À
Calliope...
Cette dédicace ouvre la plupart de mes livres et je
la retrouve avec plaisir dans les traductions : une dédicace
qui a du paraître sybilline à plus d’un.
Quel tribu payè-je ainsi à la muse de l’éloquence
et de la poésie héroïque ?
C’est tout simple mais faisons un détour. Chaque
fois qu’un étudiant ou une étudiante me
consultait en vue d’une thèse, je l’avertissais
: bien sûr, vos qualités, votre savoir, vos aptitudes
à la recherche vont être décisifs. Mais
la compréhension, l’accompagnement, le soutien
de votre entourage seront indispensables ; et il aura à
subir les contre-coups de votre effort, de vos blocages et
de vos difficultés.
Or voilà un demi-siècle que, tout en restant
pleinement elle-même, Calliope me supporte, m’accompagne
dans mes travaux et me soutient dans les moments difficiles.
C’est bien le moins que je l’en remercie et que,
par cette simple dédicace, j’indique combien,
pour chaque livre, je lui dois.
Je lui dois aussi, ai-je déjà dit, la découverte
de la Grèce et de la Méditerranée et
d’avoir pris conscience plus tôt et plus profondément
des dégâts que nous causons à la Terre
et au Vivant. Je lui dois d’avoir passé une longue
part de notre vie à Vézelay - qu’elle
a défendu avec succès contre la menace de l’ouverture
d’une vaste exploitation de fluorine ; je lui dois d’inoubliables
promenades à cheval au long de la Cure et dans les
forêts du Vézelien.
Je lui dois aussi d’avoir très tôt écouté
les chansons d’Hélène Martin et celles
d’Anne Sylvestre, mais aussi les interprétations
de Chopin et de List par Cziffra. Je lui dois de m’avoir
fait profondément comprendre et sentir combien importe
le respect de la vie et du vivant : “Ce que l’on
fait aux animaux, on le fera aux hommes”, m’a-t-elle
souvent soufflé.
Et puis, entre autres, nous avons en commun cette conviction
: face au monde, conserver sa capacité d’indignation
aide à ne pas trop mal vieillir… |