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Billet d'un jour
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Ces billets sont écrits en réaction à
des évènements, des propos significatifs (du fait
de leurs auteurs ou de leurs contenus), des décisions prises
ou éludées. Ils peuvent aussi être
l’expression d’une inquiétude,
d’une irritation ou d’une colère. Je
peux même m’autoriser de temps à autre
un épanchement d’humanisme ou un appel
à telle ou telle des valeurs qui font la qualité
humaine...
La démocratie dévoyée
Lequel
de nos éditeurs français qui ne cessent de se
répandre en plaintes et geignements à propos de la crise
du livre de sciences humaines aurait accepté le projet de cet
ouvrage ? Pensez donc : un volume de 672 pages, dont 66 de
notes, 28 d’index et 8 de remerciements ! Un ouvrage dont le
titre - La Stratégie du choc - et le sous-titre - La montée du capitalisme du désastre
- risquent de heurter trop de sensibilités. Un livre dans
lequel l’auteure, Naomi Klein, traite dans un même
mouvement de la CIA et de l’école de Chicago, de la
torture et des ravages de l’extrême libéralisme, de
l’Indonésie, du Chili, de la Russie et de l’Irak, de
Milton Friedman, des présidents Bush et de leurs redoutables
entourages.
Ainsi, la doctrine du choc et la mise en œuvre d’une
violence aux multiples formes ont largement sous-tendu tant les
stratégies internationales de plusieurs présidents
républicains - du coup d’État contre Allende
à l’invasion de l’Irak - que leurs politiques
menées dans leur propre pays - des privatisations (de la
santé, de l’enseignement, de la sécurité...)
à la systématique exploitation de la menace, du
désastre et de la peur, après le 11 septembre comme
après l’ouragan Katrina.
On ne peut, hélas, en parler au passé. Selon le Guardian
et d’autres, au moins 17 bateaux-prisons sont encore en
activité dans le monde pour permettre aux services
américains de garder en détention et soumettre à
leurs questions, à l’abri de tout contrôle
judiciaire ou autre, un intarissable flot de suspects-terroristes. Ils
seraient encore 26 000 à être détenus dans des
prisons secrètes, dans lesquels plus de 80 000 auraient
transité depuis 2001.
Ce
qui ôte toute légitimité au président Bush
et à ses séides pour prôner la Démocratie et
les Droits de l’homme de par le monde. Et ce qui, par contrecoup,
affecte la crédibilité de l’ensemble des dirigeants
de pays démocratiques demeurés muets face à ces
dérives mafieuses.
Mardi 3 juin 2008
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La faute au système ?
Après l’émission Terre à terre de ce matin, j’écris à Ruth Stegassy.
“Nos communes préoccupations pour le devenir de la
Terre, du Vivant et des sociétés humaines et notre
commune obstination à contribuer à élargir et
approfondir la prise de conscience des périls et des enjeux
m'incitent à vous mettre ce mot - en partie à la suite de
votre émission de ce matin.
“Certes, il faut dénoncer le "système", le
libéralisme, la spéculation, la pression
financière, l'inertie des politiques, l'enlisement
démocratique, l'ambivalence des technologies, etc. Certes, il
est bon de mettre en lumière et valoriser les actions,
réalisations et techniques s'inscrivant dans un dialogue avec la
nature, les luttes contre ce qui la détruit ou la menace, les
contestations et les révoltes.
“Mais d'année en année la situation
s'aggrave, les processus s'accélèrent : de plus en plus,
nous nous heurtons à des limites qui restreignent nos choix ; et
les prédicateurs d'un développement durable "cool"
(obtenu sans efforts, ni remises en cause, ni sacrifices) font obstacle
à la nécessaire prise de conscience.
“Or nous sommes confrontés à une situation marquée par :
- les fragilités de la Terre et du Vivant face à nos
capacités productives et notre puissance technoscientique ;
- des inégalités abyssales, insupportables dans un monde
où se généralise la nécessité
d'acheter pour vivre ;
- une exceptionnelle concentration du pouvoir dans quelques grands
Etats et une constellation mouvante de puissances économiques et
financières ;
- et, last but not least, le fait que dans les sociétés
riches la consommation est devenue à la fois
le premier mobile des individus et
le principal ciment social.
“D'où l'engrenage fatal dans lequel nous sommes entraînés :
- avec l'incessante création de besoins et de biens pour les
détenteurs de pouvoir d'achat, alors que le nécessaire
vital est loin d'être assuré pour des multitudes ;
- avec les transformations en cours dans les pays émergents qui
vont rapidement conduire au doublement (de un à deux milliards)
du nombre de "consommateurs modernes" dans le monde ;
- avec des "avancées" technologiques conduites non en fonction
des urgences de la Terre et du monde, mais des besoins solvables des
détenteurs de pouvoir d'achat ;
- et finalement avec, malgré les mesures et les efforts en sens
inverse, plus de prélèvements, plus de pollutions, plus
de dégradations (des sols, des eaux, des océans), plus
d'espèces vivantes menacées...
“C’est pourquoi :
1/ Est désormais nécessaire une stratégie
nationale/ mondiale pour faire face aux urgences du monde en assurant
la convalescence de la Terre : y transférer progressivement les
ressources actuellement consacrées à l'armement pourrait
être rendu possible grâce à une politique plus
active pour la paix. La Terre et l'Humanité ne sont-elles pas en
danger ?
2/ Si l'on veut stopper l'engrenage, il ne suffit pas de s'en prendre
au "système", au libéralisme, à la
spéculation, à la finance et aux politiques ; il nous
faut apprendre à nous débarrasser de notre
conditionnement de consommateurs en quête de "toujours plus,
toujours nouveau", laisser s'épanouir d'autres motivations pour
la vie en société et travailler à
l'émergence d'une frugalité post-moderne...”
Samedi 17 mai 2008
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America über alles ?
“La
CIA serait autorisée à contourner le droit
international”, “Torture: ‘la loi peut être
violée’ (USA)”, “États-Unis - La CIA
fait fi du droit international”, titrent respectivement le Monde,
le Figaro, et le Devoir. Tous trois tirent leurs informations du New
York Times et du Washington Post.
