Billet d'un jour

Ces billets sont écrits en réaction à des évènements, des propos significatifs (du fait de leurs auteurs ou de leurs contenus), des décisions prises ou éludées. Ils peuvent aussi être l' expression d' une inquiétude, d' une irritation ou d' une colère. Je peux même m' autoriser de temps à autre un épanchement d'humanisme ou un appel à telle ou telle des valeurs qui font la qualité humaine...

J'ai délaissé cette rubrique quelques mois pour la rédaction de mon livre. Je la reprends après la publication de Face au Pire des mondes.




  • 15 février 2012
    Tout expliquer par «les marchés» : voilà la grande mystification de ce début de XXI° siècle. Aujourd’hui, l’argent signe l’ordre et les désordres du monde. Car derrière les marchés et l’argent, règnent sur d’inconcevables inégalités d'insatiables prédateurs : financiers, spéculateurs et oligarchies sans conscience.

    *
    13 février 2012
    Il n’existe pas une voie vers un monde meilleur.
    «La Voie» ?
    Quelle aberration !
    Comment prôner la complexité et annoncer - en vérité, je vous le dis... - «La Voie» ?
    La Terre, le Vivant, chaque société, l’Humanité..., chacune de ces réalités est d’une effarante complexité, comme le sont les puissances et les logiques sociales qui nous poussent vers le pire.
    Et il y aurait une solution, une panacée, une baguette magique, une formule, une idée qui ouvrirait «La Voie» ? Quelle sinistre sottise. Une calembredaine à laquelle aucun être sensé ne peut croire.
    Face aux forces hitlériennes, Churchill promettait à ses concitoyens du sang et des larmes. Pour s’arracher aux puissants courants et tourbillons qui nous entraînent, il nous en faudra des efforts et des sacrifices, de la volonté et de la ténacité, de la générosité et de l’espérance
    Et il nous en faudra aussi pour aider à émerger le monde meilleur auquel beaucoup d’entre nous aspirons .

  • *
    7 février 2012

  • Étrange paradoxe


  •    Qui voit et observe, le sait ; qui regarde la télé, lit son journal ou va au café, en est informé ; qui lit, écoute, réfléchit, en a pris conscience : NOUS DÉVASTONS NOTRE PLANÈTE.
    Nous, des centaines de millions de consommateurs plus ou moins avides et gaspilleurs, suivis d’autres centaines de millions,  CONTRIBUONS, AVEC NOTRE MODE DE VIE, À LA DÉVASTATION DE LA TERRE, ET NOUS LE SAVONS. Nous savons que quelques milliards aspirent à faire de même, tandis qu’un ou deux milliards s’acharnent à survivre. Nous savons que nous sommes pris dans l’engrenage «emploi-travail-revenu-pouvoir d’achat-consommation» et entraînés à toujours consommer plus dans un engrenage.
    Un engrenage dominé par DE PUISSANTES FIRMES - DÉVASTATRICES, IRRESPONSABLES, DOMINATRICES - qui tiennent ou influencent les États, investissent les organismes interétatiques et manipulent des oligarchies obnubilées par la défense ou le renforcement de leurs privilèges.


    Mais ce paradoxe n’a rien d’étrange : c’est la bonne vieille histoire du demeuré ou du cinglé qui scie la branche sur laquelle il est assis. ET NOUS, NOUS DÉVASTONS LA PLANÈTE D’OÙ NOUS TIRONS DEPUIS QUE NOUS SOMMES, TOUTES NOS RESSOURCES ET TANT D’AMÉNITÉS.
    Sauf que nous ne sommes pas sept milliards de débiles. Nous sommes héritiers de civilisations qui ont laissé des prodiges : sagesses, savoirs, éthiques, sciences, connaissances, pensées et capacité de penser : donc capacités de comprendre, prévoir, décider, agir en conséquence, en esprit de responsabilité. NOUS, PRODUITS D’UNE ÉVOLUTION D’UNE CENTAINE DE MILLIONS D’ANNÉES ET FIERS DE L’ÊTRE, NOUS DÉVASTONS LA  PLANÈTE À QUI NOUS DEVONS TOUT.
    NOUS LE SAVONS.
    NOUS CONTINUONS.
    NOUS LE DÉPLORONS , NOUS NOUS EN INQUIÉTONS.
    ET NOUS DÉVASTONS DE PLUS BELLE.
    S’il n’y a pas là un paradoxe.
    S’il n’est pas étrange.
    Alors, c’est bien pire : il y a des rationalités dans tout ça ; il y a des décisions ; il y a des responsables, des coupables ; il y a des addictions ; il y a des engrenages...
     Il y a aussi l’art de ne pas voir ; l’art d’occulter ce que l’on sait ; l’art de mettre entre parenthèse ce que l’on sait, et qui inquiète ; l’art d’enfouir sous plein de bonnes raisons, les choix éthiques et les résolutions de sortir de l’engrenage - un peu comme, à l’arrivée d’invités, on dissimule sous le tapis un petit tas de poussière oublié.
    L’ART DE NE PAS CROIRE CE QUI À L’ÉVIDENCE EST EN TRAIN D’ADVENIR.
    Ce refus individuel de voir n’empêche pas des gestes positifs. Mais, multiplié par des centaines de millions, couvert par les publicités et les communications des grandes firmes, nourri par la presse qui contribue massivement à l’occultation de la misère et de la débâcle planétaire, renforcé par toutes des démagogies ordinaires, il conduit au pire.
    Un peu comme ce fut le cas, dans les années 1930 pour la montée du nazisme. Or la célébration du vingtième anniversaire de RIO 1992 - le premier sommet de la planète s’annonce comme un grand show politico-médiatique.

    *

  • Le pire des mondes ?


       Le pire des mondes, c’est un monde d’extrême inégalité :
    - un monde où s’affiche l’arrogante  puissance de l’argent, alors que s’étendent précarité, insécurité, pauvreté et misère
    - un monde où des oligarchies captent toujours plus de milliards, alors que des milliards d’humains manquent de l’essentiel - sans revenus, ni terres à cultiver, et pour beaucoup sans eau ni nourriture...

       Le pire des mondes, c’est un monde soumis à d’implacables tyrannies :
    - avec, partout dans le monde, sous la pression de très grandes firmes, des travailleurs épuisés, des ressources surexploitées, la Terre dévastée
    - avec, sous la férule d’un nouvel intégrisme libéral, le monde livré à la rapacité de puissants prédateurs - financiers, spéculateurs, hommes d’affaires ou de pouvoir

       Le pire des mondes, c’est un monde où l’extrême puissance confère, non pas de plus grandes responsabilités, mais une irresponsabilité quasi-illimitée :
    - un monde où dirigeants d’États et de très grande firmes, financiers et spéculateurs internationaux bénéficient de nouveaux privilèges d’irresponsabilité et d’impunité.
    - un monde où demeurent impunis les dégradations, les dévastations  commises par ces grands prédateurs contre des populations humaines ou des espèces vivantes, des petites régions ou la Terre

       Eh bien ce monde - chacun le sent et beaucoup s’en inquiètent - ce monde s’installe, s’étend, se consolide implacablement.



  • Publié par le Seuil

    FACE AU PIRE DES MONDES

    est sorti en librairie fin septembre


  • JUILLET 2011

    Depuis des mois, concentré sur la préparation de mon prochain livre, 
    j'ai délaissé cette rubrique.

