Quelques articles non acceptés

Une malice du Monde ?
(Mardi 16 février  2010) 

 Est-ce un canular ou une coïncidence ? Y a-t-il un message caché ? une clé ? J’ai rarement été aussi perplexe : cette feuille du Monde me fascine. Je tourne et retourne; recto/ verso/ page 3/ page 4...
 D’abord ces titres, pleine page :  page 3 “BHL contre Bernard-Henri Lévy”/ page 4 “Peut-on se passer de l’expérimentation sur les singes ?”
 Et ces photos :  page 3, le visage incliné du philosophe, avec quelque chose de christique, sauf qu’il jette vers l’objectif un malveillant regard oblique/ page 4, en majesté derrière ses barreaux, un macaque goguenard observe le lecteur.
 Page 3 “Une fâcheuse erreur fait trébucher la star médiatique”/ page 4 “Une enquête a été ouverte”/  page 3 “Le «Kant inventé » par qui le scandale est arrivé” / page 4 “Les mouvements antivivisection accusent” /  page 3 “Aussitôt, le balancier médiatique est parti en sens inverse”/ page 4 le regard débonnaire de l’un / page 3 l’œil mauvais de l’autre / page 4 “partialité...”
 Je me rappelle - c’était dans les années 1980 - un ancien du journal me racontant le “Monde de Beuve-Méry” : tout était pensé, analysé, pesé, décidé, en fonction de l’implicite de la brève ou du sujet, de l’impact et des incidences de l’article : le nombre de lignes, la page bien sûr et la place dans la page... Au total, le quotidien de l’après-midi était chaque jour composé et offert au lecteur comme un champ de forces.
 Aujourd'hui, moins de rigueur, plus guère d’exigence, des dessins redondants, l’érosion des reliefs, la perte de tensions internes à chaque numéro et finalement cette incongruité : accolés dos à dos pour toujours, le philosophe assoiffé de gloire et l’innocent symbole de la sagesse.

Réflexions sur la sortie de crise
(fin octobre 2008) 

