les Etats-Unis
(v. mon “billet” du 14 avril). Mais le
monde entier a compris qu' il dénonçait un
processus par lequel l' alimentation des véhicules en
agrocarburants se ferait au détriment de l' alimentation des
populations pauvres de la planète. En outre, au
Brésil même, des mouvements paysans ont
commencé à poser ce problème. Alors
Lula a vu rouge.
Jeudi 17 avril 2008
•••
De nouvelles vues sur l'
agriculture ?
En lisant le
Monde et Swissinfo.ch. Travaillant dans une démarche
analogue à celle du Giec pour l' examen du
problème du changement climatique, un groupe
réunissant plus de 400 experts internationaux a
travaillé sur l' Evaluation internationale des sciences et
technologies agricoles au service du développement (Eistad).
Son travail, soutenu par la banque mondiale et la FAO, a
débouché sur un rapport qui a
été approuvé le 12 avril,
à Johannesburg, par les représentants de 59
gouvernements ; les États-Unis, le Canada et
l'Australie ont émis des réserves, notamment sur
le rôle insuffisant à leurs yeux,
accordé au marché et aux
biotechnologies ; des firmes multinationales comme Monsanto et
Syngenta s'étaient dissociées de ce travail.
Dégageant les lignes de force d' un rapport de
quelques 4 000 pages, le Français Michel Dodet, de
l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), souligne qu' il
propose une réorientation autour des savoirs locaux et
communautaires, afin de retrouver une autosuffisance alimentaire. On ne
peut pas jouer sur le seul facteur de la technologie”. Pour
l'agronome suisse Hans Rudolf Herren, le groupe a abouti
après quatre ans de travaux à la conclusion que
la production alimentaire actuelle n'est pas durable : Les
crises alimentaires vont augmenter tant qu'on poursuit sur la
lancée actuelle, prédit l'agronome. Nos
méthodes épuisent les sols et consomment trop de
pétrole. Le changement climatique accentue les
sécheresses et les inondations. Les politiques agricoles, le
commerce mondial libéralisé et les agrocarburants
défavorisent l'alimentation des plus pauvres. Aujourd'hui,
l'humanité grignote son capital-terre”.
“Il y a une ignorance collective sur l'interaction
entre l'agriculture et les systèmes naturels, estime Achim
Steiner, directeur du Pnue, et ceci doit changer”.
Hélas,
si l' on considère les immenses programmes de nouvelles
cultures chimico-génétiques lancés par
l' agrobusiness un peu partout dans le monde - souvent à l'
encontre des paysanneries locales - on a le sentiment que de puissantes
forces continuent à pousser l' agriculture dans la direction
avec laquelle le rapport et ses auteurs nous invitent à
rompre...
Mercredi 16 avril 2008
•••
Crime contre l' humanité
En lisant Libération
et Reuters :
face aux émeutes de la faim (voir mon "billet" du 11 ), Jean
Ziegler, rapporteur spécial des Nations unies pour le droit
à l' alimentation, s' indigne : Quand le prix du
riz flambe de 52 % en deux mois, celui des
céréales de 84 % en quatre mois, et
quand le prix du fret explose avec celui du pétrole, on
précipite 2 milliards de personnes sous le seuil de
pauvreté”. Il voit les responsabilités
principalement dans l' indifférence des maîtres du
monde, pays riches ou grands émergents. Les opinions
publiques s' offusquent-elles de la famine dans le nord de l' Inde,
comme il y a deux ans, ou des populations du Darfour ?. Et
il dénonce : Quand on lance, aux
États-Unis, grâce à 6 milliards de
subventions, une politique de biocarburant qui draine 138 millions de
tonnes de maïs hors du marché alimentaire, on jette
les bases d' un crime contre l' humanité pour sa propre soif
de carburant…”.
“Crime
contre l' humanité” : j'
espère que la formule va faire mouche.
Il y a longtemps que je pense et que je tente de faire admettre que
nombre de réalités de notre monde, couramment
acceptées, ont une dimension criminelle : des
revenus qui se chiffrent en millions de dollars (ou des fortunes en
centaines de millions ou en milliards de dollars), les excessifs
budgets consacrés aux courses aux surarmement, les sommes
consacrées et à faire vendre des
médicaments aux effets nocifs, des produits d' usage courant
dangereux pour la santé ou pour le vivant, des aliments,
nutriments et boissons nuisibles, des armes et des drogues... Et tant
que subsistent de par le monde ces capacités d' indignation
et de protestation, il reste permis d' espérer.
Il ne s' agit pas d' exclure toute production
d'agrocarburants à partir de végétaux,
mais d' en soumettre chaque forme à un double
examen : un bilan écologique de sa production et de
son utilisation (emprise sur les terres, émissions de gaz
à effet de serre, utilisation d' eau...) ; et un
bilan global humain, nécessaire dès lors que nous
arrivons à des limites dans l' utilisation des ressources
terrestres et que des arbitrages vont devoir être fait, dans
l' usage des céréales et la mise en
œuvre des terres, entre alimentation humaine de base,
élevage et production de carburant.
Et si cet arbitrage se fait essentiellement par le
marché, il dépendra du rapport des pouvoirs d'
achat : compte tenu des inégalités
actuelles, ce sera l' alimentation de base de multitudes humaines qui
sera sacrifiée.
Lundi 14 avril 2008
•••
La FAO s' alarme
“La facture
des importations céréalières des pays
les plus pauvres du monde” a augmenté de
37 % en 2006/2007 ; elle devrait augmenter de
56 % en 2007/2008 - de 74 % pour les pays d' Afrique
à faible revenu et déficit alimentaire -, s'
inquiète la FAO : Les prix du pain, du riz, du
maïs et de ses dérivés, du lait, de
l'huile, du soja et d'autres produits de base se sont
envolés ces derniers mois dans nombre de pays en
développement. Et cela, malgré les mesures
politiques prises (...)”.
D' où des émeutes de la faim en
Égypte, au Cameroun, en Côte d'Ivoire
(où les prix du riz ont plus que doublé), au
Sénégal (où les prix du blé
ont doublé), au Burkina Faso, en Éthiopie, en
Indonésie, à Madagascar, aux Philippines et en
Haïti, tandis qu' au Pakistan et en Thaïlande,
“l'armée a été
déployée pour éviter le pillage de la
nourriture dans les champs et les entrepôt”.
“La hausse est due à
l'envolée des cours internationaux des
céréales, des tarifs du fret et du prix du baril
de pétrole, explique la FAO ; elle estime
à un chiffre se situant entre 1,2 et
1,7 milliard de dollars les besoins de financements
supplémentaires requis pour mettre en œuvre les
programmes et projets dans les pays les plus affectés par la
flambée des prix des denrées
alimentaires : ces fonds “permettraient de procurer
des intrants et des biens aux agriculteurs pauvres contribuant ainsi
à doper la production alimentaire au cours de la prochaine
campagne agricole.
Il
est certes plus que temps de réhabiliter les cultures
vivrières et de soutenir les politiques visant une
autosuffisance pour les produits de base : que de
dégâts causés en ces domaines par l'
incurie de certains gouvernants, par les insuffisances de l' aide
publique au développement et par la concurrence de
denrées subventionnées du Nord ! Mais il
y a des pays en déficit alimentaire durable ; il y
à le gonflement des bidonvilles qui comptent aujourd' hui
plus d' un milliard d' habitants ; il y a des humains sans
ressources monétaires et dont des
céréales forment l' aliment principal, mis en
concurrence à travers les réseaux de
marchés avec de nouveaux consommateurs de volailles et de
viande d' Asie et, depuis peu, avec des automobilistes qui ont fait le
choix des biocarburants...
Si on n' y met le holà, notre monde va s'
installer dans une nouvelle barbarie.