  • MAI 2010 : 
  • • Pourquoi pas le yoyo ?
  • AVRIL 2010 : 
  • • À hue et à dia, Gribouille
    FEVRIER 2010 :  •  Errare humanum est, Écrit il y a 13 ans : Jour de colère
    JANVIER 2010 :  •  Le one-man-show de Sarko, Écrit il y a déjà 21 ans...: En guise de final DECEMBRE 2009 :  • La Chine s’affirme, A quelques élus du Pays de Fontenay • Libéralisme des puissants
  • OCTOBRE 2009 : 
  • Nobel de la paix : un choix incompris, Le culot d’Hulot, C’est la France qu’ils ne cessent d’agonir... d’injures, de mépris et de morgue
  • SEPTEMBRE 2009 : 
  • Sur la crise en Sud-Vendée, Délires techoscientiques, Drame planétaire farce parisienne
  • AOÜT 2009 : 
  • Longue vie aux algues vertes ?, Tueurs anonymes
  • JUILLET 2009 : 
  • Électricité intelligente
  • JUIN 2009 :
  • Le PS à vau-l’eau, Obama au Caire MAI 2009 : Soupçon de terrorisme, Politiques de santé ?
  • AVRIL 2009 :
  • Durban II à Genève, Fallacieuses autosatisfactions
  • MARS 2009 :
  • Quelles réponses à quelle crise ?, Pourquoi faut-il qu’il m’en souvienne ?
  • FEVRIER 2009 :
  • Pauvres de nous..., Quand souffle l'esprit
  • JANVIER 2009 :
  • "La Torah nous interdit..., Gaza : la politique de l'hyperchoc, Obama et les oligarques


    Ouvrir Billet 2008

  • DECEMBRE 2008 :
  • Frappes de fin d'année, Quand Baverez tente de récupérer Keynes, Climat : une étape décisive
  • NOVEMBRE 2008 :
  • Inquiétant CO2, Obama élu, Une veille chargée d'incertitudes
  • OCTOBRE 2008:
  • 25 000 000 000 000 $, Face à la crise financière, Fort rebond des bourses, Quand une crise en masque une autre, Le Plan Paulson adopté par le Congrès
  • SEPTEMBRE 2008 :
  • Bush contré par le Congrès, La vérité si je mens, 0 + 0 = 0., L'humanité vit au dessus de ses moyens, Mille milliards de sabords, Surmortalité des abeilles, Bush sauve Freddie et Fannie, Eau : les limites, La bombe inégalitaire
  • AOÛT 2008 :
  • Technoscience et santé,  Dans la gueule..., Inentendus tocsins, Des zones océanique sans vie, La 6ème extinction des espèces, Un inquiétant sac d'embrouilles, Obama et l'American way of life.
  • JUILLET 2008 :
  • Blocage à l'OMC, Au nom de Dieu, Le Trésor US au secours de Freddie et de Fannie, Dérèglements et dissensions, La Russie hausse le ton
  • JUIN 2008 :
  • Plantes et bêtes s'adaptent, Vingt ans déjà..., Une menace planétaire ?, Monsanto Bayer BASF and Co, Méduses proliférantes, Les plus pauvres dépérir tu laisseras..., La démocratie dévoyée, Résolutions et vœux pieux
  • MAI 2008 :
  • La faute au système ?, Destruction massive d' espèces
  • AVRIL 2008 :
  • America über alles ?, Lula contre Ziegler, De nouvelles vues sur l'agriculture ?, Crime contre l'humanité, La FAO s'alarme, Des courtiers performants, Prix alimentaires, Du micro-crédit au bien-vivre universel
  • MARS 2008 :
  • Obama et la question sociale, Rice Obama et la question raciale Le plein ou la vie ?, Une irresponsabilité illimitée ?, Obama s'affirme, La crise selon Bush, Un glas funeste, Le choc d'un mot McCain/Obama sur l'Irak, Obstination présidentielle ?, Instabilité présidentielle, Géosciences salvatrices, Des loups dans la bergerie ?, Crise alimentaire, Gaz à effet de serre US
  • JANVIER 2008 :
  • Un président calamiteux, Alors que dollars et euros s'évaporent par milliards…, A tâtons, Visites présidentielles au Moyen-Orient, Production d'eau, Soupir, Menaces et sagesse
  • DÉCEMBRE 2007:
  • Quand Sarkozy prêche, L'Amérique de Bush contre le monde

    JUILLET 2011

    Depuis des mois, concentré sur la préparation de mon prochain livre, 
    j'ai délaissé cette rubrique.

    Publié par le Seuil

    FACE AU PIRE DES MONDES

    va sortir en librairie fin septembre



  • Text


     Com

        Date

    MAI 2010

    Voir aussi, par CALLIOPE, LA DAME SUR LE NET...

    Pourquoi pas le yoyo ?

      La politique économique est un art. Comme la médecine. Un art nourri de connaissances et d’expérience, et qui assume la complexité d’une réalité non modélisable : tout simplement parce qu’il est impossible de programmer à l’avance les décisions - donc les anticipations - de centaines de milliers (ou de millions) d’acteurs. Un art qui consiste à aider à se réguler une réalité qui n’est que dans la complexité de sa totalité.

      Bien des politiques économiques sont possibles. Chacune a des effets positifs et des conséquences fâcheuses. Le pire est, le plus souvent, de naviguer à courte vue sous la pression d’événements ou d”intérêts dominants, ce qui conduit à des “politiques de Gribouille” (voir la chronique d’avril).

      Depuis des années, beaucoup d’économistes critiquent les méfaits de l’euro fort, notamment des difficultés accrues à l’exportation - en en oubliant les avantages, par exemple le pétrole moins cher.
      Mais voici que depuis quelques temps l’euro fléchit. Beaucoup (en partie les mêmes) s’en inquiètent. Certains même dramatisent : “l’euro décroche” - alors qu’il serait intelligent d’en évaluer les avantages, un peu comme au judo ou au jeu de go.

      Le plus sage aurait à mon sens été de laisser filer l’euro en silence, sans manifester de réaction, sans indiquer d’intention ni de bornes fixées à sa baisse. Les importations auraient été plus coûteuses, les exportations plus faciles, le tourisme en Europe plus attrayant, et l’euro et sa zone à nouveau promis à un bel avenir. Le plus probable est que, bien avant qu’il soit arrivé à la parité avec le dollar (1€=1$) - ce qui n’a en soi rien de dramatique - l’euro aurait commencé à remonter, tout simplement parce que c’est l’intérêt commun des États-Unis et de la Chine. 

      Mais les spéculateurs ont beau jeu face aux discordes et aux caquètements velléitaires des gouvernants de l’Europe.


     Com

        Date

    AVRIL 2010

    À hue et à dia

      “Il est normal que les uns tirent à hue et les autres à dia. À ne pas vouloir choisir, au mieux on reste immobile, au pire on est écartelé”, écrivait Robert Escarpit dans un de ses billets du Monde, à propos du clivage droite-gauche en France (Duneton, La Puce à l’oreille, p. 204). C’était le bon temps.

      Aujourd’hui, le monde est en plein bouleversement, avec la Chine, l’Inde, l’Asie qui irrésistiblement s’affirment, les  États-Unis prêts à utiliser tous leurs atouts pour au moins demeurer dans le peloton de tête et des puissances régionales qui se renforcent. Mais, face à chaque problème, les dirigeants européens tirent à hue et à dia.

      Désunie, sans dynamique et sans ambition, l’Europe ne peut que s’enfoncer.

    Gribouille

      “Fin comme Gribouille, qui se jette dans l’eau crainte de pluie ; se dit de celui qui, pour éviter un mal, se jette dans un autre” (Littré, 1873).

      “Politique de Gribouille : façon d’agir qui fait précipiter dans des difficultés plus grandes que celles qu’on cherche à éviter” (Littré, complément 2007).

      Exemples tirés de l’Encyclopédie en ligne du XXI° siècle :
      “Politique de Gribouille, celle qui, pour permettre à quelques-uns de « travailler plus pour gagner plus », a détaxé les heures supplémentaires, aggravant ainsi les déficits sociaux, réduisant les créations d’emploi, aggravant donc le chômage et condamnant beaucoup à « travailler plus pour gagner moins »”.
      “Fin comme Gribouille qui, en jetant à des banques à l’origine d’une crise majeure des centaines de milliards, creuse les déficits et gonfle l’endettement de l’État, le mettant ainsi à la merci de la finance mondiale”.
      “Comportement de Gribouille, celui qui consiste à réunir conférences, consultations et débats sur l’environnement et un nouveau modèle de développement, pour déclarer, après avoir fait fort peu : « Ça commence à bien faire »”.

      Mais qui pourrait à Gribouille inculquer ce précepte majeur : « Au pouvoir, on ne dit pas ce qu’il faut faire : on fait, ou on se tait » ?


    Février 2010

    Errare humanum est

      “Tous les glaciers de l’Himalaya pourraient disparaître d’ici 2035” : cette prévision dont je me suis fait l’écho le 28 novembre dernier était erronée. La mise en refief de cette erreur s’inscrit dans une campagne de dénigrement et de déstabilisation du Giec (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat) commencée bien avant la Conférence de Copenhague. On va sûrement épiloguer sur les sources, degrés, tenants et aboutissants de cette erreur. Mais au fond, peu importe : si les glaciers jouent encore leur rôle de réserves d’eau pour l’Asie en 2035, ce sera tant mieux ; mais on ne pourra jamais savoir dans quelle mesure c’est une confirmation de l’erreur ou un effet des actions qui auront été menées d’ici là, grâce aux alertes du Giec et de biens d’autres...