  Le brouillard idéologique répandu sur le monde par les tenants d’un libéralisme économique doctrinaire est en partie disloqué par les bourrasques de la crise. Quelques idées simples, globalement rejetées depuis deux ou trois décennies commencent à réémerger : sans règles ni contrôles, le marché ne conduit ni à l’optimum ni au meilleur des mondes ; fondé sur un processus cumulatif incessant, le capitalisme doit être en permanence contenu et orienté par des règles et des politiques ; présente dans l’économie de marché, inhérente au capitalisme, la spéculation ne doit jamais prendre le dessus par rapport à la vie quotidienne, à l’économie et à la finance... La prédominance d’une sphère financière en quête de rendements élevés, a grevé et parfois saigné à blanc trop d’entreprises ; et la spéculation sur des titres de plus en plus éthérés par la magie de l’informatique - déchaînée par la folie du jeu, les surenchères de la compétition, les facilités de l’internet, et les obscurités des paradis fiscaux et autres places ou voies occultes - a conduit à des désastres dont on n’a pas encore mesuré toute l’ampleur.
  Pour autant les brumes de l’idéologie libérale sont loin d’être dissipées. L’étatisme généralisé a conduit à une faillite exemplaire en Union soviétique. Et dans des sociétés imprégnées de l’addiction à l’achat marchand et à des marchandises toujours renouvelées, les grandes firmes de tous les secteurs retrouveront, face à une concurrence durcie, les comportements des dernières années ; à peine remise à flot, la bancassurance convaincra des dirigeants politiques désarmés de l’absolue nécessité d’une totale liberté sur les marchés des produits dérivés, contre la promesse d’une autorégulation de la profession par elle-même. Et l’on repartira pour un tour, comme on l’a fait depuis chacune des dernières crises boursières. Sur un marché du travail dérégulé, les salariés seront à nouveau durement et inégalement touchés. Et dans une probable période de stagflation - mélange de stagnation et d’inflation - tous, salariés, chômeurs, travailleurs pauvres, artisans, professions libérales, petites et moyennes entreprises, retraités, payeront les pots cassés.
  Pour l’éviter, il faut impulser une sortie constructive à cette crise.
  Pour ce faire, il convient d’abord de ne pas se focaliser sur la crise financière. Celle-ci n’est en effet qu’un aspect, une composante de la grande transformation en cours. Comme lors de la “grande dépression” (ainsi nommée par les Européens) de la fin du XIXe siècle, de nouvelles technologies et de nouvelles énergies commencent à remplacer les anciennes, de nouveaux secteurs d’activité apparaissent, de grands pays émergent et aspirent à accéder aux premières places mondiales : il y a un siècle, c’étaient l’Allemagne et les États-Unis face à la Grande-Bretagne et, plus largement, à la vieille Europe ; aujourd’hui, c’est la Chine et l’Inde face aux États-Unis et, plus largement, à l’Occident.
  La “grande dépression” avait été l’avant-dernier coup de gong avant la fin de la  pluriséculaire prééminence européenne sur le monde ; dans la grande transformation en cours se joue la fin de la prédominance de l’Occident : occidentalisation du monde, rejet de l’Occident ou voie mixte, de toute façon cela se fera à travers compétitions, coopérations et conflits. Et l’Europe aura à faire des choix.
  Mais la différence majeure est ailleurs : aujourd’hui, les besoins humains excèdent les capacités de la Terre. Il faudrait plusieurs planètes pour que l’ensemble des humains vivent selon un mode de vie qui fascine beaucoup d’entre eux, celui de l’Europe ou de l’Amérique du Nord. Depuis les années 1980, l’humanité dans son ensemble puise dans le crédit que nous offre la Terre en ressources renouvelables et en capacités de régénération ; nous transgressons les limites qui permettraient un renouvellement équilibré et durable de la Terre ; en bref, nous vivons aux frais d’une Terre que nous épuisons et de notre futur que nous hypothéquons.