Vendredi 11 avril 2008
•••
Des
courtiers performants
Une
dépêche de Reuters :
les 100 courtiers les plus performants du monde ont gagné en
2007 plus de 30 milliards de dollars. La palme revient à
John Paulson dont les gains sont estimés à 3
milliards : ayant en 2006 jugé probable une crise
immobilière aux Etats-Unis, il a misé sur
l'effondrement de produits financiers adossés aux
crédits immobiliers à risque. La crise a fait sa
fortune.
Avant-hier,
d' autres dépêches annonçaient que le
couple Clinton avait gagné près de 110 millions
de dollars entre 2000 et 2007 ; notamment grâce aux
revenus des livres qu' ils ont publiés (40 millions) et des
conférences que l' ex-président a
données (52 millions) : l' art de
rentabiliser une présidence glauque.
A l' autre
bout, d' innombrables humains survivent, tant mal que pire, avec moins
que rien... Les
pôles extrêmes du nouvel apartheid mondial.
Lundi
7 avril 2008
•••
Prix
alimentaires
En lisant
le Monde :
dans les villes africaines, les prix des denrées
alimentaires flambent ; de plus en plus de familles ne peuvent
plus suivre, les esprits s' échauffent, les
récriminations s' aigrissent ; certains se
rappellent qu' en octobre 2007 Jacques Diouf, directeur
général de la FAO avait craint qu' un tel
phénomène n' entraîne des
émeutes de la faim. Récemment, rappelle Radio Canada, le
Programme alimentaire mondial de l'ONU et l'Agence
américaine pour le développement international
ont dû réduire leurs aides aux populations qui
souffrent de la faim en Afrique, Asie centrale et Amérique
latine : leurs stocks sont insuffisants face à des
besoins croissants et, pour les reconstituer, il leur faudrait compte
tenu de la hausse des cours plusieurs centaines de millions de dollars.
Les prix du blé, du maïs et du riz, explique Radio Canada, ont
plus que doublé en raison de la demande grandissante de la
part des pays émergents et parce que nombre de produits
agricoles servent aujourd'hui à fabriquer de
l'éthanol et des biocarburants (... donc) à
nourrir les automobiles et camions”.
Des
multitudes touchées par la faim à travers l'
anonyme jeu du marché mondialisé : ni
responsables, ni coupables ?
Vendredi
4 avril 2008
•••
Du micro-crédit au
bien-vivre universel
Prix
Nobel de la paix 2006, infatigable promoteur du micro-crédit
reçu hier par le président Sarkozy, Muhammad
Yunus est ce matin l' invité de France Culture. Il
parle de ses succès avec le micro-crédit dans les
pays pauvres.
Très
bien !
Il explique que cela
peut aussi permettre de combattre la pauvreté dans les pays
riches.
Dans
certains cas, pourquoi pas ? Car le micro-crédit n'
est pas une panacée : c' est un outil qui donne une
chance de mettre un pied dans le système marchand
à ceux qui en sont exclus ; sans aucune garantie
qu' ils ne retombent dans une forme ou une autre de pauvreté.
Mais il y a plus. M.
Yunus évoque sa nouvelle vision : un
“nouveau capitalisme”, animé non par la
recherche du profit mais par la compassion et le sens social.
Là,
ça ne va plus du tout ; les définitions
du capitalisme sont diverses et variées mais toutes ont en
commun un point et c' est précisément
“la recherche du profit” ; alors un
capitalisme sans profit c' est de la poudre aux yeux pour le bon peuple
et de la bouillie pour les amateurs de pensée molle.
M. Yunus ne s' arrête pas
là. Il prône “l' éradication
de la pauvreté” : “Je veux que
chaque pays érige son musée de la
pauvreté, quand il aura éradiqué la
pauvreté à l'intérieur de ses
frontières. Cela semble fou, mais il est possible
d'éradiquer la pauvreté. Si nous le voulons tous,
on peut y arriver”, déclarait-il hier à
Métro
France.
Or
quiconque a quelque peu travaillé, ou tout simplement
réfléchi - sur les sociétés
humaines et leur histoire, l' économie marchande, le
capitalisme, l' espérance socialiste et ses
dévoiements - sait combien il est difficile de simplement
réduire durablement la pauvreté. Alors, annoncer
son éradication dans une période où
les inégalités s' accentuent dans presque tous
les pays, et atteignent un degré extrême dans le
monde, est irresponsable et trompeur. Y a-t-il un nom pour qui
sème de fallacieuses espérances ? Et n'
est-ce pas une grave faute de le faire quand on
bénéficie de l' aura du Prix Nobel de la
paix ?
Mardi 1er avril 2008
Haut

Obama et la question sociale
Ce matin, au 7-9 de France-Culture, l'
invité traite des États-Unis. Il revient sur le
discours de Philadelphie de Barack Obama (voir 22
& 29 III) et met en relief ce point que je n'
avais pas vu dans les articles et dépêches d'
agences dont j' ai alors pris connaissance : en lien avec la
question raciale, Obama a, comme l' avait fait Martin Luther King,
abordé la question sociale et le problème de la
pauvreté. Il a notamment évoqué la
colère de travailleurs pauvres blancs qui ressentent comme
une injustice les avantages - qui leurs sont refusés - que
leurs camarades de travail de couleur tirent de la discrimination
positive. Beaucoup d' entre eux, d' ailleurs, auraient
délaissé la bannière
démocrate pour voter républicain.
Peut-être
les faiseurs d' information n' aiment-ils pas la complexité
et sont-ils rebutés par une double complexité,
raciale et sociale. C' est en tous cas pour moi une occasion de
constater combien il est difficile, dans le déluge d'
informations dont nous bénéficions, de saisir une
réalité - ne serait-ce qu' un discours - dans
toutes ses dimensions.
Lundi 31
mars 2008
•••
Rice Obama et la question
raciale
Hier,lors
d' un entretien avec un journaliste du Washington Times,
la secrétaire d'État américaine
Condoleezza Rice a estimé le discours d' Obama sur les
questions raciales (voir 22 III)
"important" pour les États-Unis.
Elle a raconté que son propre père, sa
grand-mère et son arrière grand-mère
avaient enduré de "terribles humiliations" pendant leurs
enfances dans le Sud, à l'époque de la
ségrégation ; elle a
également reconnu que la question raciale avait
posé de graves difficultés aux
États-Unis : "Mais ce que je voudrais faire
comprendre en tant qu'Américaine noire, a-t-elle
ajouté, c'est que les Noirs américains ont
toujours aimé et eu foi en ce pays, même quand ce
pays ne les aimait pas et n'avait pas foi en eux ; et c'est
notre héritage". Un terrible jugement.
Interrogée sur la question de savoir si le pays
avait fait des progrès sur les questions raciales depuis le
mouvement des droits civiques, Rice a répondu avec
prudence : "Il faut travailler dur chaque jour pour que les
mots extraordinaires, émouvants et inspirateurs des textes
fondateurs soient une réalité pour tous les
Américains".
A
chaque séjour aux États-Unis, l' ai
éprouvé ce sentiment : que cet
exceptionnel creuset multiracial reste pétri de pulsions et
de tensions racistes - plus ou moins retenues,
réprimées, condamnées ou
refoulées... Ce que confirment à mes eux les
propos convergents d' Obama et de Rice.
Samedi
29 mars 2008
•••
Le plein ou la vie ?
Dans une interview au journal dominical NZZ am Sonntag
publiée le 23 mars, Peter Brabeck, PDG de
Nestlé, premier groupe alimentaire mondial,
déclarait : “Si l'on veut couvrir 20% du
besoin croissant en produits pétroliers avec des
biocarburants, comme cela est prévu, il n'y aura plus rien
à manger” - une affirmation pour partie
fallacieuse puisque ce sera pour des pauvres sans-terre qu' il
“n'y aura plus rien à manger”. Dans la
foulée, il met en cause la hausse des prix des
céréales et le gaspillage accru de l' eau qu'
entraînera la production de
biocarburants : pour produire un litre de
bioéthanol il faut, selon lui, 4 000 litres
d'eau.