L'été dernier, le président Bush avait
publié un décret selon lequel la CIA devait respecter les
conventions internationales sur le traitement des détenus. Mais
le mois dernier, il a opposé son veto à un texte visant
à interdire à la CIA de recourir à des
méthodes d'interrogatoire susceptibles d’être
considérées comme de la torture, telle que la simulation
de noyade. Différents courriers ont alors été
diffusés par le département de la justice, dont certains
ont été rendus publics par les services d’un
sénateur démocrate : dans une lettre datée du
5 mars, Brian Benczkowski, assistant de l'Attorney
général, précise que “le fait qu'une action
soit entreprise pour prévenir une menace d'attaque terroriste,
plutôt que [par] volonté d'humiliation ou d'abus, devrait
être relevé par un observateur raisonnable pour mesurer le
caractère outrageux de cette action”. En clair : dans
le cadre de la lutte contre le terrorisme, des agents pourraient, sans
crainte d’être mis en cause, recourir à des
méthodes prohibées par des conventions internationales.
Incorrigible
Bush. Jusqu’au bout il aura biaisé, rusé pour que
les USA, leurs troupes et leurs agents demeurent au dessus de la loi
internationale.
Dimanche 27 avril 2008
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De nouvelles vues sur l’agriculture ?
En
lisant le Monde et Swissinfo.ch. Travaillant dans une
démarche analogue à celle du Giec pour l’examen du
problème du changement climatique, un groupe réunissant
plus de 400 experts internationaux a travaillé sur
l’Evaluation internationale des sciences et technologies
agricoles au service du développement (Eistad). Son travail,
soutenu par la banque mondiale et la FAO, a débouché sur
un rapport qui a été approuvé le 12 avril,
à Johannesburg, par les représentants de 59
gouvernements ; les États-Unis, le Canada et l'Australie
ont émis des réserves, notamment sur le rôle
insuffisant à leurs yeux, accordé au marché et aux
biotechnologies ; des firmes multinationales comme Monsanto et
Syngenta s'étaient dissociées de ce travail.
Dégageant les lignes de force d’un rapport de
quelques 4 000 pages, le Français Michel Dodet, de
l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), souligne
qu’il “propose une réorientation autour des savoirs
locaux et communautaires, afin de retrouver une autosuffisance
alimentaire. On ne peut pas jouer sur le seul facteur de la
technologie”. Pour l'agronome suisse Hans Rudolf Herren, le
groupe a abouti après quatre ans de travaux à la
conclusion que la production alimentaire actuelle n'est pas
durable : “Les crises alimentaires vont augmenter tant qu'on
poursuit sur la lancée actuelle, prédit l'agronome. Nos
méthodes épuisent les sols et consomment trop de
pétrole. Le changement climatique accentue les
sécheresses et les inondations. Les politiques agricoles, le
commerce mondial libéralisé et les agrocarburants
défavorisent l'alimentation des plus pauvres. Aujourd'hui,
l'humanité grignote son capital-terre”.
“Il y a une ignorance collective sur l'interaction entre
l'agriculture et les systèmes naturels, estime Achim Steiner,
directeur du Pnue, et ceci doit changer”.
Hélas,
si l’on considère les immenses programmes de nouvelles
cultures chimico-génétiques lancés par
l’agrobusiness un peu partout dans le monde - souvent à
l’encontre des paysanneries locales - on a le sentiment que de
puissantes forces continuent à pousser l’agriculture dans
la direction avec laquelle le rapport et ses auteurs nous invitent
à rompre...
Mercredi 16 avril 2008
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Crime contre l’humanité
En lisant Libération et Reuters :
face aux émeutes de la faim (voir mon "billet" du 11 ), Jean
Ziegler, rapporteur spécial des Nations unies pour le droit
à l’alimentation, s’indigne : “Quand le
prix du riz flambe de 52 % en deux mois, celui des
céréales de 84 % en quatre mois, et quand le prix du
fret explose avec celui du pétrole, on précipite 2
milliards de personnes sous le seuil de pauvreté”. Il voit
les responsabilités “principalement dans
l’indifférence des maîtres du monde, pays riches ou
grands émergents. Les opinions publiques
s’offusquent-elles de la famine dans le nord de l’Inde,
comme il y a deux ans, ou des populations du Darfour ?”. Et
il dénonce : “Quand on lance, aux
États-Unis, grâce à 6 milliards de subventions, une
politique de biocarburant qui draine 138 millions de tonnes de
maïs hors du marché alimentaire, on jette les bases
d’un crime contre l’humanité pour sa propre soif de
carburant…”.
“Crime contre l’humanité” : j’espère que la formule va faire mouche.
Il y a longtemps que je pense et que je tente de faire admettre que
nombre de réalités de notre monde, couramment
acceptées, ont une dimension criminelle : des revenus qui
se chiffrent en millions de dollars (ou des fortunes en centaines de
millions ou en milliards de dollars), les excessifs budgets
consacrés aux courses aux surarmement, les sommes
consacrées et à faire vendre des médicaments aux
effets nocifs, des produits d’usage courant dangereux pour la
santé ou pour le vivant, des aliments, nutriments et boissons
nuisibles, des armes et des drogues... Et tant que subsistent de par le
monde ces capacités d’indignation et de protestation, il
reste permis d’espérer.
Il ne s’agit pas d’exclure toute production
d'agrocarburants à partir de végétaux, mais
d’en soumettre chaque forme à un double examen : un
bilan écologique de sa production et de son utilisation (emprise
sur les terres, émissions de gaz à effet de serre,
utilisation d’eau...) ; et un bilan global humain,
nécessaire dès lors que nous arrivons à des
limites dans l’utilisation des ressources terrestres et que des
arbitrages vont devoir être fait, dans l’usage des
céréales et la mise en œuvre des terres, entre
alimentation humaine de base, élevage et production de carburant.
Et si cet arbitrage se fait essentiellement par le
marché, il dépendra du rapport des pouvoirs
d’achat : compte tenu des inégalités
actuelles, ce sera l’alimentation de base de multitudes humaines
qui sera sacrifiée.
Lundi 14 avril 2008
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La FAO s’alarme
“La
facture des importations céréalières des pays les
plus pauvres du monde” a augmenté de 37 % en
2006/2007 ; elle devrait augmenter de 56 % en 2007/2008 - de
74 % pour les pays d’Afrique à faible revenu et
déficit alimentaire -, s’inquiète la FAO :
“Les prix du pain, du riz, du maïs et de ses
dérivés, du lait, de l'huile, du soja et d'autres
produits de base se sont envolés ces derniers mois dans nombre
de pays en développement. Et cela, malgré les mesures
politiques prises (...)”.