  En témoignent nos émissions de gaz à effet de serre, le changement climatique, l’excès de nos prélèvements, nos pollutions, la dégradation des sols et des eaux, les terribles atteintes au vivant et à la diversité biologique... En témoignent aussi les crises du pétrole, les crises de la faim, les spéculations sur les terres et sur les produits agricoles de base, le nouvel enjeu des agro-carburants dont certains risquent d’alimenter des véhicules au détriment des humains les plus pauvres. Car notre monde mondialisé est marqué par d’abyssales inégalités.
  Or précisément, du fait de ces profondes inégalités, ni le marché, ni le capitalisme, ni les États ne vont d’eux-mêmes nous mener vers une issue positive à la crise ; la bonne volonté et les initiatives de centaines de millions de Terriens n’y suffiront pas non plus. Pour dégager cette sortie et pour qu’on s’y engage durablement, il va falloir une élévation de nos niveaux de conscience et de responsabilité. Il va falloir qu’en tant que citoyens, nous soyons suffisamment nombreux à peser sur les États, les organismes internationaux et les ONG ; et qu’en tant que consommateurs, producteurs, entrepreneurs ou épargnants, nous pesions sur les firmes.
  Il va aussi falloir que nous comprenions et assumions ceci : nous sommes à une époque radicalement exceptionnelle de notre histoire. Pour la première fois, les activités humaines menacent les ressources et les équilibres de la Terre. Pour la première fois, toutes les sociétés humaines sont en relation et peuvent communiquer en temps réel. Pour la première fois, le devenir de la Terre, du Vivant et de l’Humanité dépend de nos décisions. Or, aucune carte, aucun plan, aucune autorité, aucune fatalité ne détermine les cheminements que nous allons suivre. Nous sommes au seuil d’un carrefour sublime : il y a bien des pesanteurs, des contraintes, des tendances lourdes mais tout peut encore advenir, tout dépend encore de nos   décisions.
  La riche, tragique, meurtrière et merveilleuse aventure humaine peut encore retomber en barbarie, violences et destructions ; elle peut aussi s'enfoncer dans un ou deux siècles de plomb ; elle peut s’enfermer dans le corset d’une technologie à qui l’on demandera, au moins pour les puissants et les riches, de produire, le plus souvent à coûts élevés, des ersatz des bienfaits que la Terre nous offre depuis des millions d’années ; elle peut rebondir, une fois les principaux périls écartés ou surmontés, les principaux défis maîtrisés et l'humanité unifiée, dans le respect de ses différences et la sauvegarde de la Terre.
  Pour qui opte pour une Humanité plus humaine sur une Terre vivante, les principaux impératifs sont clairs. Entre autre : solidarité et réduction des inégalités ; réponse aux besoins fondamentaux dans les contrées pauvres et maîtrise des besoins marchands dans les aires d’aisance et d’opulence ; parmi les innovations et les nouvelles technologies, privilégier celles qui violentent le moins les humains, le vivant et la Terre ; et sur ces bases, construire des procédures de règlement des conflits et de retour à la paix susceptibles de créer les conditions d’un indispensable désarmement...
  Pour l’an prochain ou au cours d’un mandat électoral, c’est évidemment impossible. Mais dans le siècle qui vient de débuter, si on le veut avec suffisamment de ténacité, on le peut. Les prochaines décennies vont être décisives : un formidable challenge pour les nouvelles générations !