Très vite s' est ouvert un débat, dont
AlterNotre
dégage les principaux temps, sous le titre “Rouler
ou manger : faudra-t-il choisir ?”.
Dès le lundi 24 mars, Arnaud Lemoine,
représentant la FNSEA , dénonce des propos
diffamants émis dans le seul but de "payer toujours moins
cher les matières premières...". Mais,
interviewé par France
Info, Jean Ziegler, rapporteur spécial des
Nations unies pour le droit à l'alimentation,
reconnaît qu' en l' état actuel des choses - avec
l' épuisement des ressources locales, la
consommation excessive d'eau et la spéculation - les
biocarburants apportent plus de nuisances que de solutions durables. Et
Mme Tanner, analyste matières premières au
Crédit Suisse, confirme que les biocarburants sont pour l'
essentiel à la source de l'augmentation des prix de produits
tels que le blé, le maïs ou le soja - un
phénomène qu' amplifie la
spéculation...
AlterNotre
rappelle que cette hausse des prix avait été
prévue en France, dès le début de
2006, tant par la Commission Interministérielle pour les
Véhicules Propres et Économes (CIVPE) - qui
préconisait la mise en culture d'environ 2 millions
d'hectares de terres au profit des biocarburants - que par l' Institut
national de la recherche agronomique (Inra) - qui estimait que la
production pour les biocarburants ne se limiterait pas en France aux
jachères, mais qu' elle entrerait en concurrence avec la
production pour l' alimentation sur des terres jusqu' ici
affectées à celle-ci.
Il
faut dire les choses clairement : en adoptant l'
option des biocarburants, on accepte que, dans les années ou
les décennies qui viennent, l' approvisionnement en
carburant des automobilistes contribuera à priver des
populations pauvres d' aliments de base ou d' eau. En bref :
le plein pour sa voiture ou la vie pour d' autres.
Et le fait que cette conclusion rejoint le propos du PDG de
Nestlé ne me gène pas.
Jeudi 27 mars 2008
•••
Une irresponsabilité
illimitée ?
Dans bien des villages, quand des gamins ont
cassé des ampoules ou des vitres, ils sont
semoncés et leurs parents indemnisent la commune. Et quand
des jeunes ont été pris pour avoir
dégradé ou incendié, ils sont souvent
condamnés à des peines de prison. Mais voici qu'
un “sale gosse” d' excellente famille, qui a fait
bien pire, risque de s' en tirer avec quelques blâmes.
Entraîné par sa bande, désireux
peut-être de montrer à son père ce dont
il était capable et de permettre à des potes
à lui de faire quelques bons coups, il a engagé,
il y a tout juste cinq ans, une expédition punitive contre
un caïd qu' avait déjà
affronté son père : facile, en quelque
semaine l' affaire était pliée. Et le premier mai
2003, l'aventureux fils proclamait “la fin des
opérations majeures de combat en Irak”.
Aujourd' hui, ce dévot chef de clan est toujours
dans sa bulle : malgré le coût humain et
financier élevé, il affirme ne rien
regretter, assurant imperturbablement que "les succès que
nous constatons en Irak sont indéniables". Son bras droit -
un ami de son père à l' influence pernicieuse -
le conforte sans la moindre hésitation : il
évoque “une entreprise difficile,
périlleuse, mais néanmoins couronnée
de succès et juge impressionnants les
progrès accomplis en matière de
sécurité depuis sa
précédente visite à Bagdad ;
bien plus, à ceux qui lui rappellent que 66 % des
Américains se disent maintenant hostiles à cette
guerre, il rétorque sèchement : "Et
alors? On ne va pas se laisser détourner de notre cap par
les fluctuations des sondages". Ainsi, pour Cheney comme pour Bush le
second, tout va bien !
Près de quatre mille militaires
américains tués et des dizaines de milliers
gravement blessés ou profondément
déstabilisés. Du côté des
Irakiens, entre 100 000 morts et 1,2 million depuis mars 2003
et plusieurs millions de personnes déplacées,
dans le pays ou vers des pays voisins. Selon le CICR, dans la plus
grande partie du pays, la situation humanitaire reste “une
des plus critiques au monde. À cause du conflit, des
millions d'Irakiens ont difficilement accès à
l'eau potable, à des installations sanitaires et aux soins
de santé”...
Tout va bien ! Le coût officiel des
opérations militaires est de 4 à 500 millions de
dollars, mais la note totale - avec notamment la reconstruction et les
pensions des veuves et des grands blessés - pourrait
atteindre 2 à 3 milliards. Avec sa politique
clientéliste d' allégements fiscaux, l'
administration Bush a laissé se creuser les
déficits publics et des comptes extérieurs, et
donc se gonfler l' endettement extérieur - un endettement
qui, avec la crise des crédits immobiliers
accordés au delà du raisonnable et l' injection
de liquidités pour endiguer la crise bancaire, engendre la
chute du cours du dollar. Compte tenu du fait que la production
irakienne de pétrole commence tout juste à
retrouver son niveau d' avant la guerre, bien des experts reconnaissent
que celle-ci a contribué à la hausse du prix du
pétrole.
Tout
va bien donc pour la très large gamme des firmes qui ont
bénéficié de commandes ou
participé au conflit. Tout va bien pour les firmes
pétrolières qui ont réalisé
des bénéfices records. Mais, au total, cette
expédition punitive aura été une
catastrophe pour l' Irak et les Irakiens, déjà
gravement affectés par les conflits extérieurs et
les politiques de sanctions. Elle aura été un
facteur de dynamisation de l' islamisme radical et d' aggravation de l'
instabilité dans toute la région. Et, en
accentuant les déséquilibres et les
dysfonctionnements de l' économie américaine et
du marché pétrolier mondial, elle aura
contribué à ouvrir une nouvelle phase, plus dure,
de la crise économique mondiale. Quel tribunal pourra juger
un jour les responsables de ce tragique gâchis ?
Mercredi 19 mars 2008
•••
Obama
s' affirme
Dans un
discours prononcé le 18 mars à Philadelphie pour
contrer le fait que plusieurs chaînes de
télévision diffusaient en boucle les virulents
propos de son ancien pasteur, le révérend
Jeremiah Wright Jr, Barack Obama, candidat démocrate
à l' investiture pour la prochaine élection
présidentielle, a porté le fer dans la
plaie : Le fait est que les remarques qui ont
été faites et les questions qui ont surgi ces
dernières semaines reflètent les
complexités de la question raciale dans notre pays, que nous
n' avons jamais réellement assumée ; c'
est un aspect de notre union que nous devons encore perfectionner
(...). Et si nous nous en détournons maintenant, si nous
nous retranchons chacun dans nos coins, nous ne serons plus en mesure
de nous retrouver pour résoudre les défis comme
la santé, l' éducation ou le besoin de trouver de
bons emplois à chaque Américain”.
Visé personnellement, il a
répondu : Je ne peux pas plus renier mon ancien
révérend que je ne peux renier la
communauté noire (...). Je ne peux pas plus le renier que je
ne peux renier ma grand-mère blanche, une femme qui m' a
élevé, une femme qui s' est sacrifiée
encore et encore pour moi, une femme qui m' aime autant que n' importe
quoi d' autre dans ce monde, mais une femme qui m' a un jour
confié qu' elle avait peur des hommes noirs qu' elle
croisait dans la rue, et qui a émis plus d' une fois des
stéréotypes ethniques qui m' ont
inspiré un mouvement de recul. Ces personnes font partie de
moi. Et elles font partie des États-Unis, ce pays que j'
aime tant”.