      Coïncidence. Ce même jour, le Monde rapporte que selon une équipe de scientifiques internationaux, ce serait une “erreur humaine” qui aurait provoqué le 29 mai 2006, l’éruption du volcan Lusi dans l'île de Java, en Indonésie : une éruption qui a conduit à la formation d’un lac de boue d'un millier d'hectares et qui se poursuit avec le déversement de près de 60 000 m3 d'eau et de boue par jour. Une simple erreur : un forage exploratoire, mené à 3 km de profondeur par  la compagnie d'énergie indonésienne Lapindo-Brantas - laquelle rejette cette mise en cause et a été blanchie par la justice de son pays. Donc, ni une erreur, ni une faute..., qui entraîne une dévastation locale depuis plusieurs années et qui pourrait encore durer une centaine d’autres.


       Beaucoup de “réalistes” diront qu’on ne fait pas d’omelettes sans casser d’œufs. Mais de là à en faire une, en saccageant la cuisine, voire tout le quartier...

        Samedi 13 février 2010

    Jour de colère

    En relisant Le Basculement du monde. De la Terre, des hommes et du capitalisme, La Découverte, Paris, 1997.

     Toute espèce animale protège ses jeunes : de plus en plus, l'homme moderne les abandonne, par millions ou dizaines de millions dans de terrifiantes proliférations urbaines.
     Toutes les sociétés humaines ont marqué leur souci du futur, en exprimant par la sagesse ou la morale quelques règles de précaution : c'est une planète de vie qu'elles nous ont laissé en héritage. Certaines ont été sévèrement jugées pour avoir adopté comme devise "Après nous, le déluge". Mais celle qui est en train d'émerger ne se pose pas la question de l'"après-nous".
     S'entremêlent les logiques absurdes d'obstinées rationalités à courtes vues et l'inextricable écheveau des irresponsabilités ; avec les jeux complices du pouvoir et de l'argent ; avec aussi les certitudes tranquilles des barbares modernes pour qui est légitime tout ce qui est techniquement possible ; avec, en fond de tableau, les insouciances et les égoïsmes individuels ; et - à tous les niveaux - l'accumulation des petites lâchetés d'où naissent les grandes catastrophes. Car, si pendant des milliers de générations c'est principalement des fureurs de la Terre (et de la colère des dieux) que naissaient les principaux fléaux, aujourd'hui c'est essentiellement des activités humaines (et du principe d'irresponsabilité).
     Gouvernants et hommes politiques, dirigeants de grandes firmes nationales ou multinationales, directeurs et technocrates d'administrations nationales et internationales ? Ni responsables, ni coupables. Oligarchies, élites, corps scientifique, ingénieurs des pays riches et des pays pauvres ? Ni responsables, ni coupables. Pollueurs, gaspilleurs, profiteurs, consommateurs ? Ni responsables, ni coupables. Irresponsable homme de notre temps : aussi meurtrier que suicidaire. Mais cette irresponsabilité va revenir en terribles boomerangs.
     Boomerang des nouvelles générations des pays pauvres qui ne vont pas rester inertes dans des situations de moins en moins supportables, et qui auront tous les comptes à régler : avec l'histoire, avec les riches, avec les institutions, avec l'Occident.
     Boomerang du mal vivre qui s'installe, ronge nos sociétés, corrode les consciences : dans nos agglomérations désagrégées par la solitude, le délaissement, la rancœur et l'angoisse, qui pourra maîtriser le brutal déferlement de la peur panique aiguisée par la haine ?
     Boomerangs des tribunaux, judiciaires ou populaires, qui jugeront un jour entreprises, États, organismes internationaux et leurs dirigeants, pour ce qui se révèlera avoir été des crimes : contre les  déshérités, l'humanité à venir, la planète et la vie.
     Et finalement, ce simple boomerang : le regard et la voix de cet adolescent, qui, en 2015, dira à ses parents ou ses grands-parents : "Mais comment avez-vous pu laisser faire ça ?"


     Écrit il y a 13 ans..., déjà ; ou seulement. Car 2015 me paraissait si loin, alors.

        Samedi 6 février


    Janvier 2010

    Le one-man-show de Sarko

      A Davos, il a été éblouissant. Un incroyable florilège dont l’Associated Press nous restitue toute la richesse ! Deux volets :  
      1°/ Une critique du système qu’il a prôné et servi comme homme politique, ministre et président libéral :
      “La mondialisation a dérapé à partir du moment où il a été admis que le marché avait toujours raison sans condition, sans réserve, et sans limite”.
      Dénonciation d’un monde “où l'entrepreneur passait après le spéculateur, où le rentier prenait le pas sur le travailleur, où les effets de levier (...) atteignaient des proportions déraisonnables", où "il était devenu normal de jouer avec l'argent, de préférence des autres", et de gagner "extrêmement rapidement, sans effort et souvent sans aucune création de richesses ou d'emplois" des sommes considérables.
      "La crise que nous traversons n'est pas une crise du capitalisme. C'est une crise de la dénaturation du capitalisme".
      2°/ Des propositions de réformes abracadabrantesques tant elles sont contraires aux ressorts et aux forces du système :
      Avec notamment son invitation à "réfléchir" sur l'avenir du système économique actuel. "Si nous ne le faisons pas, nous prenons des risques insoutenables avec l'avenir (...) Si nous ne changeons pas la réglementation bancaire, si nous ne changeons pas les règles prudentielles, si nous ne changeons pas les règles comptables (...) où voulons-nous conduire le capitalisme qu'est le nôtre ?"
      "Nous ne sauverons le capitalisme qu'en le refondant, oserais-je le mot, en le moralisant".
      "Le G-20 préfigure la gouvernance planétaire du 21e siècle (...) ; sans le G-20, il n'aurait pas été possible d'envisager de réglementer les bonus, de venir à bout des paradis fiscaux, de changer les règles comptables".
      Après Copenhague, il faut "en finir avec un système sans règle qui tire tout le monde vers le bas" et "le remplacer par des règles qui tirent tout le monde vers le haut".
      Après la proposition de taxer la spéculation : "Que l'on veuille endiguer la frénésie de certains marchés financiers, pour financer l'aide au développement, c'est plutôt une bonne nouvelle".
      Et finalement, il s’est dit "d'accord avec le président (Barack) Obama quand il juge nécessaire de dissuader les banques de spéculer pour elles-mêmes ou de financer des fonds spéculatifs".


       « Grand parleu, petit faiseu », dit un proverbe morvandiau.
      Ou, plus gravement, cette règle d’or du politique : « quand on est au pouvoir, on ne dit pas ce qu’il faut faire : on fait ou on se tait ».

        Mercredi 27 janvier 2010

    Écrit il y a déjà 21 ans...

    En relisant le Propos d’étape final de L'économie mondiale dans les années 1980 (La Découverte, Paris, 1989), je retrouve un passage d’où je prends ces extraits (p. 309, 310 et 314-5)