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Face à la crise financière
(octobre 2008)

  Garantie des crédits interbancaires et recapitalisation des grandes banques en difficulté : après quelques semaines de tâtonnements, les gouvernements européens et états-unisien apportent désormais des réponses semblables à la crise financière en cours. Au lendemain des décisions prises le 12 octobre par les principaux pays de la zone euro, les bourses ont réagi de manière très positive ; mais quelques jours plus tard elles rechutaient.
  Depuis le XIXe siècle, les crises bancaires, boursières et financières purgent assez régulièrement les économies en balayant spéculations aventureuses, engagements incertains et acteurs fragilisés - non sans dommages collatéraux sur des épargnants, des investisseurs et des banques simplement pris dans le tourbillon. S’agissant de la crise en cours, des actifs dérivés d’opérations à risques, hautement attractifs naguère du fait de leurs rendements élevés, ont diffusé sur les marchés des risques difficilement décelables ; devenus sans valeur par la chaîne des non-remboursements, ils ont mis à genou de grands établissements, suscité le tsunami de la perte de confiance et la chute des bourses… Or, ces actifs, désormais qualifiés de “pourris” ou de “toxiques”, n’ont certainement pas tous été neutralisés - qu’ils soient difficiles à identifier ou que certains établissements préfèrent les maintenir dissimulés.
  Il est impératif que le système soit purgé de ces actifs. Les gouvernements doivent rapidement obtenir leur neutralisation par les établissements bancaires et financiers et les collectivités publiques et semi-publiques qui en détiennent. Sinon, de nouvelles faillites entraîneront de nouvelles vagues de perte de confiance.
  Les centaines de milliards de dollars annoncés par les gouvernements peuvent conforter le petit monde de la banque, de l’assurance et de la bourse. Mais, dans une ambiance économique morose, la confiance reste fragile. Les gouvernements pourront-ils faire face à de telles charges ? Les États ne risquent-ils pas d’être entraînés dans la débâcle financière ? Cet argent réinjecté ne va-t-il pas à nouveau alimenter des spéculations et nourrir l’inflation ? En outre, se multiplient les signes de ralentissement de l’activité et d’une possible récession. N’allons-nous pas vers une nouvelle période de “stagflation” ?
  Certes, il serait temps de lancer des grands travaux et des grands chantiers aux niveaux européen et national. Mais c’est surtout c’est dans les profondeurs des pays qu’il faut soutenir et relancer l’activité, à travers les collectivités locales, les PME, les entreprises individuelles et les jeunes entreprises innovantes, mais aussi en renforçant le pouvoir d’achat - éventuellement à travers des bons d’achat locaux - des plus démunis, des titulaires de bas revenus et des jeunes en formation. C’est le moment de relancer ou de renforcer les travaux contribuant aux économies d’énergie et de matière, à l’assainissement et à la dépollution, voire à l’embellissement, au verdissement et au fleurissement des villages et des quartiers. Bref, engager une lutte contre la crise financière en faisant la part belle à des mesures permettant de contrer une autre crise - plus profonde et bien plus grave qui nous menace : la crise planétaire des ressources et de l’environnement.
  Avec plus de la moitié de la population mondiale vivant dans des espaces urbanisés - plus une part non négligeable dans des zones rurales en osmose avec des villes -  et compte tenu de la montée en puissance de la Chine, de l’Inde, de l’Asie du Sud-Est - et d’autres pays sur les autres continents - de profonds renouvellements en matière d’habitat, de transport, de santé, d’alimentation, de communication et de services publics et privés vont nécessairement s’opérer dans le monde entier : d’immenses marchés et des sources de croissance en perspective pour les prochaines décennies. L’Europe doit se projeter dans ce nouveau futur. Elle doit s’engager résolument dans un effort massif et tenace pour faire émerger les technologies, les produits, les procédés et les processus qui permettront de vivre dans le confort sans altérer les équilibres de la planète. Elle doit le faire en mobilisant l’ensemble de ses capacités de recherche, ses entreprises et leurs savoirs techniques, ses jeunesses et leurs désirs d’avenir, ses producteurs, ses cadres et ses consommateurs. Elle doit, pour assurer la cohésion sociale, le faire en revenant sur les récents excès de la dérégulation et de l’amenuisement des sphères étatiques et publiques.
  On est bien loin, penseront certains, de la crise financière. Pas du tout : la spéculation, lorsque que se sont raréfiés les placements à hauts rendements, ne s’est-elle pas étendue aux produits pétroliers, aux métaux et aux produits agricoles de base ? Plus largement, la crise financière, comme les crises récurrentes du pétrole, de la production industrielle dans les pays riches et de l’alimentation dans les contrées pauvres, sont des soubresauts d’une “grande transformation” de notre monde. Une transformation semblable par beaucoup d’aspects à celle qui avait marqué la fin du XIXe siècle, à cette différence près, mais elle rend tout beaucoup plus difficile, qu’aujourd’hui les activités humaines dépassent fortement les limites de ce que la Terre peut supporter : ce dépassement s’est produit dans les années 1980 et il s’accentue de décennie en décennie. De plus en plus nous vivons, non pas aux frais de la princesse, mais comme à crédit, l’ardoise étant en partie payée par notre Terre que nous saccageons pour longtemps et en partie à charge de ceux qui vivront dans les décennies et les siècles à venir.
  Rien n’est assuré. Mais ce dont je suis certain, c’est que nous n’irons vers un monde plus humain sur une Terre demeurée vivante que si nous en avons le dessein, en construisons le projet et y travaillons avec ténacité dès maintenant et tout au long les prochaines décennies.

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Non
aux contempteurs du principe de précaution
(écrit avec Calliope Beaud - octobre 2007)