Mais il a aussi réinséré la
question raciale dans la campagne : “Nous pouvons
diffuser les sermons du Révérend Wright sur
toutes les chaînes, tous les jours et en parler jusqu' au
jour des élections et faire l'unique sujet de la campagne
autour de la question de savoir si oui ou non les Américains
pensent que je crois ou que je partage ces propos agressifs. Nous
pouvons bondir sur un impair commis par un supporter d' Hillary pour
prouver qu' elle joue la carte de la race, ou nous pouvons conjecturer
que les hommes blancs se rallieront à John McCain le jour
des élections quelques soient ses mesures politiques. Nous
pouvons faire cela (...). Ou bien, en ce moment, dans cette
élection, nous pouvons nous rassembler et dire
‘Non, pas cette fois' . Et cette fois-ci nous voulons parler
des écoles qui s' écroulent, des enfants
asiatiques et des enfants hispaniques, et des enfants nés
Américains. Cette fois nous voulons rejeter le cynisme qui
nous dit que ces enfants ne sont pas capables d' apprendre, que ces
enfants - qui ne font pas aussi bien que nous - sont le
problème des autres (...). Ce sont nos enfants, et nous ne
les laisserons pas tomber derrière l' économie du
vingt-et-unième siècle”.
Curieux
sentiment qu' une nouvelle fois, à l' instar de
Mendès-France, de Gaulle ou Kennedy, un homme politique -
demain peut-être homme d' État - parle vrai; d'
une manière à la fois libre,
réfléchie et responsable
Samedi
22 mars 2008
•••
La crise selon Bush
Le
pétrole au plus haut : plus de 110 dollars le
baril. Le dollar au plus bas : près d' 1,6 dollar
pour un euro. Selon les moments et les symptômes, les
commentaires se concentrent sur tel ou tel aspect de la crise en
cours : l' irresponsable laxisme avec lequel ont
été émis des crédits
immobiliers aux États-Unis, l' excessive sophistication d'
une finance internationale gérée par ordinateur,
les imprudences d' un trader de la Société
Générale, les décisions de l' Opep, la
propagation des risques bancaires, la pression des fonds
internationaux, l'émergence de fonds étatiques
dits souverains, telle ou telle information qui fait chuter ou rebondir
les cours de bourse...
Autant de regards, autant de diagnostics et de mesures
ponctuelles. Son administration ayant pris pendant le
week-end quelques mesures pour faire face à la menace d' une
crise de liquidités bancaire et boursière, le
président Bush - éminent spécialiste
de la méthode Coué depuis que Dieu ne
répond plus à ses prières - fait
très fort : Les Etats-Unis maîtrisent la
situation (…). Nos institutions financières sont
fortes (…). Nos marchés financiers fonctionnent
efficacement (…). Si nécessaire, nous agirons de
façon décisive pour continuer de ramener l'ordre
sur les marchés financiers (…). A long terme,
notre économie ira bien". Heureux celui qui ne cherche ni
à voir, ni à comprendre !
Sans doute ignore-t-il que nous sommes dans une grande crise
capitaliste comme le monde en a subi à la fin du
XIX° siècle et dans les années
1930 : une crise dont nous avons connu les premiers syndromes
dès les années 1970-1980. Une nouvelle fois, face
aux pays capitalistes bien en place, s' affirment des pays
émergents. Une nouvelle révolution technologique
et énergétique est en cours. L' excessive
pression des nouvelles configurations nationales-mondiales du capital
pour élever les profits engendre de nouvelles
précarités, pauvretés et
inégalités : d' où un
essoufflement des pays avancés alors que vont de l' avant
les nouveaux pays émergents. Mais cette crise
présente deux spécificités
majeures : un degré de mondialisation jamais
atteint - une mondialisation à laquelle nul n'
échappe désormais ; et la
dévastation de notre planète due aux
excès de nos prélèvements et de nos
rejets - qu' il nous faut réduire drastiquement.
Dans
une pareille crise, nul ne peut dire que ça ira bien,
à moyen ou long terme. Des scénarios
extrêmes ne peuvent être
écartés : conflits régionaux
ou guerre mondiale, nouveau partage du monde, mise en place d' un
impitoyable apartheid fondé sur l' exclusion de multitudes
de démunis... Dans un tel contexte, tout ce que nous pouvons
raisonnablement faire serait d' adopter à tous les niveaux -
national et mondial, mais aussi local, régional et
continental - des stratégies qui prennent en compte, dans la
mesure du possible, toutes les dimensions de la crise.
Dans ce cadre, les prochains dirigeants des
États-Unis seraient bien inspirés de
réduire les inégalités sociales; de
diminuer les déficits jumeaux (budgétaire et
extérieur) de leur pays ainsi que son endettement
extérieur et de réduire résolument les
émissions de gaz à effet de serre. Car, dans la
crise actuelle, ce sont des sources majeures de
déséquilibre pour le monde entier.
Lundi 17 mars 2008
•••
Un glas funeste
“L'OCDE sonne l'alarme sur
l'état de la planète à l'horizon
2030”, titre le Monde.
Le diagnostic établi dans les Perspectives de l' environnement
de l' OCDE à l' horizon 2030 est
implacable : “les émissions mondiales de
gaz à effet de serre progresseront de 37 % d'ici
à 2030 et de 52 % d'ici à 2050 si les pouvoirs
publics n'adoptent pas de mesures nouvelles. Et, parmi bien d' autres
sources d' inquiétude, “un milliard de personnes
de plus qu'aujourd'hui vivront dans des zones touchées par
un stress hydrique prononcé en 2030 ; et les
décès prématurés
dûs à l'ozone troposphérique pourraient
avoir quadruplé dans le monde à la même
date. Cependant, selon leurs auteurs, les Perspectives
montrent que relever les principaux défis environnementaux
d'aujourd' hui – y compris le changement climatique, l'
appauvrissement de la biodiversité, le manque d' eau et les
impacts de la pollution sur la santé – n' est pas
impossible ni inabordable. Le secrétaire
général de l'OCDE, Angel
Gurría, l' affirme : “les solutions aux
grands problèmes d'environnement existent, elles sont
applicables et elles sont abordables, notamment si on les met en regard
de la croissance économique prévue et des
coûts et des conséquences de l'inaction.
Bien des alarmes semblables ont été
lancées dans les dernières
décennies : des décennies de
lâcheté et de déni au cours desquelles
la situation est devenue bien plus difficile ; et plus
dureront l' indécision et les tergiversations, plus elle
empirera. Le secrétaire général de
l'OCDE l' a si bien senti qu' il met en garde les
décideurs : “Je vous préviens,
si nous ne faisons rien, le tableau de notre planète en 2030
ne sera pas agréable à regarder”.
Aimable litote : si dans les quinze ans qui viennent nous
faisons trop peu, l' irréversible sera atteint dans bien des
domaines ; et sur une Terre ravagée par nos
excès, de plus en plus d' humains vivront de plus en plus
durement.
Certes des décisions mûrissent, des
mesures sont prises, des effets positifs se manifestent : mais
toujours trop peu et trop tard. De nouvelles sources de
dévastation sont déjà à l'
œuvre. Et ces alarmes
réitérées sonnent comme un glas
funeste : le glas d' une humanité de plus en plus
entraînée dans le tourbillon du vivre pour
consommer ; le glas de castes dirigeantes qui n' ont pas le
courage de voir, d' expliquer et de mettre en œuvre ce qu'
exige la situation.
Jeudi 6 mars 2008
•••
Le choc d' un mot
En lisant le Monde
et des dépêches de l' AFP et de Reuters...
Avec une soixantaine de tués, dont des femmes et
des enfants, ce jour aura été la
journée la plus meurtrière depuis la prise de
contrôle de la bande de Gaza par le mouvement islamiste
Hamas. Hier, le ministre israélien de la défense
Ehoud Barak avait fait savoir qu'Israël préparait
une offensive contre les activistes palestiniens à
Gaza ; et son adjoint Matan Vilnaï les avait
avertis : "Plus les tirs de roquettes Kassam s'intensifieront,
plus les roquettes augmenteront de portée, plus la
« shoah » à laquelle
ils s'exposeront sera importante, parce que nous emploierons toute
notre puissance pour nous défendre".