D’où des émeutes de la faim en
Égypte, au Cameroun, en Côte d'Ivoire (où les prix
du riz ont plus que doublé), au Sénégal (où
les prix du blé ont doublé), au Burkina Faso, en
Éthiopie, en Indonésie, à Madagascar, aux
Philippines et en Haïti, tandis qu’au Pakistan et en
Thaïlande, “l'armée a été
déployée pour éviter le pillage de la nourriture
dans les champs et les entrepôts”.
“La hausse est due à l'envolée des cours
internationaux des céréales, des tarifs du fret et du
prix du baril de pétrole”, explique la FAO ;
elle estime à un chiffre se situant entre 1,2 et
1,7 milliard de dollars les besoins de financements
supplémentaires requis pour mettre en œuvre les programmes
et projets dans les pays les plus affectés par la flambée
des prix des denrées alimentaires : ces fonds
“permettraient de procurer des intrants et des biens aux
agriculteurs pauvres contribuant ainsi à doper la production
alimentaire au cours de la prochaine campagne agricole”.
Il
est certes plus que temps de réhabiliter les cultures
vivrières et de soutenir les politiques visant une
autosuffisance pour les produits de base : que de
dégâts causés en ces domaines par l’incurie
de certains gouvernants, par les insuffisances de l’aide publique
au développement et par la concurrence de denrées
subventionnées du Nord ! Mais il y a des pays en
déficit alimentaire durable ; il y à le gonflement
des bidonvilles qui comptent aujourd’hui plus d’un milliard
d’habitants ; il y a des humains sans ressources
monétaires et dont des céréales forment
l’aliment principal, mis en concurrence à travers les
réseaux de marchés avec de nouveaux consommateurs de
volailles et de viande d’Asie et, depuis peu, avec des
automobilistes qui ont fait le choix des biocarburants...
Si on n’y met le holà, notre monde va s’installer dans une nouvelle barbarie.
Vendredi 11 avril 2008
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Du micro-crédit au bien-vivre universel
Prix Nobel
de la paix 2006, infatigable promoteur du micro-crédit
reçu hier par le président Sarkozy, Muhammad Yunus est ce
matin l’invité de France Culture. Il parle de ses succès avec le micro-crédit dans les pays pauvres.
Très bien !
Il explique que cela peut aussi permettre de combattre la pauvreté dans les pays riches.
Dans
certains cas, pourquoi pas ? Car le micro-crédit
n’est pas une panacée : c’est un outil qui
donne une chance de mettre un pied dans le système marchand
à ceux qui en sont exclus ; sans aucune garantie
qu’ils ne retombent dans une forme ou une autre de
pauvreté.
Mais
il y a plus. M. Yunus évoque sa nouvelle vision : un
“nouveau capitalisme”, animé non par la recherche du
profit mais par la compassion et le sens social.
Là,
ça ne va plus du tout ; les définitions du
capitalisme sont diverses et variées mais toutes ont en commun
un point et c’est précisément “la recherche
du profit” ; alors un capitalisme sans profit c’est de
la poudre aux yeux pour le bon peuple et de la bouillie pour les
amateurs de pensée molle.
M. Yunus ne
s’arrête pas là. Il prône
“l’éradication de la pauvreté” :
“Je veux que chaque pays érige son musée de la
pauvreté, quand il aura éradiqué la
pauvreté à l'intérieur de ses frontières.
Cela semble fou, mais il est possible d'éradiquer la
pauvreté. Si nous le voulons tous, on peut y arriver”,
déclarait-il hier à Métro France.
Or
quiconque a quelque peu travaillé, ou tout simplement
réfléchi - sur les sociétés humaines et
leur histoire, l’économie marchande, le capitalisme,
l’espérance socialiste et ses dévoiements - sait
combien il est difficile de simplement réduire durablement la
pauvreté. Alors, annoncer son éradication dans une
période où les inégalités
s’accentuent dans presque tous les pays, et atteignent un
degré extrême dans le monde, est irresponsable et
trompeur. Y a-t-il un nom pour qui sème de fallacieuses
espérances ? Et n’est-ce pas une grave faute de le
faire quand on bénéficie de l’aura du Prix Nobel de
la paix ?
Mardi 1er avril 2008
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Le plein ou la vie ?
Dans une interview au journal dominical NZZ am Sonntag
publiée le 23 mars, Peter Brabeck, PDG de Nestlé,
premier groupe alimentaire mondial, déclarait : “Si
l'on veut couvrir 20% du besoin croissant en produits pétroliers
avec des biocarburants, comme cela est prévu, il n'y aura plus
rien à manger” - une affirmation pour partie fallacieuse
puisque ce sera pour des pauvres sans-terre qu’il “n'y aura
plus rien à manger”. Dans la foulée, il met en
cause la hausse des prix des céréales et le gaspillage
accru de l’eau qu’entraînera la production de
biocarburants : pour produire un litre de bioéthanol
il faut, selon lui, 4 000 litres d'eau.
Très vite s’est ouvert un débat, dont AlterNotre dégage les principaux temps, sous le titre “Rouler ou manger : faudra-t-il choisir ?”.
Dès le lundi 24 mars, Arnaud Lemoine, représentant
la FNSEA , dénonce des propos diffamants émis dans le
seul but de "payer toujours moins cher les matières
premières...". Mais, interviewé par France Info,
Jean Ziegler, rapporteur spécial des Nations unies pour le droit
à l'alimentation, reconnaît qu’en
l’état actuel des choses - avec l’épuisement
des ressources locales, la consommation excessive d'eau et la
spéculation - les biocarburants apportent plus de nuisances que
de solutions durables. Et Mme Tanner, analyste matières
premières au Crédit Suisse, confirme que les
biocarburants sont pour l’essentiel à la source de
l'augmentation des prix de produits tels que le blé, le
maïs ou le soja - un phénomène qu’amplifie la
spéculation...
AlterNotre rappelle que
cette hausse des prix avait été prévue en France,
dès le début de 2006, tant par la Commission
Interministérielle pour les Véhicules Propres et
Économes (CIVPE) - qui préconisait la mise en culture
d'environ 2 millions d'hectares de terres au profit des biocarburants -
que par l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) -
qui estimait que la production pour les biocarburants ne se limiterait
pas en France aux jachères, mais qu’elle entrerait en
concurrence avec la production pour l’alimentation sur des terres
jusqu’ici affectées à celle-ci.