     Atteintes à la couche d'ozone. Risques de bouleversement climatique. Accumulation des rejets chimiques, dans les rivières et les sols, dans les airs et les océans. Destruction des forêts et des sols, progressions des déserts. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, les effets des activités humaines risquent de dégrader profondément, voire de détruire le fragile équilibre physico-chimique qui a, jusqu'ici, rendu possible et favorisé la vie sur la Terre (...).
     La responsabilité première vient du Nord (...). Le raisonnable serait de réduire la consommation d'énergie dans les pays riches. Mais la réalité est au contraire, dans ce domaine aussi, l'aspiration de plus en plus générale à adopter le mode de vie et de production du Nord (...).
     Qui se souvient du rapport de Dag Hammarskjöld de 1975 : Un autre développement ? « Comme l'a montré la conférence de Stockholm, écrivait-il, il n'y a pas incompatibilité entre le développement et l'environnement, mais il y a des limites écologiques à l'action humaine. Ces "limites extérieures" ne sont pas absolues. Elles résultent de la manière dont les hommes produisent les bases matérielles de leur existence. Elles dépendent des techniques mises en œuvre, des rapports entre systèmes sociaux et systèmes naturels, de la façon même dont les sociétés humaines s'organisent et des valeurs qui les animent. »
     Qui a relu récemment le rapport de la commission sur les problèmes de développement international, présidée par Willy Brandt, intitulé Nord-Sud : Un programme de survie ? « Nous sommes confrontés, peut-on y lire, à des problèmes sans cesse plus nombreux qui affectent l'humanité dans son ensemble, de sorte que les solutions de ces problèmes doivent inévitablement être internationalisées [...]. Des questions globales exigent des réponses globales. Étant donné que nous sommes à présent exposés au risque de voir l'humanité se détruire, nous devons utiliser de nouvelles méthodes pour lutter contre ce péril . »
     Qui en France a lu le rapport Brundtland, rapport de la commission des Nations-Unies sur l'environnement et le développement, Our Common Future ? Publié en anglais par Oxford University Press, il n'a pas été publié en France ; mais il a heureusement été publié en français, au Québec, par les Éditions du Fleuve, sous le titre Notre avenir à tous (1988). On peut y lire : « Les prochaines décennies auront une importance cruciale. Le moment est venu où il faut rompre avec d'anciens systèmes. Chercher à maintenir la stabilité sociale et écologique en conservant les vieilles approches par rapport au développement et à la protection de l'environnement ne ferait qu'accentuer le déséquilibre. La sécurité ne sera trouvée que dans le changement [...]. Nous sommes unanimement convaincus que la sécurité, le bien-être et la survie de notre planète dépendent de telles réformes, dès maintenant  . »
     Qui, à part les « écolos », ceux que beaucoup d'hommes politiques considèrent comme des « zozos » - avec la vague crainte qu'un jour ils constituent en France aussi un parti des « Verts » - a entendu tant de voix, isolées, parfois malhabiles ou excessives ?
     Mais comment n'avoir pas écouté l'opiniâtre et généreux René Dumont ? L'Afrique noire est mal partie (1966). L'utopie ou la mort (1974). Paysans écrasés, terres massacrées (1978). La croissance de la famine (1981). Fini les lendemains qui chantent (1983-1985). Ce ne sont là que quelques-uns des titres de ses livres : toujours informés, engagés, courageux. Il vient de publier Un monde intolérable. Le libéralisme en question. Il faut le lire, bien sûr ; n'en retenons ici que deux phrases : « L'humanité court à sa perte, si elle se montre incapable d'infléchir totalement l'évolution de notre société de consommation ; en somme, si elle continue à se révéler irresponsable [...]. Il nous reste peu de temps pour sauver l'honneur et l'espoir d'une humanité en grand danger. »

     Une occasion de rendre hommage à cet homme libre et indépendant

        Samedi 23 janvier

    En guise de final

    Suite et fin de la préparation de la mise à jour de mon Histoire du capitalisme, pour sa sixième édition : Histoire du capitalisme, 1500-2010. Autre extrait :

     L’Humanité - dont plus de la moitié vit désormais dans des villes ou des bidonvilles - est fracturée en trois : des oligarchies et des classes vivant dans le luxe ou l’aisance, des populations manquant de l’essentiel et des couches intermédiaires insatisfaites et souvent inquiètes. Avec la montée des nouveaux capitalismes, le nombre des détenteurs de pouvoir d’achat est en train de passer de un à deux milliards : c’est pour le capitalisme la promesse d’une période faste. Mais pas pour la Terre, déjà éreintée.
     Le capitalisme en a vu d’autres. Déjà bien enraciné dans le monde, il peut s’acclimater partout où est l’argent. National/ mondial, structuré autour d’États et de puissants oligopoles, alimentant sa boulimie de novations grâce à son contrôle de la technoscience, il est aussi à l’aise dans la préparation des guerres que dans les reconstructions, les désastres ou les modernisations : il pourra prospérer sur une planète gravement dégradée, en vendant à qui pourra payer des solutions technologiques dures à effet rapide.

     En ce début 2010, compte tenu de l’état de la Terre, des inégalités de l’Humanité, des aspirations à consommer et des dynamiques du capitalisme, se dégagent cinq pistes possibles :
    1 - réduire drastiquement la population : un scénario “noir”, auquel certains pensent depuis longtemps ;
    2 -  sur la base d’un double désastre environnemental et social,  se résigner à la domination d’un capitalisme “verdâtre”, qui utiliserait des technologies dures pour l’alimentation, l’énergie et plus largement la gestion des climats, du vivant et des sociétés humaines : de grandes firmes déjà s’y préparent ;
    3 -  laisser s’étendre un apartheid par l’argent, avec des aires de luxe ou d’aisance protégées et des zones de pauvreté plus ou moins délaissées : une réalité “noirâtre”, depuis quelques décennies ;
    4 - favoriser l'émergence de modes de production “verts”, un peu dans l'esprit du “développement durable”, avec une diversité de formes allant des nouvelles initiatives communautaires à des entreprises capitalistes acceptant des règles écologiques et sociales ;
    5 - enfin, dans le droit fil de multiples actions et évolutions en cours, la mise en œuvre d’une “stratégie rose”, axée sur quelques objectifs majeurs : sauvegarder notre Terre vivante grâce à des énergies et technologies non nocives ; sortir du “travailler pour consommer” avec de nouvelles forme de bien-vivre ; réduire les inégalités et renforcer les solidarités, en permettant aux plus démunis de satisfaire leurs besoins vitaux...
     En somme, deux grandes voies se présentent.
     Les trois premières pistes peuvent se combiner, sous la férule d'une alliance d’oligarchies de tous pays et de très grandes firmes pour mener une mutation “verdâtre et noirâtre”, inégalitaire, autoritaire et technoscientique.
     Les deux dernières peuvent, avec des démocraties qui prennent enfin en charge nos futurs, s’articuler dans la perspective “verte et rose” de construire une Humanité réconciliée - avec elle-même et avec la Terre.
     Cela dit, nos sociétés sont tellement disparates et déboussolées que ces cinq évolutions risquent fort de toutes se déployer - avec une prédominance des technologies dures à travers lesquelles d’obstinés scientifiques s’acharneront à montrer qu’ils peuvent faire mieux que des centaines de milliers d’années de tâtonnements et d’évolution, ou mieux que Dieu. Et quand nos enfants s’apercevront qu’ils ont fait bien pire que les médecins d’Hitler, il sera trop tard.
     Pour l’éviter, il va falloir des décennies de travail et de luttes, à tous les niveaux, local, régional, continental et mondial, de l’imagination, de la volonté, de la ténacité et la conviction qu’un monde meilleur est encore possible.

        Samedi 16 janvier

    Décembre 2009

    La Chine s’affirme


      Préparation de la mise à jour de mon Histoire du capitalisme, pour sa sixième édition : Histoire du capitalisme, 1500-2010. Extrait :


     Avec les investissements étrangers et ses excédents commerciaux, la Chine dispose d’impressionnantes réserves en devises (1 800 milliards de $ fin mai 2008, 2 300 fin novembre 2009). Première productrice et premier marché pour les automobiles comme pour les métaux rares ; première émettrice de CO2, mais avec un taux par habitant modeste par rapport à l’Occident riche ; première à avoir mis au point, en septembre 2009, un vaccin unidose contre la grippe A(H1N1) ; présente dans l’espace et la construction de superordinateurs comme dans les matériaux et équipements pour les énergies nouvelles, elle revendique le plus fort effectif d’internautes.
     Cherchant sur tous les continents des marchés, des sources d’approvisionnements et des terres, multipliant coopérations et partenariats, elle appartient à de nombreux organismes plurinationaux, multiplie les visites d’État, est assidue dans les réunions et conférences internationales...
      Membre du Conseil de Sécurité de l’Onu, elle y freine bien des initiatives occidentales et bloque tout projet de réforme qui permettrait au Japon ou à l’Inde d’y accéder. Appartenant toujours au “groupe des 77” (de l’ex-tiers monde), elle se lie avec les grands pays émergents dans le groupe informel des “BRICS” (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et participe aux réunions du G 20 qui, depuis la crise de 2008, tend à supplanter les anciens G 7 et G 8, où l’on ne l’avait pas conviée...
      Et au sommet de l’Onu sur le réchauffement climatique de décembre 2009 à Copenhague, la Chine a réussi ce tour de force d’avoir à la fois :
    - signé avec les principaux pays émergents (BRICS) plus le Soudan en charge de la présidence du “Groupe des 77”, un texte très exigeant à l’égard des pays capitalistes riches ;
    - et signé avec les dirigeants des “grands pays” (riches et “émergents”), la déclaration politique générale, minimaliste et non contraignante qui a suscité de très criantes déceptions chez les dirigeants des pays à faibles revenus, les écologistes et les climatologues.
     Un texte qui laisse les mains libres à la Chine et aux États-Unis mais plonge le monde dans une totale incertitude face à ce crucial problème planétaire.