Très vite, le porte-parole de Vilnaï s'
est employé à préciser que le mot
« shoah » avait
été employé dans le sens de
désastre - non dans celui de génocide ni d'
holocauste. De son côté, le porte-parole du Hamas
a rapidement réagi : "Nous sommes
confrontés à de nouveaux nazis qui veulent
massacrer et brûler le peuple palestinien".
Une centaine de morts en quelques jours au sein d' une population
coupée du reste du monde et soumise à de
sévères privations : certes, ce n' est
pas un génocide ; les diplomates parlent d' usage
disproportionné de la force. Mais cela ne peut que susciter
de nouvelles vocations de combattants et de martyrs.
Sinistre héritage de Bush et de Sharon : en huit
ans la situation s' est gravement
détériorée. Peut-on attendre du
prochain président américain qu' il suscite et
impulse une dynamique de paix ?
Samedi 1er mars 2008
Haut

McCain/Obama sur l'Irak
Vif affrontement entre les deux
candidats en tête dans les primaires américaines,
le républicain John McCain et le démocrate Barack
Obama.
«Nous avons entendu M. Obama dire
qu'après avoir retiré les forces
américaines il se
« réserverait le droit d'agir si Al-Qaida
formait une base en Irak ». M. Obama ignore-t-il
qu'Al-Qaida est toujours présente en Irak, que nos
militaires la combattent avec succès tous les jours, et que
sa politique de retrait enhardirait Al-Qaida ?» avait
lancé John McCain hier.
Barack Obama a répondu aujourd' hui :
«J'ai des nouvelles pour (M. McCain) : il n'y avait pas
d'Al-Qaida en Irak avant que George Bush et John McCain nous embarquent
dans une guerre qui n'aurait jamais dû être
autorisée ni livrée. John McCain aime
à dire qu'il veut poursuivre Oussama Ben Laden jusqu'aux
portes de l'enfer, mais jusqu'à présent tout ce
qu'il a fait c'est suivre George Bush dans une guerre en Irak (...)
à laquelle j'entends mettre fin pour que nous puissions
réellement poursuivre Al-Qaida en Afghanistan et dans les
montagnes du Pakistan».
Comme
Obama, je pense que la guerre d' Irak n'aurait jamais dû
être autorisée ni livrée ;
elle a été lancée sur la base d'
allégations mensongères et de preuves
falsifiées par un président qui n' aurait jamais
dû être proclamé élu.
Jeudi
28 février 2008
•••
Obstination
présidentielle ?
En validant la loi instituant la rétention de
sûreté, le Conseil constitutionnel a
précisé que cette mesure "ne saurait
être appliquée à des personnes
condamnées avant la publication de la loi" ou "pour des
faits commis antérieurement" à cette publication.
Mais le président Sarkozy persiste : il
rappelle que l'application immédiate de la
rétention de sûreté pour les criminels
jugés dangereux demeure "un objectif légitime
pour la protection des victimes". Et il demandé au premier
président de la Cour de cassation "d'examiner la question et
de faire toutes les propositions nécessaires pour (...)
atteindre" cet objectif.
L' enjeu est d'importance : le principe
de non-rétroactivité des lois - qui pose qu'un
condamné ne peut retomber, pour la même affaire,
sous le coup d'une nouvelle loi pénale - apparaît
comme un obstacle à la mise en œuvre d'une mesure
destinée à renforcer la protection de victimes
potentielles. Cependant, la démarche du président
choque dans la mesure où elle donne le sentiment qu'il veut
soit contourner soit outrepasser la limite fixée par le
Conseil constitutionnel.
Il est vrai que, dans sa décision, le Conseil
laissait ouverte une possibilité d'application
immédiate de la rétention de
sûreté dans certains cas : notamment pour
des condamnés qui n'auraient pas respecté les
obligations judiciaires de la "surveillance de
sûreté" (soins, bracelet électronique,
etc.).
Pour éviter qu'une crise institutionnelle
s'ajoute aux autres crises dont souffre la France, le
président doit très vite et très
clairement montrer qu'il respecte la décision du Conseil
constitutionnel. Et si l'on veut que la rétention de
sûreté ne conduise pas à la
multiplication de prolongations de détentions à
durées indéfinies, l'administration doit
être en mesure d'assumer ses tâches de soins et de
préparation à la réinsertion, ce qui
implique des moyens adéquats.
Vendredi 22 février 2008
•••
Instabilité
présidentielle
Dans un “appel à la vigilance
républicaine”, plusieurs responsables politiques,
d' orientations et d' engagements divers, ont
réaffirmé ensemble un certain nombre de
convictions et de valeurs :
« - Leur attachement au principe républicain et,
en conséquence, leur refus de toute dérive vers
une forme de pouvoir purement personnel confinant à la
monarchie élective.
« - Leur attachement aux fondamentaux d'une
laïcité ferme et tolérante, gage de la
paix civile.
« - Leur attachement à l'indépendance
de la presse et au pluralisme de l'information.
« - Leur attachement aux grandes options qui ont
guidé, depuis cinquante ans, au-delà des clivages
partisans, une politique étrangère digne,
attachée à la défense du droit des
peuples et soucieuse de préserver l'indépendance
nationale et de construire une Europe propre à relever les
défis du XXI° siècle».
Le premier ministre, François Fillon, a
jugé profondément
anti-démocratique" une démarche qui, selon lui,
vise à tenter de déstabiliser le
président de la République”.
Sur leur manière d' exercer leur fonction, tous
les présidents de la V° République ont
été critiqués, voire
attaqués - et notamment de Gaulle, Giscard et Mitterrand. D'
après mes souvenirs, aucun premier ministre n' est
intervenu pour les protéger contre une
prétendue tentative de déstabilisation.
L' institution présidentielle serait-elle devenue
instable ?
Samedi 16 février 2008
•••
Géosciences salvatrices
En lisant le Monde : lancement hier de
l'Année internationale de la planète Terre, une
initiative conjointe de l'Union internationale des sciences
géologiques et de l'Unesco. "La Terre a des ressources
limitées, qui sont partagées aujourd'hui par 6,5
milliards de personnes et le seront en 2020 par 9 milliards,
a déclaré le directeur
général de l'Unesco devant plus de mille
participants. Or, pour
conserver une planète plus sûre, plus saine et
plus pérenne, nous avons besoin de mieux comprendre
le fonctionnement des systèmes complexes de la Terre".
Il va donc s' agir de «mettre les géosciences au
service de l'humanité pour affronter les défis de
demain» et notamment de chercher comment «mieux
faire face à une occupation plus importante des sols,
à une demande de ressources en eau plus forte et aux
soubresauts meurtriers de notre planète : tsunamis,
éruptions volcaniques, séismes...».
C' est
à se tordre : de rage, de rire ou de
désespérance.
La Terre est déséquilibrée,
ravagée, souillée, par l' Humanité
certes, mais une Humanité radicalement inégale -
et donc principalement par les prélèvements et
les déchets d' un cinquième à un tiers
des humains.
Plus qu' aux effets, c' est aux sources qu' il faut s' attaquer. C' est
donc sur les dévastations les plus graves causées
par nos gaspillages, nos inconséquences et notre incessante
recherche de toujours plus, que les docteurs en géosciences
doivent travailler en priorité : pour conduire nos
sociétés à en prendre conscience et
à réformer leurs modes de vie.
Mercredi 13 février 2008
•••
Des loups dans la bergerie ?
«Dans
le port de Lagos, au Nigeria, des hommes chargent avec mille
précautions 21 caisses pesant, au total, 330 kilos
à bord d'un navire en partance pour Oslo. Elles contiennent
bien mieux que de l'or ou des diamants : le trésor de
l'agriculture africaine, soit 7 000
variétés de semences de
niébé (fourrage), maïs, soja et pois de
terre. Le 26 février 2008, ces graines seront les
premières à prendre place dans le fameux
coffre-fort norvégien du Spitzberg chargé de
préserver la quintessence de l'agriculture mondiale ad vitam
aeternam . Bientôt, d'autres cargaisons quitteront le
Bénin, la Colombie, l'Ethiopie, l'Inde, le Kenya, le
Mexique, le Pérou, la Syrie... pour la même
destination. Cette Arche de Noé de l'agriculture mondiale
conçue par l'organisation non gouvernementale Global Crop
Diversity Trust, prévoit de conserver ainsi 2 millions de
semences à l'abri de toute catastrophe mondiale»,
nous rapporte Le Point
du 7.
