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non acceptés
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Face
à la crise financière
Garantie des crédits
interbancaires et recapitalisation des grandes banques en
difficulté : après quelques semaines de tâtonnements,
les gouvernements européens et états-unisien
apportent désormais des réponses semblables
à la crise financière en cours. Au lendemain
des décisions prises le 12 octobre par les principaux
pays de la zone euro, les bourses ont réagi de manière
très positive ; mais quelques jours plus tard elles
rechutaient.
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Depuis le XIXe
siècle, les crises bancaires, boursières et
financières purgent assez régulièrement
les économies en balayant spéculations aventureuses,
engagements incertains et acteurs fragilisés - non
sans dommages collatéraux sur des épargnants,
des investisseurs et des banques simplement pris dans le
tourbillon. S’agissant de la crise en cours, des actifs
dérivés d’opérations à
risques, hautement attractifs naguère du fait de
leurs rendements élevés, ont diffusé
sur les marchés des risques difficilement décelables
; devenus sans valeur par la chaîne des non-remboursements,
ils ont mis à genou de grands établissements,
suscité le tsunami de la perte de confiance et la
chute des bourses… Or, ces actifs, désormais
qualifiés de “pourris” ou de “toxiques”,
n’ont certainement pas tous été neutralisés
- qu’ils soient difficiles à identifier ou
que certains établissements préfèrent
les maintenir dissimulés.
Il est impératif que le système soit purgé
de ces actifs. Les gouvernements doivent rapidement obtenir
leur neutralisation par les établissements bancaires
et financiers et les collectivités publiques et semi-publiques
qui en détiennent. Sinon, de nouvelles faillites
entraîneront de nouvelles vagues de perte de confiance.
Les centaines de milliards de dollars annoncés par
les gouvernements peuvent conforter le petit monde de la
banque, de l’assurance et de la bourse. Mais, dans
une ambiance économique morose, la confiance reste
fragile. Les gouvernements pourront-ils faire face à
de telles charges ? Les États ne risquent-ils pas
d’être entraînés dans la débâcle
financière ? Cet argent réinjecté ne
va-t-il pas à nouveau alimenter des spéculations
et nourrir l’inflation ? En outre, se multiplient
les signes de ralentissement de l’activité
et d’une possible récession. N’allons-nous
pas vers une nouvelle période de “stagflation”
?
Certes, il serait temps de lancer des grands travaux et
des grands chantiers aux niveaux européen et national.
Mais c’est surtout c’est dans les profondeurs
des pays qu’il faut soutenir et relancer l’activité,
à travers les collectivités locales, les PME,
les entreprises individuelles et les jeunes entreprises
innovantes, mais aussi en renforçant le pouvoir d’achat
- éventuellement à travers des bons d’achat
locaux - des plus démunis, des titulaires de bas
revenus et des jeunes en formation. C’est le moment
de relancer ou de renforcer les travaux contribuant aux
économies d’énergie et de matière,
à l’assainissement et à la dépollution,
voire à l’embellissement, au verdissement et
au fleurissement des villages et des quartiers. Bref, engager
une lutte contre la crise financière en faisant la
part belle à des mesures permettant de contrer une
autre crise - plus profonde et bien plus grave qui nous
menace : la crise planétaire des ressources et de
l’environnement.
Avec plus de la moitié de la population mondiale
vivant dans des espaces urbanisés - plus une part
non négligeable dans des zones rurales en osmose
avec des villes - et compte tenu de la montée en
puissance de la Chine, de l’Inde, de l’Asie
du Sud-Est - et d’autres pays sur les autres continents
- de profonds renouvellements en matière d’habitat,
de transport, de santé, d’alimentation, de
communication et de services publics et privés vont
nécessairement s’opérer dans le monde
entier : d’immenses marchés et des sources
de croissance en perspective pour les prochaines décennies.
L’Europe doit se projeter dans ce nouveau futur. Elle
doit s’engager résolument dans un effort massif
et tenace pour faire émerger les technologies, les
produits, les procédés et les processus qui
permettront de vivre dans le confort sans altérer
les équilibres de la planète. Elle doit le
faire en mobilisant l’ensemble de ses capacités
de recherche, ses entreprises et leurs savoirs techniques,
ses jeunesses et leurs désirs d’avenir, ses
producteurs, ses cadres et ses consommateurs. Elle doit,
pour assurer la cohésion sociale, le faire en revenant
sur les récents excès de la dérégulation
et de l’amenuisement des sphères étatiques
et publiques.
On est bien loin, penseront certains, de la crise financière.
Pas du tout : la spéculation, lorsque que se sont
raréfiés les placements à hauts rendements,
ne s’est-elle pas étendue aux produits pétroliers,
aux métaux et aux produits agricoles de base ? Plus
largement, la crise financière, comme les crises
récurrentes du pétrole, de la production industrielle
dans les pays riches et de l’alimentation dans les
contrées pauvres, sont des soubresauts d’une
“grande transformation” de notre monde. Une
transformation semblable par beaucoup d’aspects à
celle qui avait marqué la fin du XIXe siècle,
à cette différence près, mais elle
rend tout beaucoup plus difficile, qu’aujourd’hui
les activités humaines dépassent fortement
les limites de ce que la Terre peut supporter : ce dépassement
s’est produit dans les années 1980 et il s’accentue
de décennie en décennie. De plus en plus nous
vivons, non pas aux frais de la princesse, mais comme à
crédit, l’ardoise étant en partie payée
par notre Terre que nous saccageons pour longtemps et en
partie à charge de ceux qui vivront dans les décennies
et les siècles à venir.
Rien n’est assuré. Mais ce dont je suis certain,
c’est que nous n’irons vers un monde plus humain
sur une Terre demeurée vivante que si nous en avons
le dessein, en construisons le projet et y travaillons avec
ténacité dès maintenant et tout au
long les prochaines décennies.
Michel Beaud
Économiste, historien des temps présents
Auteur de Histoire du capitalisme (1500-2000), Seuil,
2000
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