        
    Lundi 28 décembre 2009

    A quelques élus du Pays de Fontenay

      Le désastre économique dans le pays de Fontenay nécessite d’ouvrir de nouvelles voies, de lancer des initiatives, de renforcer ou susciter des dynamiques.
      Les désastres planétaires annoncés - il n’y a pas que l’effet de serre et le changement climatique - vont, qu’on le veuille ou non, nous amener à changer nos manières de produire, de consommer, bref de vivre. La question n’est pas de savoir si nous le ferons ou non, mais si nous le ferons le plus tard possible plus ou moins par contrainte ou si nous le ferons dès maintenant en contribuant par là-même à redynamiser notre région sinistrée.
      Les pistes d’action sont nombreuses, notamment :
    - économies de chauffage dans les logements, les bâtiments publics, les entreprises...
    - mise en œuvre d’énergies renouvelables et production d’équipements pour les énergies nouvelles
    - promotion de modes de transports (mais aussi de matériels informatiques et d’équipements) économes en énergie et  peu ou non polluants
    - protection des sources d’eau et lutte contre son gaspillage ; promotion des cultures locales non polluantes et de la consommation de produits de saison de la région...
      Le pays de Fontenay a d’énormes atouts : de l’eau, de l’air respirable, des savoir-faire (techniques, industriels, artisanaux, agricoles, touristiques), un environnement encore largement sauvegardé avec une urbanisation “en grappe” dans une diversité de paysages... Il peut être le cadre d’initiatives contribuant à façonner la société que nous souhaitons pour ce XXI° siècle, par exemple :
    - mise en place décentralisée (dispersée) de moyens de chauffage à partir de déchets (végétaux, animaux ou alimentaires) et de production d’énergies renouvelables (hydrauliques, éoliennes, solaires...)
    - réflexion commune entre éleveurs, agriculteurs, producteurs des “jardins ouvriers”, familles ayant des potagers, consommateurs, commerçants, pour promouvoir la production aussi peu polluante que possible de produits aussi sains que possible et leur consommation au fil des saisons
    - réfléchir aussi sur un réseau cyclable (peut-être ouvert aussi à des véhicules électriques à vitesse limitée) reliant Fontenay aux communes voisines et celles-ci entre elles ; ce réseau devrait de préférence être distinct des routes actuelles, peut-être reprendre d’autres chemins de terre et suivre autant que possible le cours des rivières et des canaux ; il deviendrait alors un réseau de circulation non polluante et un élément intéressant pour la politique touristique
    - peut-être aussi associer les écoles, et donc les écoliers et les collégiens, à cette réflexion sur ce que pourrait être la région dans laquelle ils aimeraient vivre
    - dès maintenant susciter des formations permanentes (car les changements vont s’intensifier) pour les artisans - notamment dans le bâtiment, les économies d’énergie et les énergies nouvelles.

         Lundi 7 décembre 2009

    Novembre 2009

    Libéralisme des puissants

      Ai pris connaissance du n° 44 de L'Économie politique : avec un remarquable - très clair et très érudit - article de Gilles Dostaler sur "les chemins sinueux de la pensée libérale".
      Mais je suis très mal à l'aise avec le titre du numéro "Le libéralisme en crise", comme avec l'éditorial de Chavagneux "Après le libéralisme".
      Certes "crise" peut convenir si l’on évalue le dogmatisme ultra-libéral contemporain à l’aune des pensées des grands auteurs qui ont nourri ce courant.
      Mais comment comprendre cet “Après le libéralisme” ? Des nationalisations, des réglementations rigoureuses auraient affaibli le libéralisme. Mais des brassées de milliards de dollars ont renfloué banques et groupes en difficulté, leur évitant la sanction que, selon la logique libérale, elles méritaient.
      Et jamais le “libéralisme des puissants” n'a autant déterminé la marche du monde : bien sûr à travers le libre échange entre des économies prises dans un jeu d'interdépendances sans cesse renouvelées, mais surtout du fait de la terrible capacité qu'ont les grands groupes mondiaux de manipuler les États, de laminer les faibles et finalement de faire presque tout ce qu'ils veulent presque partout dans le monde.

    Dimanche 1er novembre 2009

    Octobre 2009

    Nobel de la paix : un choix incompris

    La principale motivation du comité occultée

      “Le comité norvégien du prix Nobel a décidé d'attribuer le prix Nobel de la paix 2009 au président Barack Obama pour ses efforts extraordinaires en faveur du renforcement de la diplomatie et de la coopération internationale entre les peuples” : ainsi s’ouvre la déclaration du comité Nobel d’hier matin.
      La surprise a été quasi générale. Puis se sont multipliés réserves, désaccords et critiques : il a fait de bons discours, mais n’a encore rien accompli ; Guantanamo n’est pas fermée, l’Irak vit d’affreuses violences et on ne voit pas venir la fin de la guerre en Afghanistan - sans parler du conflit Israël-Palestine, de l’Iran, de la Russie et de la Corée du Nord. Pour des adversaires d’Obama, cette nomination est inacceptable, car elle contribue à influencer la politique des États-Unis ; pour beaucoup, elle est prématurée ; pour d’autres, c’est un encouragement.
      0r, dans cette discussion, je ne trouve aucune trace de ce que dit le comité dans la  2ème phrase de son communiqué : “Le comité a attaché une importance particulière à la vision et au travail d'Obama pour un monde sans armes nucléaires”. Point. Fin d’alinéa.

      À l’évidence, les propos du président américain sur la nécessité de reprendre les négociations sur le désarmement et la prolifération nucléaires et ses premières décisions sur le renoncement au bouclier antimissiles ont été retenus par les membres du comité Nobel, mais ignorés par la plupart de ceux qui ont critiqué ou discuté sa décision.
      Or, le désarmement nucléaire devrait être un chantier majeur pour cette première moitié du  XXIe siècle. Dans un manuscrit soumis à quelques éditeurs en 2007, j’écrivais : “Compte tenu de l’ampleur des tâches à réaliser (contre la misère, pour l’eau potable ou la dépollution, etc.), il va aussi falloir ouvrir la perspective du désarmement : un désarmement progressif et rigoureux de la planète, à commencer par l'armement nucléaire...”. Ce point a prêté à sourire : utopiste, idéaliste, irréaliste, bref, pour nos directeurs de pensée, incorrect.
      La discussion qu’a suscitée la désignation d’Obama met en lumière l’incapacité de l’ensemble de l’intelligentsia occidentale à admettre l’urgente nécessité du désarmement nucléaire.
      Dramatique.

        Samedi 10 octobre 2009

    Le culot d’Hulot 

    Sur le temps d’une prise de conscience

     La nouvelle fait les gros titres : Nicolas Hulot a radicalisé sa position. 