Justement, Ouest-France
d'aujourd'hui nous décrit ce "coffre-fort" : «une forteresse
destinée à protéger la
diversité des espèces
végétales (…) : des murs en
béton armé d'un mètre
d'épaisseur ; un couloir de cent mètres
doté de doubles portes blindées capables de
résister aux plus violentes explosions ; des
containers en aluminium réfrigérés et
étanches destinés à
préserver les graines de l'humidité et
placés à 130 mètres sous la
mer» : et tout cela à
1 100 km du pôle Nord, dans l'archipel de
Spitzberg-Svalbard, en Norvège.
Pour le grand public, Bill et Melinda Gates - couple qui
cristallise la richesse, la bienfaisance et la puissance
américaines - auraient eu le souci d' assurer, pour la
sécurité de l'alimentation à
l'échelle du monde, la conservation et la
disponibilité de la diversité des semences. Mais
qu'est donc cette ONG : Global Crop Diversity Trust ?
D' après son site, elle réunit - si l'on prend en
compte les donateurs et les "sponsors" - de grandes organisations
internationales (Banque mondiale, FAO), de grands pays des cinq
continents (Etats-Unis et Royaume-Uni en tête) et des
fondations (Gates, Rockefeller...) ; mais on trouve aussi de
grandes firmes (DuPont/Pioneer Hi-Bred, Syngenta,...) et divers centres
de recherches qui semblent, toutes et tous, partager un commun penchant
pour la génétique.
A-t-on jamais vu des bergers prendre des loups pour garder
leurs brebis ? Comment peut-on confier la sauvegarde
de la biodiversité mondiale à des firmes qui ont,
dans trop de pays, contribué à la
dégradation des biodiversités locales ?
Certes, ces firmes affirment, de concert avec les centres de
recherche génétique, qu'elles oeuvrent pour la
biodiversité de la planète. Admettons ce point de
vue. Il faut alors constater que coexistent désormais deux
visions de la biodiversité :
- la biodiversité héritée du
travail mené avec la nature par des
générations de cultivateurs soucieux d'obtenir
des produits adaptés à leurs sols et à
leurs climats : une biodiversité qu'il convient de
sauvegarder, d'élargir et de renforcer avec toute la
prudence requise ;
- et la biodiversité recréée
sous l' emprise de la technoscience génétique,
conçue comme un instrument de maîtrise et de
reformatage de la nature, sous l'impulsion de quelques firmes
dominantes : des firmes qui voient le monde à
travers les prismes de la monnaie, du pouvoir d'achat et du profit.
Que vont faire ces firmes avec ces semences
captées dans toutes les contrées du monde pour
être regroupées dans le "coffre-fort" de
l'archipel de Spitzberg-Svalbard ? Me revient en
mémoire ce précepte de mon mentor en
écologie : "Imagine
le pire, tu resteras bien en dessous de la
réalité”.
Dimanche 10 février 2008
•••
Crise
alimentaire
En lisant le Monde : “Une crise alimentaire
majeure se profile (...). Pression démographique, croissance
économique, réchauffement climatique (... et)
erreur des politiques menées jusqu'à
présent” en sont les principales
causes. La hausse des prix mondiaux, le symptôme
macro-économique le plus visible. “A l'aube du XXIe
siècle, l'agriculture est donc redevenue un
problème majeur pour l'humanité”.
Si l' on
prend en compte la radicale inégalité du monde,
cela va, de plus en plus, être un enjeu vital pour des
milliards d' humains. Déjà des paysanneries
pratiquant des cultures vivrières ont
été déstabilisées ou
détruites par des exportations subventionnées du
Nord et par l' emprise sur leurs terres de grandes cultures modernes.
Et maintenant, la demande de biocarburants pour des automobilistes des
deux hémisphères entre en concurrence avec les
alimentations de base de populations démunies. A quoi s'
ajoutent le changement climatique, les sécheresses, les
avancées de déserts et les pénuries d'
eau annoncées.
Vendredi 8
février 2008
•••
Gaz
à effet de serre US
“Les principaux pays
émetteurs de gaz à effet de serre (GES),
réunis cette semaine à Hawaï, ont
salué le changement positif d'attitude des
États-Unis, tout en appelant Washington à
franchir une nouvelle étape en fixant des objectifs
chiffrés de réduction de ses
émissions”, annonce une
dépêche de Reuters.
Quatre
remarques :
1°/ Les travaux se sont déroulés
à huis clos.
2°/ Il n' est pas dans les usages de dire ses quatre
vérités à la personne ou la puissance
invitante.
3°/ Depuis sept ans, le président Bush s' est
montré maître dans l' art de tergiverser et d'
embobeliner ses partenaires.
4°/ Quoi qu' ait pu dire ou avancer James Connaughton,
président du Conseil de la Maison Blanche sur la
qualité environnementale, on peut être
sûr que Bush restera jusqu' au terme de son mandat hostile
à la fixation, pour les États-Unis d'
Amérique, d' objectifs chiffrés de
réduction des émissions de GES.
Une autre agence de presse aurait tout aussi bien pu
écrire : “Les 200 pays non
invités à Hawaï, plus quelques autres,
déplorent que le principal pays émetteur de GES,
non content d' avoir refusé le protocole de Kyoto, est en
train de faire perdre une année à la
communauté internationale dans la préparation de
l' après-Kyoto. Ce qui se paiera en dégradations,
en désordres climatiques et en difficultés
supplémentaires”.
Les glaces polaires s' amenuisent, les mangroves et les
coraux sont en grand danger, une large part de la Chine est
paralysée par une vague de froid et de neige exceptionnelle.
Mais ExxonMobil vient d' annoncer avoir fait en 2007 le
bénéfice record de 40,6 milliards de dollars.
- Merci !
- Merci qui ?
Vendredi 1er
février 2008
Haut

Un
président calamiteux
L'Amérique est en
guerre, l'Amérique est en récession,
l'Amérique n'a jamais été aussi
forte”, déclarait le
président Bush dans son discours sur l'état de
l'Union le mardi 29 janvier 2002 : “le monde
civilisé est menacé par des dangers sans
précédent (…). La Corée du
Nord est un régime qui s'arme avec des missiles et des armes
de destruction massive. L'Iran est déterminé
à se doter de ces armes et exporte le terrorisme, et l'Irak
continue de démontrer son hostilité à
l'égard de l'Amérique et soutient le terrorisme.
Le régime irakien conspire depuis plus de dix ans pour
développer le bacille du charbon, des gaz de combat et des
armes nucléaires (…) ; en cherchant
à se doter d'armes de destruction massive, ces
régimes représentent un danger de plus en plus
grave” - le redoutable “axe du mal”.
Jouissant d' une forte popularité, le président
Bush se disait déterminé à “empêcher
les régimes qui soutiennent le terrorisme de menacer
l'Amérique ou (ses) amis et alliés avec des armes
de destruction massive” et il
annonçait "la
plus grosse augmentation des crédits de la
défense qu'on ait vue depuis vingt ans (…). Quel
que soit le prix à payer pour défendre notre
pays, nous le paierons”.