Il
faut dire les choses clairement : en adoptant l’option
des biocarburants, on accepte que, dans les années ou les
décennies qui viennent, l’approvisionnement en carburant
des automobilistes contribuera à priver des populations pauvres
d’aliments de base ou d’eau. En bref : le plein pour
sa voiture ou la vie pour d’autres.
Et le fait que cette conclusion rejoint le propos du PDG de Nestlé ne me gène pas.
Jeudi 27 mars 2008
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Une irresponsabilité illimitée ?
Dans bien des villages, quand des gamins ont cassé
des ampoules ou des vitres, ils sont semoncés et leurs parents
indemnisent la commune. Et quand des jeunes ont été pris
pour avoir dégradé ou incendié, ils sont souvent
condamnés à des peines de prison. Mais voici qu’un
“sale gosse” d’excellente famille, qui a fait bien
pire, risque de s’en tirer avec quelques blâmes.
Entraîné par sa bande, désireux peut-être de
montrer à son père ce dont il était capable et de
permettre à des potes à lui de faire quelques bons coups,
il a engagé, il y a tout juste cinq ans, une expédition
punitive contre un caïd qu’avait déjà
affronté son père : facile, en quelque semaine
l’affaire était pliée. Et le premier mai 2003,
l’aventureux fils proclamait “la fin des opérations
majeures de combat en Irak”.
Aujourd’hui, ce dévot chef de clan est toujours
dans sa bulle : malgré le “coût humain et
financier élevé”, il affirme ne rien
regretter, assurant imperturbablement que "les succès que nous
constatons en Irak sont indéniables". Son bras droit - un ami de
son père à l’influence pernicieuse - le conforte
sans la moindre hésitation : il évoque “une
entreprise difficile, périlleuse, mais néanmoins
couronnée de succès” et juge
“impressionnants” les progrès accomplis en
matière de sécurité depuis sa
précédente visite à Bagdad ; bien plus,
à ceux qui lui rappellent que 66 % des Américains se
disent maintenant hostiles à cette guerre, il rétorque
sèchement : "Et alors? On ne va pas se laisser
détourner de notre cap par les fluctuations des sondages".
Ainsi, pour Cheney comme pour Bush le second, tout va bien !
Près de quatre mille militaires américains
tués et des dizaines de milliers gravement blessés ou
profondément déstabilisés. Du côté
des Irakiens, entre 100 000 morts et 1,2 million depuis mars 2003
et plusieurs millions de personnes déplacées, dans le
pays ou vers des pays voisins. Selon le CICR, dans la plus grande
partie du pays, la situation humanitaire reste “une des plus
critiques au monde. À cause du conflit, des millions d'Irakiens
ont difficilement accès à l'eau potable, à des
installations sanitaires et aux soins de santé”...
Tout va bien ! Le coût officiel des opérations
militaires est de 4 à 500 millions de dollars, mais la note
totale - avec notamment la reconstruction et les pensions des veuves et
des grands blessés - pourrait atteindre 2 à 3 milliards.
Avec sa politique clientéliste d’allégements
fiscaux, l’administration Bush a laissé se creuser les
déficits publics et des comptes extérieurs, et donc se
gonfler l’endettement extérieur - un endettement qui, avec
la crise des crédits immobiliers accordés au delà
du raisonnable et l’injection de liquidités pour endiguer
la crise bancaire, engendre la chute du cours du dollar. Compte tenu du
fait que la production irakienne de pétrole commence tout juste
à retrouver son niveau d’avant la guerre, bien des experts
reconnaissent que celle-ci a contribué à la hausse du
prix du pétrole.
Tout
va bien donc pour la très large gamme des firmes qui ont
bénéficié de commandes ou participé au
conflit. Tout va bien pour les firmes pétrolières qui ont
réalisé des bénéfices records. Mais, au
total, cette expédition punitive aura été une
catastrophe pour l’Irak et les Irakiens, déjà
gravement affectés par les conflits extérieurs et les
politiques de sanctions. Elle aura été un facteur de
dynamisation de l’islamisme radical et d’aggravation de
l’instabilité dans toute la région. Et, en
accentuant les déséquilibres et les dysfonctionnements de
l’économie américaine et du marché
pétrolier mondial, elle aura contribué à ouvrir
une nouvelle phase, plus dure, de la crise économique mondiale.
Quel tribunal pourra juger un jour les responsables de ce tragique
gâchis ?
Mercredi 19 mars 2008
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Un glas funeste
“L'OCDE sonne l'alarme sur l'état de la planète à l'horizon 2030”, titre le Monde. Le diagnostic établi dans les Perspectives de l’environnement de l’OCDE à l’horizon 2030
est implacable : “les émissions mondiales de gaz
à effet de serre progresseront de 37 % d'ici à 2030 et de
52 % d'ici à 2050 si les pouvoirs publics n'adoptent pas de
mesures nouvelles”. Et, parmi bien d’autres sources
d’inquiétude, “un milliard de personnes de plus
qu'aujourd'hui vivront dans des zones touchées par un stress
hydrique prononcé en 2030 ; et les décès
prématurés dûs à l'ozone
troposphérique pourraient avoir quadruplé dans le monde
à la même date”. Cependant, selon leurs auteurs,
“les Perspectives
montrent que relever les principaux défis environnementaux
d’aujourd’hui – y compris le changement climatique,
l’appauvrissement de la biodiversité, le manque
d’eau et les impacts de la pollution sur la santé –
n’est pas impossible ni inabordable”. Le secrétaire
général de l'OCDE, Angel Gurría,
l’affirme : “les solutions aux grands problèmes
d'environnement existent, elles sont applicables et elles sont
abordables, notamment si on les met en regard de la croissance
économique prévue et des coûts et des
conséquences de l'inaction”.
Bien des
alarmes semblables ont été lancées dans les
dernières décennies : des décennies de
lâcheté et de déni au cours desquelles la situation
est devenue bien plus difficile ; et plus dureront
l’indécision et les tergiversations, plus elle empirera.