     Il prend la mesure de l’inégalité de notre monde, dénonce le contraste entre le gaspillage et le dénuement, jette l’opprobre sur la société de consommation et du toujours plus - donc sur le capitalisme - et en conclut qu’il nous faut changer l’ensemble de notre mode de vie.
     Il dit ce que disaient déjà nombre de vigies, de vigilants et de lanceurs d’alerte il y a une vingtaine d’années. Vingt ans pour franchir ce grand pas, en un sens c’est bien - tant sont encore nombreux ceux qui s’arc-boutent sur des positions de réserve, de scepticisme ou de négation. Sauf que la situation a profondément changé : depuis les années 1980, des hommes et des femmes de tous les continents sont entrés par centaines de millions dans la spirale sans fin de la consommation ; des centaines de millions aspirent à les suivre et des milliards, tombés dans le dénuement ou la misère, cherchent par tous les moyens à vivre ou à survivre.
     La Terre est menacée. Le vivant est éreinté par nos excès. Et si ce n’est pas trop tard pour faire face, c’est déjà infiniment plus difficile qu’il y a vingt ans.
     En outre, il y a vingt ans, on pouvait espérer une vaste mobilisation planétaire pour une Terre vivante et des sociétés plus humaines. Mais aujourd’hui, ceux qui veulent mener ce combat avec des moyens simples et à faibles niveaux de risques, avec un peu de frugalité et plus de richesse humaine, risquent d’être débordés ou balayés par d’autres stratégies. De puissants groupes et lobbies - financiers, industriels, technoscientiques - préparent de méga-projets à hauts degrés de technologies, de coûts et de risques - pour la “gestion des climats”, l’eau, l’électricité, l’alimentation et plus largement la “maîtrise du vivant” : des projets qui, l’histoire le montre, seront d’autant plus dangereux qu’ils seront efficaces et centralisés et d’autant plus rentables qu’ils répondront aux attentes des pays riches et de couches ou classes à haut pouvoir d’achat.
     Ainsi, ceux qui s’engagent, travaillent ou agissent pour une Terre vivante et des sociétés plus humaines doivent désormais se battre sur deux fronts : toujours contre la dégradation de notre maison la Terre, mais aussi contre les groupes, les lobbies et leurs grands commis des États, qui seront d’autant mieux en mesure d’imposer leurs méga-marchandides que sera devenu alarmant l’état de la planète.

     Combien sont prêts à ce double combat ? Et Nicolas Hulot en aura-t-il le culot ?

        Jeudi 8 octobre 2009

    C’est la France qu’ils ne cessent d’agonir... 

    d’injures, de mépris et de morgue

     “Casse-toi pauv’con”, “... pendre sur un croc de boucher le responsable de la manipulation”, “Quand il y en a un, ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes” : ce sont les Français qu’ils agonissent de leurs injures. Et c’est la France qu’ils accablent de leur vulgarité.
     Suppression sans concertation de tribunaux, disparition annoncée du juge d'instruction, mises sous pressions de magistrats par des ministres ou le chef de l’État : ce sont des fonctionnaires et des citoyens qu’ils agonissent de leur mépris. Et c’est la justice qu’ils sapent et fragilisent.
     Réduction des ressources pour les collectivités territoriales dont ils alourdissent les charges ; menaces sur les communes, les cantons et les départements, espaces de démocratie, d’initiative et de cohésion : ce sont les gens simples et leurs élus qu’ils agonissent de leur morgue. Et c’est le fragile maillage de la nation qu’ils détricotent.
     Défiscalisation des grandes firmes, déresponsabilisation des grands patrons, déconstruction de nos institutions de solidarité sociale : c’est le principe républicain d’égalité qu’à petits coups ils mettent en lambeaux.
     Télécommunication, poste, eau, santé, éducation, partout - et surtout dans les quartiers et territoires en difficulté - le service public a subi ou subit les assauts de son principal garant, le gouvernement de la République.
     Augmentations des dépenses de l’Élysée, manne étatique dispensée aux banques privées, tolérance pour les adeptes de l’évasion fiscale, creusement des déficits, gonflement de la dette : fleurons d’une politique de gribouilles qui frappe, appauvrit, précarise, désespère les plus vulnérables, avant que salariés et petits entrepreneurs, épargnants et pensionnés en fassent les frais.
     Un président qui promeut le nucléaire dans l’ex-tiers monde ; un ministre de l’environnement qui incite les automobilistes à remplacer leurs carburants par de l’électricité nucléaire ; les technologies douces et décentralisées évincées par de grandes firmes et de puissants intérêts : ce sont les chances d’une terre moins dangereuse et plus vivable qu’ils sacrifient inexorablement.

     Profits, prébendes et pouvoirs prédominent sans freins : l’héritage républicain et social de la France est en danger.

        Jeudi 1er octobre 2009

    Septembre 2009

    Sur la crise en Sud-Vendée

     La région de Fontenay souffre gravement des effets de la crise économique mondiale.
     Mais il importe de voir qu’en arrière fond de la brutale crise financière puis économique qui a éclaté l’an dernier, une mutation plus profonde est en cours : une mutation énergétique et technologique, qui va affecter à la fois nos manières de produire et nos modes de vie, et au cours de laquelle de nouvelles puissances  vont s’affirmer et se renforcer.
     Or, si l’on ne voit que la crise, on se focalise sur la chute d’activité et il est logique d’attendre la reprise - ce qui risque souvent d’être insuffisant.
     Mais si l’on prend en compte la mutation, on doit faire un diagnostic plus fouillé :
    - certaines activités vont subir un déclin ce qui nécessite une reconversion ;
    - d’autres vont évoluer ;
    - d’autres au contraire sont appelées à une rapide croissance.
     Pour tous ceux - décideurs, ménages et jeunes - qui doivent faire des choix aujourd’hui, il est important de prendre en compte cette mutation. Car les gagnants seront ceux qui auront fait les bons choix pour les années  2010-2020.

     Face aux incertitudes et aux écueils de la mondialisation, beaucoup peut être fait au niveau de l’Europe, de la France et des grandes régions.
     Mais des petites régions, des villes, des communes peuvent aussi être des lieux de relance et de dynamisme ; beaucoup déjà dans le monde combattent leurs problèmes présents en mettant en œuvre des projets d’avenir.
     La région de Fontenay, le Sud-Vendée ne manquent pas d’atouts : paysages, ressources naturelles, savoirs faire agricoles, manufacturiers et technologiques, une remarquable vitalité...
     Sur ces bases, nous avons à concevoir et lancer des projets - touchant à la fois aux domaines énergétique, technologique, écologique, culturel et social - qui amorcent la mise en place des activités et des modes de vie dans les prochaines décennies.

     Pour commencer, on ne peut que gagner à accentuer les efforts en faveur des économies d’énergie (notamment dans les bâtiments publics et les logements des personnes et des familles en difficulté) et la mise en œuvre de nouvelles sources d’énergie et de chauffage non polluantes.
     Au delà, on peut souhaiter que se dégagent des stratégies cohérentes - par exemple pour les transports, la santé, la gestion de l’eau, la promotion des cultures vivrières pour les consommateurs locaux, les constructions nouvelles, le remodelage de certains espaces construits...
       

        Lundi 21 septembre 2009

    Délires techoscientiques

     Le Monde rapporte que la Royal Society a examiné les principales voies que propose la géoingénierie pour contrer le réchauffement climatique. En bref, les méthodes les moins risquées paraissent ou trop compliquées ou trop longues à mettre en œuvre et d’une efficacité insuffisante : c’est le cas de la capture du carbone à la source avec stockage géologique, de l’enfouissement de biomasse, du reboisement massif ou de la capture par procédé chimique du CO2 déjà présent dans l'atmosphère, etc.
     Deux “solutions” paraissent peu réalistes : l’envoi d'immenses miroirs spatiaux entre la Terre et le Soleil ; et l’augmentation de la capacité de réfléchir les rayons solaires - qui se réduit actuellement avec la fonte des glaces polaires - en étendant les zones de couleurs claires dans les agglomérations, sur les routes ou dans les déserts...
     Mais deux “solutions” fascinent par leur “simplicité” et leur efficacité techniques : la diffusion de composés ou de particules soufrés dans la haute atmosphère et la "fertilisation" des mers par des particules de fer pour augmenter la production du phytoplancton - et donc la capture de carbone par photosynthèse.


      Quiconque a quelque peu lu et réfléchi sait combien sont multiples, complexes et souvent fragiles les interactions qui, depuis des millénaires gouvernent le vivant et les climats d’une Terre vivante : y intervenir massivement par des injections ferreuses ou des saupoudrages soufrés sera pire pour notre planète que peut l’être pour une fourmilière le passage d’un soc. Depuis longtemps la littérature d’épouvante a stigmatisé la figure du savant fou. Voici qu’il nous revient sous la bannière de la géoingénierie climatique, pour nous proposer des “solutions” ubuesques à coûts très élevés - donc alléchantes pour bien des firmes - et à risques incalculables :  des “solutions” qui risquent de séduire des hommes de pouvoir qui n’ont pas le courage de s’attaquer aux racines du mal, en instaurant les règles et les contraintes permettant de limiter, et quand il le faut de réduire, nos émissions de gaz à effet de serre.

