La mort du pape a été
annoncée le samedi - jour de Marie - 2 avril. Tout
au long des trois jours précédents, une large
part de l’information a été consacrée
à son agonie : champion de la médiatisation
au cours de son long pontificat, Jean-Paul II aura eu une
fin de vie placée sous les projecteurs de l’actualité.
Depuis son opération, toute apparition publique,
le moindre geste, l’effort pour parler malgré
la trachéotomie, les expressions de souffrance, tout
faisait événement. Après son “retour
dans la maison du Seigneur”, a commencé le
temps des bilans : du soutien aux efforts d’émancipation
à l’égard du communisme et du joug soviétique
en Europe de l’Est, à la mise au pas du mouvement
de la théologie de la libération en Amérique
latine ; de la double condamnation du communisme et du capitalisme
libéral, à un discours rituel en faveur des
pauvres et des déshérités ; des prises
de positions très fermes contre l’avortement,
la contraception et le clonage, à l’exclusive
préconisation, pour lutter contre le sida, de l’abstinence,
du mariage tardif et de la fidélité conjugale
; du dialogue avec les autres religions, à d’incessantes
évocations de la paix dans un monde où se
multiplient les violences...
Quelques jours avant cette mort, a été publié
un rapport commandé par l’ONU sur l'état
des écosystèmes terrestres. Plus de 1 300
scientifiques y ont travaillé. Les conclusions en
sont terribles.
“L'activité humaine exerce une telle pression
sur les fonctions naturelles de la planète que la
capacité des écosystèmes à répondre
aux demandes des générations futures ne peut
plus être considérée comme acquise”,
estime le comité directeur du projet cité
par Le Monde. “Environ 60 % des écosystèmes
permettant la vie sur Terre ont été dégradés”
; cette dégradation “a été plus
accentuée au cours des cinquante dernières
années que dans toute l'histoire de l'humanité
et ne pourra que s'aggraver au cours des cinquante prochaines”
; en outre, les écosystèmes où vivent
des populations pauvres, directement dépendantes
de l’environnement naturel, sont de plus en plus touchés
et les dégradations accélérées
en cours vont de plus en plus déboucher sur des “changements
non linéaires” - saturation, épuisement
disparition...
Inquiétantes chutes des ressources en bois, forêts,
poissons de mer ou d’eau douce et, dans certaines
régions des ressources en eau ; amenuisement des
capacités de l’air à se régénérer
; multiplication par mille en quelques siècles du
taux d’extinction des espèces animales et végétales
et, du fait du déclin des insectes et oiseaux polinisateurs,
amenuisement dans certaines régions de la productivité
des plantes et des arbres ; dérégulation et
dérèglements du climat, aggravation pour les
populations des risques tenant aux catastrophes naturelles,
retour en force de certaines maladies infectieuses : du
fait de cette dégradation des écosystèmes,
les objectifs du Millénaire risquent de pas être
atteints, les inégalités entre les peuples
continuant à se creuser et la pauvreté à
s’aggraver. C’est donc le devenir du vivant
et l’avenir de l’humanité qui sont en
jeu.
A l’aune de ce qui a été diffusé
sur les derniers jours du pape, sur sa mort et sur sa succession
et compte tenu de la gravité des maux dont souffre
la Terre, des programmes d’information intensive devraient
être diffusés sur ces sujets pendant des décennies
; à quoi devraient s’ajouter un effort accru
du système scolaire en ce domaine et une réelle
et profonde implication de tous les décideurs, notamment
des politiques et dirigeants d’entreprises.
Mais ceux qui tentent depuis des décennies d’alerter
contre les menaces sur le devenir de notre planète,
du vivant et des sociétés humaines, savent
combien sont profonds et tenaces les refus d’écouter,
de prendre en compte et finalement de prendre les dispositions
et les mesures qui devraient s’imposer. Cependant,
une large prise de conscience et de responsabilité
est nécessaire, de chaque citoyen et chaque famille
aux dirigeants nationaux et mondiaux. Gaspillages et consommations
dévastatrices devront être traqués et
bannis, ce qui implique une réduction drastique des
inégalités qui se sont creusées dans
les dernières décennies. Le sens de la simplicité,
de la frugalité et de l’essentiel devra être
reconstruit là où il a été dévalué
ou détruit. Ainsi seulement, enfants, jeunes et adultes
pourront, dans quelques générations, se réveiller
en s’émerveillant : “Habemus terram !”