Le secrétaire général de l'OCDE l’a si bien
senti qu’il met en garde les décideurs : “Je
vous préviens, si nous ne faisons rien, le tableau de notre
planète en 2030 ne sera pas agréable à
regarder”. Aimable litote : si dans les quinze ans qui
viennent nous faisons trop peu, l’irréversible sera
atteint dans bien des domaines ; et sur une Terre ravagée
par nos excès, de plus en plus d’humains vivront de plus
en plus durement.
Certes des décisions mûrissent, des mesures sont
prises, des effets positifs se manifestent : mais toujours trop
peu et trop tard. De nouvelles sources de dévastation sont
déjà à l’œuvre. Et ces alarmes
réitérées sonnent comme un glas funeste : le
glas d’une humanité de plus en plus entraînée
dans le tourbillon du “vivre pour consommer” ; le glas
de castes dirigeantes qui n’ont pas le courage de voir,
d’expliquer et de mettre en œuvre ce qu’exige la
situation.
Jeudi 6 mars 2008
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Le choc d’un mot
En lisant le Monde et des dépêches de l’AFP et de Reuters...
Avec une soixantaine de tués, dont des femmes et des
enfants, ce jour aura été “la journée la
plus meurtrière depuis la prise de contrôle de la bande de
Gaza par le mouvement islamiste Hamas”. Hier, le ministre
israélien de la défense Ehoud Barak avait fait savoir
qu'Israël préparait une offensive contre les activistes
palestiniens à Gaza ; et son adjoint Matan Vilnaï les
avait avertis : "Plus les tirs de roquettes Kassam
s'intensifieront, plus les roquettes augmenteront de portée,
plus la « shoah » à laquelle ils
s'exposeront sera importante, parce que nous emploierons toute notre
puissance pour nous défendre".
Très vite, le porte-parole de Vilnaï s’est
employé à préciser que le mot
« shoah » avait été employé
dans le sens de désastre - non dans celui de génocide ni
d’holocauste. De son côté, le porte-parole du Hamas
a rapidement réagi : "Nous sommes confrontés
à de nouveaux nazis qui veulent massacrer et brûler le
peuple palestinien".
Une centaine
de morts en quelques jours au sein d’une population coupée
du reste du monde et soumise à de sévères
privations : certes, ce n’est pas un génocide ;
les diplomates parlent d’usage disproportionné de la
force. Mais cela ne peut que susciter de nouvelles vocations de
combattants et de martyrs.
Sinistre
héritage de Bush et de Sharon : en huit ans la situation
s’est gravement détériorée. Peut-on attendre
du prochain président américain qu’il suscite et
impulse une dynamique de paix ?
Samedi 1er mars 2008
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Obstination présidentielle ?
En validant la loi instituant la rétention de
sûreté, le Conseil constitutionnel a précisé
que cette mesure "ne saurait être appliquée à des
personnes condamnées avant la publication de la loi" ou "pour
des faits commis antérieurement" à cette publication.
Mais le président Sarkozy persiste : il rappelle que
l'application immédiate de la rétention de
sûreté pour les criminels jugés dangereux demeure
"un objectif légitime pour la protection des victimes". Et il
demandé au premier président de la Cour de cassation
"d'examiner la question et de faire toutes les propositions
nécessaires pour (...) atteindre" cet objectif.
L’enjeu est d'importance : le principe de
non-rétroactivité des lois - qui pose qu'un
condamné ne peut retomber, pour la même affaire, sous le
coup d'une nouvelle loi pénale - apparaît comme un
obstacle à la mise en œuvre d'une mesure destinée
à renforcer la protection de victimes potentielles. Cependant,
la démarche du président choque dans la mesure où
elle donne le sentiment qu'il veut soit contourner soit outrepasser la
limite fixée par le Conseil constitutionnel.
Il est vrai que, dans sa décision, le Conseil laissait
ouverte une possibilité d'application immédiate de la
rétention de sûreté dans certains cas :
notamment pour des condamnés qui n'auraient pas respecté
les obligations judiciaires de la "surveillance de sûreté"
(soins, bracelet électronique, etc.).
Pour éviter qu'une crise institutionnelle s'ajoute aux
autres crises dont souffre la France, le président doit
très vite et très clairement montrer qu'il respecte la
décision du Conseil constitutionnel. Et si l'on veut que la
rétention de sûreté ne conduise pas à la
multiplication de prolongations de détentions à
durées indéfinies, l'administration doit être en
mesure d'assumer ses tâches de soins et de préparation
à la réinsertion, ce qui implique des moyens
adéquats.
Vendredi 22 février 2008
•••
Instabilité présidentielle
Dans un “appel à la vigilance
républicaine”, plusieurs responsables politiques,
d’orientations et d’engagements divers, ont
réaffirmé ensemble “un certain nombre de
convictions et de valeurs” :
« - Leur attachement au principe républicain et, en
conséquence, leur refus de toute dérive vers une forme de
pouvoir purement personnel confinant à la monarchie
élective.
« - Leur attachement aux fondamentaux d'une laïcité ferme et tolérante, gage de la paix civile.
« - Leur attachement à l'indépendance de la presse et au pluralisme de l'information.
« - Leur attachement aux grandes options qui ont guidé,
depuis cinquante ans, au-delà des clivages partisans, une
politique étrangère digne, attachée à la
défense du droit des peuples et soucieuse de préserver
l'indépendance nationale et de construire une Europe propre
à relever les défis du XXI° siècle».
Le premier ministre, François Fillon, a jugé
“profondément anti-démocratique" une
démarche qui, selon lui, vise “à tenter de
déstabiliser le président de la République”.
Sur leur manière d’exercer leur fonction, tous les
présidents de la V° République ont été
critiqués, voire attaqués - et notamment de Gaulle,
Giscard et Mitterrand. D’après mes souvenirs, aucun
premier ministre n’est intervenu pour les protéger
contre une prétendue “tentative de
déstabilisation”.
L’institution présidentielle serait-elle devenue instable ?
Samedi 16 février 2008
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Des loups dans la bergerie ?