  Un haut dignitaire de l’assurance qui dénonce les “ayatollahs de la prudence” : ce n’est ni un gag, ni une caricature, ni le thème d’une comédie.
  Dans le Monde du 26 octobre 2007, Claude Bébéar, puissant patron de la bancassurance, a publié un plaidoyer en faveur de la déconstitutionnalisation du principe de précaution : le ton est retenu, l’argumentation laborieuse ; le “point de vue” se présente comme une contribution à la réflexion. Mais le titre : “Non aux ayatollahs de la prudence”, est tueur. Et c’est le titre qui demeurera.
  Dans le contexte actuel, loin d’évoquer la sagesse et la pondération, le mot “ayatollah” suggère l’intolérance, le fanatisme, la violence meurtrière. Ce titre est une arme, une manière de bombe à fragmentaion destinée à disqualifier pendant des années quiconque s’opposera à des intérêts - puissants ou médiocres - en se prévalant du principe de précaution.
  Une arme, une bombe, n’est-ce pas excessif ? Non : les prudentes avancées esquissées lors du Grenelle de l’environnement rompent avec une longue période de conservatisme et inquiètent des intérêts établis : il faut allumer des contrefeux. Il y a déjà le scientifique de service, qui disserte sur tout et écrase de sa suffisance, quand ils lui déplaisent, les résultats des travaux de ses collègues, notamment dans des domaines dans lesquels lui-même ne travaille pas. Il y a le chroniqueur omniscient, qui ne rate pas une occasion de dénigrer des écologistes passéistes comme on n’en fait plus depuis longtemps, pour affirmer sa foi sans faille dans la technique, et tout particulièrement le nucléaire. Il y a aussi l’écologie dénoncée comme “la grande arnaque” et les “prêcheurs de l’apocalypse” ; et maintenant les “ayatollahs de la prudence”. Plus grave, il y a les enjeux des situations acquises, les lobbies, le conservatisme de dirigeants d’entreprises et d’hommes politiques - nationaux ou locaux - encroûtés dans leurs convictions technoscientistes...
  Pendant plus d’un siècle, ceux qui tentaient d’alerter face aux dégâts d’une croissance non maîtrisée et aux atteintes durables portées à notre environnement ont été dénoncés comme “ennemis du progrès”, “doux rêveurs” ou “écolos irresponsables”.
  Le Rapport Brundtland a mis en lumière dès 1987 les termes du problème. Mais entre négation des faits (pollutions chimiques, atteintes à la couche d’ozone, amiante, effet de serre, OGM,…) et déclarations grandiloquentes (“La Terre brûle”…) lancées sans engagement de politiques conséquentes, entre grandes conférences internationales (comme celle de Rio en 1992) et mesures insuffisantes et tardives, notre monde s’est enfoncé dans de terribles ornières. Compte tenu de l’aggravation des dégradations - sauf pour la couche d’ozone -, des croissances en cours dans les zones dites “émergentes” et de la pauvreté dont souffrent des milliards d’humains, la situation est bien plus difficile qu’il y a vingt ans.
  Aujourd’hui, les sociétés humaines constatent qu’il faudrait plusieurs Terres pour que tous participent au banquet de la consommation sans frein. Nous voici  à un carrefour crucial, à un “carrefour sublime”, en ce sens que, pour la première fois, les destinées de l’Humanité et de la Terre dépendent principalement des choix humains. Plus que jamais, la responsabilité humaine doit être affirmée et assumée.
  Car bien des issues sont encore ouvertes. L’une, que bien peu préconisent ouvertement mais que beaucoup ont dans un coin de leur tête, serait de réduire drastiquement la population mondiale. Une autre, à laquelle travaillent nombre de scientifiques enfermés chacun dans la bulle de sa spécialité, serait de mettre en œuvre, domaine par domaine, des technologies hyperpuissantes pour neutraliser les effets négatifs de nos puissantes technologies : sans bien sûr s’inquiéter des méga-effets négatifs de ces nouvelles méga-technologies. La voie dans laquelle nous sommes engagés est celle d’un apartheid fondé sur l’inégalité radicale du monde et des sociétés, avec pour objectif implicite d’assurer encore à quelques générations de détenteurs de pouvoir d’achat une consommation sans cesse élargie et renouvelée - sans souci du déluge de désillusions et de frustrations à venir.
  Il est une autre voie, à laquelle aspirent de très nombreux hommes et femmes. Mobiliser toutes les techniques à faible dangerosité - des plus traditionnelles aux plus novatrices, ainsi que les énormes ressources que nous gaspillons dans le surarmement, l’ostentation et la surconsommation, pour faire face aux urgences de notre temps et permettre l’émergence de sociétés modernes qui n’écrasent pas les humains mais permettent l’épanouissement de leur humanité : la seule voie, sans doute, pour éviter un nouvel âge de conflits et de barbarie.
  Mais il faudrait bien plus qu’un New Deal planétaire. Il faudrait une mobilisation équivalente à celle de la dernière guerre mondiale, mais menée à l’échelle de la planète et avec un objectif commun : remédier aux déséquilibres et aux dégradations que nos activités, nos consommations et nos guerres ont provoqués, inventer une “frugalité post-moderne” dans les sociétés riches, construire de nouvelles solidarités entre les sociétés et de nouveaux équilibres entre la Terre, le Vivant, l’Humain et la technique : et pour ce faire, profiter de la gravité des enjeux de la période pour susciter une élévation de la qualité humaine.
  Encore faudrait-il déjà que ceux et celles qui sont dans les appareils de pouvoir acceptent d’entendre ceux et celles qui crient “au secours” ou qui tentent d’alerter ; qu’ils prennent la mesure de leurs nouvelles responsabilités et, qu’au lieu de chercher à les éluder, ils les assument.