         Vendredi  4 septembre 2009

    Drame planétaire, farce parisienne

     “Rétroactions du climat en Arctique : les implications mondiales”, le dernier rapport du WWF est dramatique : ”Depuis quelques décennies, l’Arctique s’est réchauffé à peu près deux fois plus que le reste du globe... Aux conséquences régionales du changement climatique en Arctique s’ajoutent les impacts mondiaux... Le changement climatique en Arctique affecte le reste du monde en modifiant les circulations atmosphérique et océanique, qui influent sur les conditions météorologiques, et en amplifiant la fonte des calottes glaciaires et des glaciers qui fait augmenter le niveau mondial des mers et en modifiant les concentrations de gaz à effet de serre... Près de 40 % des glaces de mer existantes en 1970 avaient disparu en 2007... Entre 2004 et 2008 seulement, l’étendue de glace épaisse, celle qui persiste pendant plusieurs années, a décliné de 42 %... Le réchauffement atmosphérique amplifié en Arctique se répandra probablement sur les terre des latitudes élevées, ce qui accélérera la dégradation du permafrost, et aura pour conséquence un relargage plus important des gaz à effet de serre [carbone et méthane] actuellement coincés dans le sol gelé... Les changements en terme de température et de salinité et leurs effets sur la densité provoquent des inquiétudes du fait de leur capacité à modifier l’intensité de la circulation océanique mondiale... Le niveau de la mer augmentera de plus d’un mètre d’ici 2100, encore plus que ce qui était prévu auparavant, largement à cause de la perte croissante de masse des calottes glaciaires...”.


      A Paris, François Fillon, ombre du président à la tête de son gouvernement, vient d’annoncer le montant de la taxe carbone française - 14 € la tonne,  au plus bas de tout ce qui avait été évoqué jusqu’ici. Après le malaise présidentiel de fin juillet, deux hypothèses sont permises : ou bien c’est le signe d’un début d’autonomie concédée au chef du gouvernement, ou bien c’est un ballon d’essai lancé pour permettre de remettre en scène l’autorité du chef de l’État.
     Un ballon d’essai lancé par une ombre.

        Jeudi 3  septembre 2009

    Août 2009

    Longue vie aux algues vertes ?

     Le Premier ministre François Fillon, visitant (aujourd’hui) la plage de Saint-Michel-en-Grève (Côtes-d'Armor), a promis que l'État prendrait "toutes ses responsabilités" : il “va prendre à sa charge le nettoyage des plages qui sont le plus touchées, c'est-à-dire de celles sur lesquelles il peut y avoir un risque de santé publique".
      Mais des responsables de la fédération France Nature Environnement (FNE) ont réclamé la mise en place d'une "véritable politique de prévention" : "Il est temps de mettre en place une véritable politique de prévention et que les problèmes environnementaux et sanitaires liés aux pollutions aux nitrates ne soient plus niés par une partie du monde agricole" et "la responsabilité du modèle agricole intensif est évidente, tant en matière d'élevage que de cultures, mais aussi celle de l'industrie agro-alimentaire et de l'agro-business en général"...


      Certes (v. billet du 4 août 2009). Et il est bien inquiétant que, face à une pollution grave, dévastatrice et porteuse de mort, le  premier ministre ne s’engage à apporter l’aide de l’État que pour le nettoyage des plages les plus touchées : une annonce qui naguère était du ressort d’un préfet ou d’un sous-préfet.

        Jeudi 20 août 2009

    Tueurs anonymes

       En lisant Jour de Galop, à partir d’une indication de lemonde.fr.
      Un cavalier et sa monture en promenade sur une plage des Côtes d’Armor ont été pris dans une zone d’algues mouvantes. L’homme âgé de 27 ans a très vite perdu connaissance : il a été sauvé grâce à l’intervention d’un conducteur de tractopelle chargé du ramassage des algues vertes. Le cheval est mort très rapidement. Selon l’article, “le médecin qui a soigné le cavalier et les associations de protection de l’environnement ont mis en cause le dégagement d’hydrogène sulfuré, que peuvent produire des accumulations d’algues vertes en décomposition” ; des algues vertes dont la prolifération est liée “au rejet de nitrates dans l’eau par l’agriculture intensive”.


      Difficile en effet de ne pas mettre en cause l’agriculture et l’élevage intensifs qui impliquent l’usage massif d’engrais chimiques et entraînent bien plus de déjections animales que la terre ne peut supporter. Sans oublier qu’éleveurs et agriculteurs sont sous la férule de leurs banques, des industries agro-alimentaires et du grand commerce...
      Plus largement, la mort de ce cheval s’inscrit dans un tragique palmarès : destruction massive d’herbes, des fleurs et de plantes, d’insectes et de petits animaux, dont certaines espèces sont menacées ou ont disparu ; productions largement dépendantes de produits chimiques dont la dangerosité se révèle à tous les stades (fabrication, utilisation, consommation, persistances dans les sols, les eaux...) ; progressive suppression de toutes formes de vie dans les sols - jusqu’à laisser des terres mortes et stériles : ce qui risque de rendre nécessaire, demain, un recours massif à des cultures et des élevages industriels - la plante ou la bête recevant directement le nutriment conçu et préparé par l’agrochimie.

        Mardi 4 août 2009

    Juillet 2009

                                                            Électricité intelligente

    Lu dans le Monde, dans l’article de Grégoire Allix : “La révolution de l'électricité est en marche. Les réseaux électriques intelligents, ou "smart grids", s'apprêtent à bouleverser notre manière de produire, de distribuer et de consommer l'énergie. L'enjeu écologique est triple : les smart grids sont le sésame pour réduire la consommation globale d'électricité, limiter le recours aux centrales les plus polluantes et intégrer des millions de sources d'énergies renouvelables (...). Ce marché attire désormais des entreprises du calibre de Google, Intel, Microsoft, IBM, Oracle, General Electric, SAP, Siemens, Schneider ou Accenture” et, depuis peu, Cisco. En France, on fait des comptes de boutiquier : déjà les compteurs coûtent bien cher...


     Dominée par le nucléaire et, de ce fait, en retard pour les énergies nouvelles décentralisées, la France sera-t-elle réputée demain pour avoir le réseau électrique le plus bête du monde ?

        Jeudi 9 juillet 2009

    Juin 2009


    Le PS à vau-l’eau

     À l’aune des votes lors des récentes élections européennes, le PS a pris une sévère déculottée. Première secrétaire, Martine Aubry, a dans la foulée convoqué le conseil national du parti : elle s’est donné six mois, pour  "changer de cap", évoquant la "refondation de nos idées et de notre projet", une "nouvelle démarche de rassemblement à gauche" pour "bâtir une maison commune" et la "refondation de notre parti". 

     Mais comment la croire, alors que, depuis sa désignation, ce n’a été que batailles d’ego, manœuvres de courants et jeux d’appareil - jusque dans la procédure de désignation des candidats sur les listes pour ces élections européennes ? Comment lui faire confiance quand elle emploie un vocabulaire démagogique et creux : que peut bien signifier “refonder” quand il s’agit d’un parti, d’idées et de projets qui s’enracinent dans une longue et riche histoire ?
     Pour s’imposer face à la droite, pour l’emporter en 2012, il faut s’affronter aux problèmes et aux urgences de notre temps, dégager les réponses avec tous ceux qui sont concernés, ouvrir des perspectives pour les nouvelles générations et avec elles, dans ce processus, retrouver un souffle et ranimer l’espérance.
     Ce dont sont incapables des apparatchiks principalement soucieux de leurs places, de leurs carrières et de satisfaire leurs médiocres ambitions.

        Mercredi 10 juin 2009

    Obama au Caire

     Intelligence, habileté et sens de la médiatisation du président Obama : ce discours était de longue date annoncé comme devant ouvrir une nouvelle ère dans les relations entre les États-Unis et le monde musulman.
    En fait, hier au Caire Obama s’est principalement adressé aux “Musulmans du monde”, leur lançant en ouverture : “Salam aleïkoum” pour leur apporter d’emblée l’expression de ‘’la bonne volonté du peuple américain et une salutation de paix de la part des communautés musulmanes de mon pays”. Il s’est clairement démarqué de son prédécesseur, s’est montré soucieux de réduire les tensions qui tenaillent la région, a condamné les “extrémistes violents (qui) ont exploité ces tensions auprès d'une minorité de musulmans” et a réitéré l’exigence de la solution du conflit israélo-palestinien par la mise en place de deux États.