«Dans le port
de Lagos, au Nigeria, des hommes chargent avec mille précautions
21 caisses pesant, au total, 330 kilos à bord d'un navire en
partance pour Oslo. Elles contiennent bien mieux que de l'or ou des
diamants : le trésor de l'agriculture africaine, soit 7 000
variétés de semences de niébé (fourrage),
maïs, soja et pois de terre. Le 26 février 2008, ces
graines seront les premières à prendre place dans le
fameux coffre-fort norvégien du Spitzberg chargé de
préserver la quintessence de l'agriculture mondiale ad vitam
aeternam . Bientôt, d'autres cargaisons quitteront le
Bénin, la Colombie, l'Ethiopie, l'Inde, le Kenya, le Mexique, le
Pérou, la Syrie... pour la même destination. Cette Arche
de Noé de l'agriculture mondiale conçue par
l'organisation non gouvernementale Global Crop Diversity Trust,
prévoit de conserver ainsi 2 millions de semences à
l'abri de toute catastrophe mondiale», nous rapporte Le Point du 7.
Justement, Ouest-France d'aujourd'hui nous décrit ce "coffre-fort" : «une
forteresse destinée à protéger la diversité
des espèces végétales (…) : des murs
en béton armé d'un mètre d'épaisseur ;
un couloir de cent mètres doté de doubles portes
blindées capables de résister aux plus violentes
explosions ; des containers en aluminium
réfrigérés et étanches destinés
à préserver les graines de l'humidité et
placés à 130 mètres sous la mer» : et tout cela à 1 100 km du pôle Nord, dans l'archipel de Spitzberg-Svalbard, en Norvège.
Pour le grand public, Bill et Melinda Gates - couple qui
cristallise la richesse, la bienfaisance et la puissance
américaines - auraient eu le souci d’assurer, pour la
sécurité de l'alimentation à l'échelle du
monde, la conservation et la disponibilité de la
diversité des semences. Mais qu'est donc cette ONG : Global
Crop Diversity Trust ? D’après son site, elle
réunit - si l'on prend en compte les donateurs et les "sponsors"
- de grandes organisations internationales (Banque mondiale, FAO), de
grands pays des cinq continents (Etats-Unis et Royaume-Uni en
tête) et des fondations (Gates, Rockefeller...) ; mais on
trouve aussi de grandes firmes (DuPont/Pioneer Hi-Bred, Syngenta,...)
et divers centres de recherches qui semblent, toutes et tous, partager
un commun penchant pour la génétique.
A-t-on jamais vu des bergers prendre des loups pour garder leurs
brebis ? Comment peut-on confier la sauvegarde de la
biodiversité mondiale à des firmes qui ont, dans trop de
pays, contribué à la dégradation des
biodiversités locales ?
Certes, ces firmes affirment, de concert avec les centres de
recherche génétique, qu'elles oeuvrent pour la
biodiversité de la planète. Admettons ce point de vue. Il
faut alors constater que coexistent désormais deux visions de la
biodiversité :
- la biodiversité héritée du travail
mené avec la nature par des générations de
cultivateurs soucieux d'obtenir des produits adaptés à
leurs sols et à leurs climats : une biodiversité
qu'il convient de sauvegarder, d'élargir et de renforcer avec
toute la prudence requise ;
- et la biodiversité recréée sous
l’emprise de la technoscience génétique,
conçue comme un instrument de maîtrise et de reformatage
de la nature, sous l'impulsion de quelques firmes dominantes : des
firmes qui voient le monde à travers les prismes de la monnaie,
du pouvoir d'achat et du profit.
Que vont faire ces firmes avec ces semences captées dans
toutes les contrées du monde pour être regroupées
dans le "coffre-fort" de l'archipel de Spitzberg-Svalbard ? Me
revient en mémoire ce précepte de mon mentor en
écologie : "Imagine le pire, tu resteras bien en dessous de la réalité”.
Dimanche 10 février 2008
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Un président calamiteux
“L'Amérique
est en guerre, l'Amérique est en récession,
l'Amérique n'a jamais été aussi forte”, déclarait le président Bush dans son discours sur l'état de l'Union le mardi 29 janvier 2002 : “le
monde civilisé est menacé par des dangers sans
précédent (…). La Corée du Nord est un
régime qui s'arme avec des missiles et des armes de destruction
massive. L'Iran est déterminé à se doter de ces
armes et exporte le terrorisme, et l'Irak continue de démontrer
son hostilité à l'égard de l'Amérique et
soutient le terrorisme. Le régime irakien conspire depuis plus
de dix ans pour développer le bacille du charbon, des gaz de
combat et des armes nucléaires (…) ; en cherchant
à se doter d'armes de destruction massive, ces régimes
représentent un danger de plus en plus grave” - le redoutable “axe du mal”. Jouissant d’une forte popularité, le président Bush se disait déterminé à “empêcher
les régimes qui soutiennent le terrorisme de menacer
l'Amérique ou (ses) amis et alliés avec des armes de
destruction massive” et il annonçait "la
plus grosse augmentation des crédits de la défense qu'on
ait vue depuis vingt ans (…). Quel que soit le prix à
payer pour défendre notre pays, nous le paierons”.
Six ans plus tard, il y a eu 150 à 300 000 victimes
en Irak et près de 4 000 morts parmi les militaires
américains ; les talibans se réimplantent en
Afghanistan, la situation est pire que jamais en Palestine, incertaine
au Liban, effroyable en Irak… Pour se rassurer, le
président Bush, qui entame sa dernière année de
mandat au plus bas dans les sondages, se rassure, dans son dernier
discours sur l’état de l’Union, avec cette nouvelle
rodomontade : “Al-Qaïda commence à quitter l'Irak et cet ennemi sera bientôt vaincu”.
Au Moyen-Orient, les régimes pro-américains redoutent une
nouvelle initiative armée contre l’Iran ; aux
États-Unis, la situation des pauvres et des classes moyennes
s’est détériorée ; dans le monde,
l’image de ce grand pays qui refuse de se joindre à
l’effort commun pour limiter le réchauffement climatique,
est profondément dégradée.
Un président élu lors d’un scrutin litigieux
contre Al Gore en 2000, mais clairement réélu par les
Américains en 2004. Un président pieux, patriote, habile
dans l’art de ne pas dire la vérité et qui
s’est lancé dans une croisade contre le terrorisme sans
connaître le monde et sans avoir mesuré la
complexité du Proche-Orient… Sans doute la
présidence du second Bush apparaîtra-t-elle comme la
première des sept calamités du XXIe siècle.
Mardi 29 janvier 2008
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Alors que dollars et euros s’évaporent par milliards…
Reçu le dernier numéro d’Économie et Humanisme,
un numéro qui publie un dossier sur "la participation des
citoyens, promesse de développement" et, parmi rubriques et
chroniques, mon article “Face au basculement du monde”.