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Brève réponse à DSK
(début novembre 2006)

M. Dominique Strauss-Kahn est considéré comme économiste. Il se présente régulièrement comme social-démocrate. Et voici que dans le Monde daté du 4, il propose de "casser la machine à faire des pauvres".
Bigre ! Ne sait-il pas , comme économiste, que la machine à créer des richesses et celle à faire des pauvres, c'est la même ? et que c'est aussi la machine à créer des emplois et à engendrer du chômage ?
Et ne sait-il pas, comme social-démocrate, que cette machine, on ne la casse pas Monsieur, on l'encadre, on l'oriente. S'il ne le sait pas, c'est qu'il est piètre économiste et étrange social-démocrate. Ou peut-être ni l'un, ni l'autre : ce qui pourrait lui donner quelque chance d'être un jour président des économistes sociaux-démocrates.
Michel Beaud (ancien économiste et ancien membre du PS)


Habemus terram
(début avril 2005)

La mort du pape a été annoncée le samedi - jour de Marie - 2 avril. Tout au long des trois jours précédents, une large part de l’information a été consacrée à son agonie : champion de la médiatisation au cours de son long pontificat, Jean-Paul II aura eu une fin de vie placée sous les projecteurs de l’actualité. Depuis son opération, toute apparition publique, le moindre geste, l’effort pour parler malgré la trachéotomie, les expressions de souffrance, tout faisait événement. Après son “retour dans la maison du Seigneur”, a commencé le temps des bilans : du soutien aux efforts d’émancipation à l’égard du communisme et du joug soviétique en Europe de l’Est, à la mise au pas du mouvement de la théologie de la libération en Amérique latine ; de la double condamnation du communisme et du capitalisme libéral, à un discours rituel en faveur des pauvres et des déshérités ; des prises de positions très fermes contre l’avortement, la contraception et le clonage, à l’exclusive préconisation, pour lutter contre le sida, de l’abstinence, du mariage tardif et de la fidélité conjugale ; du dialogue avec les autres religions, à d’incessantes évocations de la paix dans un monde où se multiplient les violences...

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Utérus d’avril
(début avril 2005)

Dans un entretien publié dans Libération [des 2-3 avril, p. 46-7], Henri Atlan, enseignant de biophysique et penseur en bioéthique, qui vient de publier l'Utérus artificiel au Seuil, explique que le mot “ectogenèse” a été créé en 1923 pour “désigner une technique permettant le développement des embryons humains hors des corps des femmes, depuis la fécondation jusqu'à la naissance”. Déjà des efforts sont menés en ce sens et expérimentés sur des animaux : “Il s'agit de fabriquer un placenta artificiel. C'est une technique de bricolage compliqué, mais il n'y a pas d'élément fondamentalement impossible (…). Il s'agira d'une façon nouvelle de faire des enfants (…, qui) sera reçue et vécue par une partie importante des femmes comme un moyen de libération des contraintes de la grossesse”.

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