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POUR UNE MOBILISATION PLANÉTAIRE

article publié in Ouest-France, 10-11 novembre 2007

Dans le Monde du 26 octobre, un haut dignitaire de l’assurance dénonçait les “ayatollahs de la prudence”; récemment, la Commission pour la libération de la croissance envisageait de limiter l’application du principe de précaution : face aux avancées esquissées lors du Grenelle de l’environnement, certains s’inquiètent et allument des contrefeux. Pendant plus d’un siècle, ceux qui tentaient d’alerter face aux dégâts d’une croissance non maîtrisée ont été dénoncés comme “ennemis du progrès”, “doux rêveurs” ou “écolos irresponsables”. Aujourd’hui, de puissants lobbies défendent des situations acquises, notamment en bloquant le débat sur le nucléaire, ses risques et ses coûts de long terme, en niant nos responsabilités dans le changement climatique, ou en minimisant les risques potentiels induits par l’hypercommunication, le génie génétique ou les nanotechnologies. Pourtant, la leçon des deux derniers siècles est claire : toute technologie est porteuse de bienfaits et de méfaits. Et plus puissante est la technologie plus importants sont ses effets. D’où une obligation accrue de prudence. D’autant que, depuis vingt ans, la situation de la planète s’est profondément dégradée, comme le montre un très récent bilan d’organisations des Nations unies. En 1987, le Rapport Brundtland avait alerté. En 1992, la Conférence internationale de Rio avait énoncé des principes et tracé des voies d’action. Mais le manque d’engagement de la majorité des dirigeants des États et des firmes des pays riches, la négation des dégâts ou des risques - ou de trop longs refus à les reconnaître (atteintes à la couche d’ozone, amiante...), des déclarations grandiloquentes (“La Terre brûle”…) lancées sans mise en œuvre de politiques conséquentes, ont conduit à la très difficile situation actuelle: une situation sur laquelle pèsent désormais les croissances des zones dites “émergentes” et les pauvretés dont souffrent des milliards d’humains. Aujourd’hui, les sociétés humaines constatent qu’il faudrait plusieurs Terres pour que tous participent au banquet de la consommation sans frein. Nous voici à un “carrefour sublime”: pour la première fois, les destinées de l’Humanité et de la Terre dépendent principalement des choix humains. Plus que jamais, la responsabilité humaine doit être affirmée et assumée. Bien des issues sont encore ouvertes. L’apartheid fondé sur les inégalités actuelles ne peut que nourrir frustrations et affrontements. Certains prônent la décroissance: ne vaudrait-il pas mieux élargir les chemins d’une frugalité postmoderne ? D’autres pensent en silence à une réduction drastique de la population mondiale. D’autres mettent toute leur confiance dans de nouvelles technologies hyperpuissantes, en préférant ignorer que celles-ci seront porteuses de méga-risques. Reste une voie humaine : mobiliser toutes les techniques à faible dangerosité - des plus traditionnelles aux plus novatrices - ainsi que les énormes ressources que nous gaspillons dans le surarmement, l’ostentation et la surconsommation, pour faire face aux urgences de notre temps et permettre l’émergence de sociétés modernes qui n’écrasent pas les humains mais permettent l’épanouissement de leur humanité - seul moyen, sans doute, d’éviter un nouvel âge de conflits et de barbarie. Cela implique, sur la base d’une élévation de la qualité humaine et de l’esprit de responsabilité, une mobilisation équivalente à celle de la dernière guerre mondiale, mais menée sur un objectif commun à l’échelle de la planète.


Michel et Calliope Beaud .


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