Six ans plus tard, il y a eu 150 à
300 000 victimes en Irak et près de 4 000
morts parmi les militaires américains ; les
talibans se réimplantent en Afghanistan, la situation est
pire que jamais en Palestine, incertaine au Liban, effroyable en
Irak… Pour se rassurer, le président Bush, qui
entame sa dernière année de mandat au plus bas
dans les sondages, se rassure, dans son dernier discours sur l'
état de l' Union, avec cette nouvelle rodomontade :
“Al-Qaïda
commence à quitter l'Irak et cet ennemi sera
bientôt vaincu”. Au Moyen-Orient, les
régimes pro-américains redoutent une nouvelle
initiative armée contre l' Iran ; aux
États-Unis, la situation des pauvres et des classes moyennes
s' est détériorée ; dans le
monde, l' image de ce grand pays qui refuse de se joindre à
l' effort commun pour limiter le réchauffement climatique,
est profondément dégradée.
Un président élu lors d' un scrutin
litigieux contre Al Gore en 2000, mais clairement
réélu par les Américains en 2004. Un
président pieux, patriote, habile dans l' art de ne pas dire
la vérité et qui s' est lancé dans une
croisade contre le terrorisme sans connaître le monde et sans
avoir mesuré la complexité du
Proche-Orient… Sans doute la présidence du second
Bush apparaîtra-t-elle comme la première des sept
calamités du XXIe siècle.
Mardi 29 janvier 2008
•••
Alors que dollars et euros s'
évaporent par milliards…
Reçu le dernier numéro d' Économie et Humanisme,
un numéro qui publie un dossier sur "la participation des
citoyens, promesse de développement" et, parmi rubriques et
chroniques, mon article “Face au basculement du
monde”.
Un discret message est encarté dans le
numéro : “Une situation de rupture
financière due, ces tous derniers mois, à la
non-réalisation d' actifs financiers, conduit l' association
éditrice de la revue à suspendre sa parution
après ce troisième numéro de l'
année 2007”.
Fondée en 1942 par L.-J. Lebret , cette revue est
une des rares à avoir eu le souci d' imprégner d'
éthique de la responsabilité et de souci du bien
humain l' étude des réalités
économiques et sociales. J' espère que sa
publication pourra reprendre prochainement : car l'
éthique, la responsabilité, l'
élévation de la qualité humaine sont
indispensables pour que l' humanité sorte sans trop de
dégâts de la mauvaise passe dans laquelle elle s'
est mise.
Vendredi 25 janvier 2008
•••
A tâtons
Ce qui est fascinant dans l' actuelle crise
financière mondiale, issue de la crise
états-unisienne des “subprimes”, c' est
que depuis des semaines, nul ne sait où ça va s'
arrêter.
C' est, bien sûr, dans la nature de toutes les
crises financières internationales ; mais
l'incertitude est terriblement accentuée depuis quelques
décennies par l' extrême sophistication des
marchés et par la multiplication d' actifs financiers
dérivés, mués en abstractions
informatiques, dont le jeu incessant fascine les génies de
la spéculation.
Mais, dès lors que la dynamique s' enraye ou
s'emballe, les mêmes banquiers ou financiers qui
jusque-là comprenaient tout perdent soudain - comme d'autres
jadis leur latin - l'entendement.
Mercredi 23 janvier 2008
•••
Visites
présidentielles au Moyen-Orient
Incident naval La visite du président Sarkozy,
rapide, comme hâtive, a été
perçue par certains observateurs de la région
comme celle d' un “super commis-voyageur. Cependant, il ne s'
est pas contenté d' apporter son soutien aux entreprises
françaises - du nucléaire notamment ; il
a signé un accord pour l' établissement d' une
base militaire face à l' Iran, à Abu
Dhabi : pour montrer au monde que la France est aux
côtés des Émirats arabes unis.
Qu'
allons-nous donc faire dans cette galère ?
Avant le début de sa visite en Israël et
en Palestine, le président Bush avait affiché son
souci de soutenir l' avancée des négociations...
appelées à préparer la paix. Mais,
dès le premier jour, il est apparu que l' Iran
était au centre de ses discussions avec Ehoud Olmert, le
premier ministre israélien. Quelques jours plus tard
à Abou Dhabi, au cours d' un discours sur la
démocratie, il haussait le ton : “L'Iran
est le premier Etat à parrainer le terrorisme dans le monde
(…). Les actions de l'Iran menacent la
sécurité de pays partout dans le
monde” ; et il invitait les amis des
États-Unis à faire face à ce danger
avant qu'il ne soit trop tard. À Riyad, il invitait les
dirigeants saoudiens à l' aider dans son effort pour isoler
Téhéran.
Mais, lors d'une conférence de presse
à laquelle participait la secrétaire d'Etat
américaine Condoleezza Rice, le ministre saoudien des
affaires étrangères, le prince Saoud
Al-Fayçal a déclaré en
réponse à des journalistes :
“L'Iran est un pays voisin, un pays important dans la
région (...). Nous n'avons bien sûr rien contre
l'Iran. Et, en écho à la demande du
président Bush de "tendre la main" à
Israël pour faciliter un règlement du conflit
israélo-palestinien, il avait glissé: "Je ne sais
pas ce que nous pouvons faire de plus vis-à-vis des
Israéliens",
Comme si,
comme bien d' autres dans la région, les dirigeants
saoudiens redoutaient plus que tout une troisième
intervention miltaire états-unisienne dans la
région...
Dans le même temps, à Madrid, le
premier ministre espagnol Jose Luis Zapatero ouvrait, sous les auspices
de l' Onu, le premier forum de l' Alliance des civilisations :
celle-ci, a-t-il déclaré,
“prétend démontrer qu'il existe des
voies pratiques de collaboration entre le monde islamique et le monde
occidental qui démentent l'idée
supposée d'affrontement inévitable entre
civilisations et cultures”.
Sans doute,
pour nos deux présidents, faire le détour par
Madrid aurait été comme un chemin de Damas.
Mercredi 16 janvier 2008
•••
Production d'eau
Chaque
samedi matin à 7h05 sur France
Culture, Ruth Stégassy aborde dans son
émission "Terre à terre" un problème
touchant à l'environnement, donc à notre mode de
développement et à nos relations avec la Terre et
le Vivant. Ce matin, le sujet était l'eau et
l'invité Marc Laimé. Quelques notations prises au
vol...
Le réseau de distribution d'eau
français a été installé en
sept ou huit générations ; le
coût cumulé de l'installation est colossal et,
aujourd'hui, aucun pays pauvre ne pourrait, sur quelques
décennies, en assumer la charge pour ses propres habitants.
D'autant moins que, pour ces pays comme pour bien d'autres, les
dépenses d'armement l'emportent de très loin sur
celles consacrées aux équipements sociaux.
Les nouvelles technologies ? Elles ont aussi leurs
coûts : énergétiques,
écologiques et financiers. Ainsi, le dessalement de l'eau de
mer implique un investissement, nécessite beaucoup
d'énergie et entraîne le rejet d'un litre de
saumure pour un litre d'eau douce produite. Quant à la
production d'eau potable des grandes agglomérations
à partir de la ressource qu'offrent leurs propres eaux
usées, elle implique des installations extrêmement
sophistiquées et très
coûteuses : seulement trois villes ont à
ce jour commencé à s'en équiper,
Singapour, la capitale de la Namibie et une ville
d"Australie.
Ainsi,
de même que la production de certains biocarburants
nécessite de l'eau, de même, la production d'eau
dessalée nécessite de
l'énergie : la réponse à une
pénurie bute sur une autre. Plus largement, si nous
privilégions les réponses techno-industrielles en
laissant perdurer les inégalités actuelles,
l'accès à l'eau pour usage alimentaire et
sanitaire va, au cours des prochaines décennies, encore se
détériorer pour des masses croissantes de
démunis.
12
janvier 2008
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Soupir
Incident naval irano-américain dans le
détroit d'Ormuz. "La visite du président Bush
cette semaine est destinée à offrir une
idéologie de l'espoir", a annoncé la Maison
Blanche. Mais Al-Qaida a appelé à l'accueillir
"avec des bombes et des voitures piégées", tandis
que le président américain, envisageait
d'intensifier les actions clandestines dans la zone tribale du
Pakistan. Selon une ONG israélienne, plus de 150 000
Palestiniens, jugés par des tribunaux militaires depuis
1967, l'ont été le plus souvent sans que soient
respectées les règles
élémentaires de la justice. Du Caire, la Ligue
arabe propose, à l'unanimité de ses 22 membres,
un plan en trois volets pour mettre un terme à la crise
politique intérieure libanaise.