Un discret message est encarté dans le
numéro : “Une situation de rupture financière
due, ces tous derniers mois, à la non-réalisation
d’actifs financiers, conduit l’association éditrice
de la revue à suspendre sa parution après ce
troisième numéro de l’année 2007”.
Fondée en 1942 par L.-J. Lebret , cette revue est une des
rares à avoir eu le souci d’imprégner
d’éthique de la responsabilité et de souci du bien
humain l’étude des réalités
économiques et sociales. J’espère
que sa publication pourra reprendre prochainement : car
l’éthique, la responsabilité,
l’élévation de la qualité humaine sont
indispensables pour que l’humanité sorte sans trop de
dégâts de la mauvaise passe dans laquelle elle s’est
mise.
Vendredi 25 janvier 2008
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A tâtons
Ce qui est fascinant dans l’actuelle crise
financière mondiale, issue de la crise états-unisienne
des “subprimes”, c’est que depuis des semaines, nul
ne sait où ça va s’arrêter.
C’est, bien sûr, dans la nature de toutes les crises
financières internationales ; mais l'incertitude est
terriblement accentuée depuis quelques décennies par
l’extrême sophistication des marchés et par la
multiplication d’actifs financiers dérivés,
mués en abstractions informatiques, dont le jeu incessant
fascine les génies de la spéculation.
Mais, dès lors que la dynamique s’enraye ou
s'emballe, les mêmes banquiers ou financiers qui jusque-là
comprenaient tout perdent soudain - comme d'autres jadis leur latin -
l'entendement.
Mercredi 23 janvier 2008
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Visites présidentielles au Moyen-Orient
Incident naval La visite du président Sarkozy, rapide,
comme hâtive, a été perçue par certains
observateurs de la région comme celle d’un “super
commis-voyageur”. Cependant, il ne s’est pas
contenté d’apporter son soutien aux entreprises
françaises - du nucléaire notamment ; il a
signé un accord pour l’établissement d’une
base militaire face à l’Iran, à Abu Dhabi :
pour montrer “au monde que la France est aux côtés
des Émirats arabes unis”.
Qu’allons-nous donc faire dans cette galère ?
Avant le début de sa visite en Israël et en
Palestine, le président Bush avait affiché son souci de
soutenir l’avancée des négociations...
appelées à préparer la paix. Mais, dès le
premier jour, il est apparu que l’Iran était au centre de
ses discussions avec Ehoud Olmert, le premier ministre
israélien. Quelques jours plus tard à Abou Dhabi, au
cours d’un discours sur la démocratie, il haussait le
ton : “L'Iran est le premier Etat à parrainer le
terrorisme dans le monde (…). Les actions de l'Iran menacent la
sécurité de pays partout dans le monde” ; et
il invitait les amis des États-Unis à “faire face
à ce danger avant qu'il ne soit trop tard”. À
Riyad, il invitait les dirigeants saoudiens à l’aider dans
son effort pour isoler Téhéran.
Mais, lors d'une conférence de presse à laquelle
participait la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza
Rice, le ministre saoudien des affaires étrangères, le
prince Saoud Al-Fayçal a déclaré en réponse
à des journalistes : “L'Iran est un pays voisin, un
pays important dans la région (...). Nous n'avons bien sûr
rien contre l'Iran”. Et, en écho à la demande du
président Bush de "tendre la main" à Israël pour
faciliter un règlement du conflit israélo-palestinien, il
avait glissé: "Je ne sais pas ce que nous pouvons faire de plus
vis-à-vis des Israéliens",
Comme si, comme bien
d’autres dans la région, les dirigeants saoudiens
redoutaient plus que tout une troisième intervention miltaire
états-unisienne dans la région...
Dans le même temps, à Madrid, le premier ministre
espagnol Jose Luis Zapatero ouvrait, sous les auspices de l’Onu,
le premier forum de l’Alliance des civilisations : celle-ci,
a-t-il déclaré, “prétend démontrer
qu'il existe des voies pratiques de collaboration entre le monde
islamique et le monde occidental qui démentent l'idée
supposée d'affrontement inévitable entre civilisations et
cultures”.
Sans doute, pour nos deux présidents, faire le détour par Madrid aurait été comme un chemin de Damas.
Mercredi 16 janvier 2008
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Soupir
Incident naval irano-américain dans le détroit
d'Ormuz. "La visite du président Bush cette semaine est
destinée à offrir une idéologie de l'espoir", a
annoncé la Maison Blanche. Mais Al-Qaida a appelé
à l'accueillir "avec des bombes et des voitures
piégées", tandis que le président
américain, envisageait d'intensifier les actions clandestines
dans la zone tribale du Pakistan. Selon une ONG israélienne,
plus de 150 000 Palestiniens, jugés par des tribunaux militaires
depuis 1967, l'ont été le plus souvent sans que soient
respectées les règles élémentaires de la
justice. Du Caire, la Ligue arabe propose, à l'unanimité
de ses 22 membres, un plan en trois volets pour mettre un terme
à la crise politique intérieure libanaise.
Dans la violence des détestations, des menaces et des attentats, les efforts d'apaisement me semblent des soupirs.
Lundi 7 janvier 2008
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Menaces et sagesse
Le rallye-raid Dakar, dont le départ devait
être donné ce matin à Lisbonne, a été
annulé hier par ses organisateurs. C'était le vœu
du gouvernement français après l'assassinat de quatre
touristes, il y a une dizaine de jours, puis la mort de trois
militaires dans une attaque en Mauritanie ; en outre des services de
renseignement auraient capté des messages évoquant des
projets d'attentats ; et parmi les quelques centaines de combattants
islamistes présents dans ces zones désertiques, certains
disposeraient de missiles et de 4x4 équipés de
lance-roquettes. Ainsi, comme les tours du World Trade Center, le
célèbre Paris-Dakar aurait pu être la cible
d'al-Qaida ou de ses émules. Dans ce raid ne retrouve-t-on pas,
comme dans les tours, l'hubris des firmes qui dominent notre monde ?
Beaucoup vont voir, dans cette annulation, un succès pour
les groupes terroristes et une raison supplémentaire de
renforcer les dispositifs contre eux.