Dans la violence des détestations, des menaces et
des attentats, les efforts d'apaisement me semblent des soupirs.
Lundi 7 janvier 2008
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Menaces et sagesse
Le rallye-raid Dakar,
dont le départ devait être donné ce
matin à Lisbonne, a été
annulé hier par ses organisateurs. C'était le
vœu du gouvernement français après
l'assassinat de quatre touristes, il y a une dizaine de jours, puis la
mort de trois militaires dans une attaque en Mauritanie ; en
outre des services de renseignement auraient capté des
messages évoquant des projets d'attentats ; et parmi les
quelques centaines de combattants islamistes présents dans
ces zones désertiques, certains disposeraient de missiles et
de 4x4 équipés de lance-roquettes. Ainsi, comme
les tours du World Trade Center, le célèbre
Paris-Dakar aurait pu être la cible d'al-Qaida ou de ses
émules. Dans ce raid ne retrouve-t-on pas, comme dans les
tours, l'hubris des firmes qui dominent notre monde ?
Beaucoup vont voir, dans cette annulation, un
succès pour les groupes terroristes et une raison
supplémentaire de renforcer les dispositifs contre eux.
Or il est un autre aspect, à mes yeux au moins
aussi important : c'est l'extrême
vunérabilité de nos
sociétés de hautes technologies et
d'hyper-consommation. Regardons autour de nous : que de stockages, de
réservoirs, de pipe-lines et de sites productifs dont les
attaques pourraient être dramatiques pour des quartiers, des
villes ou des contrées ! Que de systèmes de
transports et de communications dont le blocage paralyserait des
approvisionnements, des paiements ou le fonctionnement de
systèmes complexes dont peuvent dépendre de
larges zones d'activité et de vie !
La sagesse - mais est-ce avisé de mettre ce terme
en avant ? - la sagesse serait de restructurer tous les
systèmes hypercentralisés en systèmes
de sous-systèmes potentiellement autonomes et susceptibles
de s'auto-réorganiser entre eux ; pour les biens essentiels
- eau, énergie, alimentation - ce serait de maintenir ou de
recréer des capacités productives
liées à la vie locale : une raison
supplémentaire de promouvoir rapidement et massivement les
équipements permettant d'innombrables accès
durables à des énergies renouvelables. La sagesse
serait de mener un double effort : pour que les besoins
essentiels soient de mieux en mieux satisfaits et pour que
reflue la folie contemporaine du "vivre pour consommer" - que la
publicité tend maintenant à inculquer aux enfants
dès leur plus jeune âge. La sagesse serait
d'inventer une frugalité postmoderne.
Certains penseront qu'on est bien loin du Paris-Dakar.
Assurément.
Samedi 5 janvier 2008
Haut

Quand Sarkozy prêche
Tout
nouveau "chanoine d'honneur", le président Sarkozy n'a pas
hésité à se placer dans la
foulée de son hôte Benoist XVI : « Je
partage l'avis du pape quand il considère, dans sa
dernière encyclique, que l'espérance est l'une
des questions les plus importantes de notre temps », a-t-il
déclaré le 20 décembre lors de son
discours à Saint-Jean-de-Latran. Il se
référa aux propos du pontife sur les petites et
les grandes espérances « qui, au jour le jour,
nous maintiennent en chemin » ; puis il le cita longuement :
« Quand les espérances se réalisent, il
apparaît clairement qu'en réalité, ce
n'est pas la totalité. Il paraît
évident que l'homme a besoin d'une espérance qui
va au-delà. Il paraît évident que seul
peut lui suffire quelque chose d'infini, quelque chose qui sera
toujours ce qu'il ne peut jamais atteindre. […] Si nous ne
pouvons espérer plus que ce qui est accessible, ni plus que
ce qu'on peut espérer des autorités politiques et
économiques, notre vie se réduit à
être privée d'espérance ».
Sur cette lancée, Sarkozy exposa ses propres vues, allant
jusqu'à affirmer que « la morale laïque
risque toujours de s'épuiser ou de se changer en fanatisme
quand elle n'est pas adossée à une
espérance qui comble l'aspiration à l'infini
».
Considérant ma vie comme s'accomplissant sur cette
Terre et bornée par la mort, je respecte totalement ceux qui
croient en une autre vie et qui placent en elle leurs
espérances majeures.
Mais je trouve inique et infondée cette
dépréciation de la morale laïque : des
morales religieuses n'ont-elle jamais débouché
sur le fanatisme ni connu l'épuisement ? Comme je trouve
outrageante et insupportable la dévalorisation des
espérances non inspirées par la religion ou la
spiritualité.
Dans le monde tel qu'il est - avec une Terre
déstabilisée et épuisée par
notre irresponsabilité, avec des
sociétés injustes qui créent sans
cesse de nouveaux besoins sans veiller à ce que les besoins
essentiels de tous soient satisfaits - je crois que c'est dans la
conscience de notre responsabilité que doivent s'enraciner
nos espérances majeures : pour la sauvegarde de la Terre et
du Vivant, pour le devenir de l'Humanité, pour
l'élévation de la qualité humaine.
23 décembre 2007
•••
L'
Amérique de Bush contre le monde
Après
des semaines de travail et d' intenses négociations, la
Conférence de Bali, n' avait pas abouti à l'
heure de sa clôture. Deux questions majeures restaient en
suspens : celle des transferts de technologies adaptées,
primordiale pour les grands pays émergents, comme pour les
pays pauvres subissant les effets du réchauffement en cours
: et celle des objectifs chiffrés de réduction
des émissions de gaz à effet de serre pour 2020
et 2050, dont l' Union européenne avait fait son cheval de
bataille. Sur ces deux points Washington - l' administration Bush -
bloquait.
Or cette conférence devait permettre d' ouvrir la
voie à un accord qui, en 2009, devrait mettre en place le
dispositif destiné à prendre la suite, en 2012,
du protocole de Kyoto - toujours non signé par les
États-Unis. Bref, c' est l' avenir du monde qui est en jeu :
car si le réchauffement n' est pas
maîtrisé à un niveau
modéré, le siècle qui vient sera
terrible.
La tension était extrême.
Houspillé par un représentant de la Chine pour
une question de procédure, le responsable climat de l' ONU,
au moment de répondre à la tribune, a
éclaté en sanglots. Puis, alors que les
délégués se succédaient
à la tribune pour exprimer leur accord avec le texte de
compromis issu des ultimes et âpres tractations, la
déléguée des États-Unis est
venue déclarer, qu' en l' état actuel, les
Etats-Unis ne pouvaient pas l' approuver : huées dans la
salle, le délégué de
Papouasie-Nouvelle Guinée l' apostrophe :
“Eh bien si c' est comme ça partez, quittez cette
salle...” Quelques minutes plus tard, la
déléguée
américaine,revenait à la tribune pour annoncer
que les Américains avaient finalement
décidé de se joindre au consensus.
Comme bien d' autres luttes désormais vitales -
pour l' eau, pour une atmosphère saine, pour la
diversité biologique, pour une terre vivante, pour une
humanité solidaire et humaine - celle pour la
maîtrise du changement climatique nécessite une
dynamique planétaire. La résistance de l'
administration Bush est une menace pour tous. La Terre est en danger,
notre vie sur notre planète est en danger. L' union de toute
l' Humanité va être nécessaire : ce qui
implique un surcroît de responsabilité de ceux qui
sont à l' origine des déséquilibres
actuels comme de ceux qui disposent des moyens économiques,
technologiques et financiers les plus importants. À ces deux
titres, la responsabilité des États-Unis d'
Amérique est majeure.
15 décembre 2007
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