Or il est un autre aspect, à mes yeux au moins aussi
important : c'est l'extrême vunérabilité de nos
sociétés de hautes technologies et d'hyper-consommation.
Regardons autour de nous : que de stockages, de réservoirs, de
pipe-lines et de sites productifs dont les attaques pourraient
être dramatiques pour des quartiers, des villes ou des
contrées ! Que de systèmes de transports et de
communications dont le blocage paralyserait des
approvisionnements, des paiements ou le fonctionnement de
systèmes complexes dont peuvent dépendre de larges zones
d'activité et de vie !
La sagesse - mais est-ce avisé de mettre ce terme en avant
? - la sagesse serait de restructurer tous les systèmes
hypercentralisés en systèmes de sous-systèmes
potentiellement autonomes et susceptibles de s'auto-réorganiser
entre eux ; pour les biens essentiels - eau, énergie,
alimentation - ce serait de maintenir ou de recréer des
capacités productives liées à la vie locale : une
raison supplémentaire de promouvoir rapidement et massivement
les équipements permettant d'innombrables accès durables
à des énergies renouvelables. La sagesse serait de mener
un double effort : pour que les besoins essentiels soient de mieux
en mieux satisfaits et pour que reflue la folie contemporaine du
"vivre pour consommer" - que la publicité tend maintenant
à inculquer aux enfants dès leur plus jeune âge. La
sagesse serait d'inventer une frugalité postmoderne.
Certains penseront qu'on est bien loin du Paris-Dakar.
Assurément.
Samedi 5 janvier 2008
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Quand Sarkozy prêche
Tout nouveau "chanoine d'honneur", le président Sarkozy
n'a pas hésité à se placer dans la foulée
de son hôte Benoist XVI : « Je partage l'avis du pape quand
il considère, dans sa dernière encyclique, que
l'espérance est l'une des questions les plus importantes de
notre temps », a-t-il déclaré le 20 décembre
lors de son discours à Saint-Jean-de-Latran. Il se
référa aux propos du pontife sur les petites et les
grandes espérances « qui, au jour le jour, nous
maintiennent en chemin » ; puis il le cita longuement : «
Quand les espérances se réalisent, il apparaît
clairement qu'en réalité, ce n'est pas la
totalité. Il paraît évident que l'homme a besoin
d'une espérance qui va au-delà. Il paraît
évident que seul peut lui suffire quelque chose d'infini,
quelque chose qui sera toujours ce qu'il ne peut jamais atteindre.
[…] Si nous ne pouvons espérer plus que ce qui est
accessible, ni plus que ce qu'on peut espérer des
autorités politiques et économiques, notre vie se
réduit à être privée d'espérance
». Sur cette lancée, Sarkozy exposa ses propres vues,
allant jusqu'à affirmer que « la morale laïque risque
toujours de s'épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle
n'est pas adossée à une espérance qui comble
l'aspiration à l'infini ».
Considérant ma vie comme s'accomplissant sur cette Terre
et bornée par la mort, je respecte totalement ceux qui croient
en une autre vie et qui placent en elle leurs espérances
majeures.
Mais je trouve inique et infondée cette
dépréciation de la morale laïque : des morales
religieuses n'ont-elle jamais débouché sur le fanatisme
ni connu l'épuisement ? Comme je trouve outrageante et
insupportable la dévalorisation des espérances non
inspirées par la religion ou la spiritualité.
Dans le monde tel qu'il est - avec une Terre
déstabilisée et épuisée par notre
irresponsabilité, avec des sociétés injustes qui
créent sans cesse de nouveaux besoins sans veiller à ce
que les besoins essentiels de tous soient satisfaits - je crois que
c'est dans la conscience de notre responsabilité que doivent
s'enraciner nos espérances majeures : pour la sauvegarde de la
Terre et du Vivant, pour le devenir de l'Humanité, pour
l'élévation de la qualité humaine.
23 décembre
2007
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L’Amérique de Bush contre le monde
Après des semaines de travail
et d’intenses négociations, la Conférence
de Bali, n’avait pas abouti à l’heure
de sa clôture. Deux questions majeures restaient
en suspens : celle des transferts de technologies
adaptées, primordiale pour les grands pays
émergents, comme pour les pays pauvres subissant
les effets du réchauffement en cours : et celle
des objectifs chiffrés de réduction
des émissions de gaz à effet de serre
pour 2020 et 2050, dont l’Union européenne
avait fait son cheval de bataille. Sur ces deux points
Washington - l’administration Bush - bloquait.
Or cette conférence devait permettre
d’ouvrir la voie à un accord qui, en
2009, devrait mettre en place le dispositif destiné
à prendre la suite, en 2012, du protocole de
Kyoto - toujours non signé par les États-Unis.
Bref, c’est l’avenir du monde qui est
en jeu : car si le réchauffement n’est
pas maîtrisé à un niveau modéré,
le siècle qui vient sera terrible.
La tension était extrême. Houspillé
par un représentant de la Chine pour une question
de procédure, le responsable climat de l’ONU,
au moment de répondre à la tribune,
a éclaté en sanglots. Puis, alors
que les délégués se succédaient
à la tribune pour exprimer leur accord avec
le texte de compromis issu des ultimes et âpres
tractations, la déléguée des
États-Unis est venue déclarer, qu’en
l’état actuel, les Etats-Unis ne pouvaient
pas l’approuver : huées dans la salle,
le délégué de Papouasie-Nouvelle
Guinée l’apostrophe : “Eh
bien si c’est comme ça partez, quittez
cette salle...” Quelques minutes plus tard,
la déléguée américaine,revenait
à la tribune pour annoncer que les Américains
avaient finalement décidé de se
joindre au consensus.
Comme bien d’autres luttes désormais
vitales - pour l’eau, pour une atmosphère
saine, pour la diversité biologique, pour une
terre vivante, pour une humanité solidaire
et humaine - celle pour la maîtrise du changement
climatique nécessite une dynamique planétaire.
La résistance de l’administration Bush
est une menace pour tous. La Terre est en danger,
notre vie sur notre planète est en danger.
L’union de toute l’Humanité va
être nécessaire : ce qui implique un
surcroît de responsabilité de ceux qui
sont à l’origine des déséquilibres
actuels comme de ceux qui disposent des moyens économiques,
technologiques et financiers les plus importants.
À ces deux titres, la responsabilité
des États-Unis d’Amérique est
majeure.
15 décembre
2007
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