     Au fond, rien de vraiment bouleversant.
     D’où vient alors cette ovation, cette large approbation, ce sentiment qu’il a réalisé l’impossible ? C’est qu’en s’aventurant dans ces dossiers difficiles, sur ces sujets explosifs, Obama avait trouvé un joker : Dieu. Il a plusieurs fois cité le “Saint Coran”. Et pour parler de la paix, il a mobilisé non seulement le Saint Coran, mais aussi le Talmud et la Sainte Bible pour conclure : “Les peuples du monde peuvent vivre ensemble en paix. Nous savons que c’est la vision de Dieu. Maintenant, ce doit être notre tache ici sur Terre”.
    Applaudissements.
    Difficile de ne pas applaudir.
    Sauf que, dans le silence de la réflexion ou dans l’échauffement d’une discussion, beaucoup ont dû se rappeler que, depuis des siècles et des siècles, et très récemment encore, d’autres citations du Saint Coran, du Talmud et de la Sainte Bible ont été utilisées pour justifier des guerres ou encourager à y prendre part ; et que probablement il y a eu plus de guerres lancées que de paix signées au nom de Dieu.
     Et il faudra plus que ces évocations sacrées pour redonner sa chance à la paix dans cette région du monde.

        Vendredi 5 juin 2009

    Mai 2009

    Soupçon de terrorisme

     Mis en examen le 15 novembre 2008 dans le cadre d’une enquête sur les sabotages des caténaires de la SNCF, maintenu mois après mois en prison dans le cadre d’un dispositif mis en place pour lutter contre le terrorisme, Julien Coupat est sorti de prison aujourd’hui ; mais il reste placé sous un strict contrôle judiciaire. Depuis des mois, protestations critiques et appels se multipliaient contre sa détention ; mais c’est très probablement la publication, avant-hier dans le Monde, d’une interview du (présumé innocent) terroriste qui a poussé les autorités à changer de ligne.

     Si leur objectif était de faire connaître Julien Coupat et de contribuer à la diffusion de ses idées et de ses analyses, l’opération est pleinement réussie. S’il était de “terroriser les terroristes”, un peu comme l’avait fait Bush à Guantanamo, sans se soucier de leur innocence ou de leur culpabilité - ce qui paraît totalement impensable dans un pays aussi respectueux des droits, du Droit, de la Liberté et de la Loi que la France - c’est un total fiasco.
     Ce brusque changement de ligne est difficilement compréhensible. À moins que notre omnipotent Président ait été saisi par la culture, la réflexion, le style, la vivacité et la gouaille du contestataire : “Voilà la plume qu’il me faut”, aurait-il pu s’écrier - au grand dam de ses proches.
     Mais laissons parler Julien Coupat. À cette question : “Comment analysez-vous ce qui vous arrive?”, il réagit vivement : “Détrompez-vous : ce qui nous arrive, à mes camarades et à moi, vous arrive aussi bien (...). Ce qu'il y a, c'est une oligarchie vacillante sous tous rapports, et qui devient féroce comme tout pouvoir devient féroce lorsqu'il se sent réellement menacé (...)”. Et encore : “On nous suspecte comme tant d'autres, comme tant de "jeunes", comme tant de "bandes", de nous désolidariser d'un monde qui s'effondre. Sur ce seul point, on ne ment pas. Heureusement, le ramassis d'escrocs, d'imposteurs, d'industriels, de financiers et de filles, toute cette cour de Mazarin sous neuroleptiques, de Louis Napoléon en version Disney, de Fouché du dimanche qui pour l'heure tient le pays, manque du plus élémentaire sens dialectique. Chaque pas qu'ils font vers le contrôle de tout les rapproche de leur perte (...)”.
     Quel souffle ! a-t-Il peut-être soupiré. C’est quand même mieux que Besson, Hulot, Allègre et Besancenot réunis !

       Jeudi 28 mai 2009

    Politiques de santé ?

     Sous la présidence de George W. Bush, le nombre d’Américains non assurés contre le risque de maladie est passé de 38 à 46 millions et il continue d’augmenter avec la montée du chômage. Comme promis avant son élection, le président Barack Obama vient de s’attaquer à ce chantier, avec pour objectif d’instaurer aux États-Unis une couverture maladie universelle - un projet qu’avaient déjà cherché à réaliser dans les années 1990, sans y parvenir, le président Clinton et son épouse.
     À Pékin, les autorités ont annoncé leur décision de renforcer les financements publics en matière de santé : pour assurer d’ici 2011 une couverture médicale à 90 % de la population et mettre en place d’ici 2020 un “système de santé sûr, pratique et raisonnable”, aussi bien dans les villes que dans les campagnes.
     À Paris, le président Sarkozy affirme vouloir “sauver” le système français de santé en appliquant des recettes libérales d’avant la crise : supprimant centres de soins et emplois, présidentialisant le management de l’hôpital public et y instaurant des normes comptables qui, pour faire bref, rendront plus rentable pour un établissement d’amputer un patient que de lui administrer les soins de longue durée que nécessite un diabète grave.
     Et dans le monde entier, l’OMS informe sur les risques d’une nouvelle pandémie d’abord qualifiée de porcine, puis de mexicaine :  le pire paraissant écarté dans l’immédiat, elle en laisse planer la menace pour l’automne.
     Problème majeur pour les pays les plus pauvres, la santé est devenue une préoccupation primordiale dans les pays riches dont la population vieillit. C’est aussi un secteur d’activités en expansion : il représente plus de 10 % de la production nationale en Allemagne et en France et  plus de 16 % aux États-Unis. La lutte contre la maladie est devenue non seulement le cœur, mais l’essentiel, l’essence même, des politiques de santé. On dénombre de plus en plus de maladies et de malades à qui sont administrés des soins de plus en plus coûteux - et dont les effets, collatéraux ou ultérieurs, sont de plus en plus inquiétants. Les déficits sociaux se creusent. Et les “politiques de la santé” sont devenues un enjeu majeur pour les firmes des médicaments et des équipements de soins - toujours plus inventives, agressives et puissantes...

     Or, lutter contre la maladie ne peut ni ne doit se réduire aux soins à apporter aux patients.
     Il faut bien sûr reprendre, poursuivre, amplifier les efforts de prévention : en matière d’alimentation, d’abord, notamment face aux fléaux de la “malbouffe” ; en matière d’hygiène de vie, ensuite, par exemple du fait de la nouvelle addiction aux écrans ; et puis, face aux dangers de la médicalisation (maladies propagées par les centres de soins ou troubles suscités par des médications) et à ses excès : ne vaut-il pas mieux, pour certaines maladies, laisser le patient prendre le temps d’en guérir ? Quelques pour cent  des budgets de maladie réorientés vers la prévention - dans la famille, à l’école, par la télé, les médias et l’internet... - réduiraient fortement l’ampleur des atteintes à la santé.
     Plus largement, nous devons aussi nous attaquer aux causes anthropiques, sociales, économiques, culturelles de nos maladies. L’eau qu’on boit, l’air qu’on respire, ce qu’on mange, nos habitats, les pollutions, l’environnement, l’urbanisme, les transports, le travail, les loisirs, le stress : n’est-ce pas là que réside l’origine de la plupart des maladies qui foisonnent aujourd’hui ? Et à un moment où la double crise de la Terre et de l’économie mondiale nous incite à rechercher d’autres modes de vie moins gaspilleurs et moins dévastateurs, ne devons-nous pas veiller à ce qu’ils soient aussi moins périlleux et moins nuisibles pour notre santé ?
     Avec un mode de vie et d’activité et une organisation sociale moins anxiogènes et moins générateurs de mal-être que ceux d’aujourd’hui, la lutte contre la maladie ne serait plus une préoccupation quotidienne de tous et de chacun. Pour bénéficier pleinement des savoirs accumulés et des avancées récentes, elle pourrait être modulée selon quelques règles : le généraliste d’expérience et de bon sens avant le spécialiste ; les soins ayant fait leurs preuves avant les produits nouveaux ; les soins ayant le moins d’effets secondaires avant ceux qui sont porteurs de nouveaux risques et, sauf urgence, des soins patients et adaptés avant toute opération...

         Mercredi 13 mai 2009


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    Avril 2009

    Durban II à Genève

     Après la 3e Conférence mondiale des Nations unies contre le racisme qui s’était tenue à Durban début septembre 2001, ses surenchères et ses affrontements, beaucoup craignaient le pire. Outre Israël et les États-Unis, quelques grands pays européens avaient choisi de ne pas venir sur les rives du Léman. Mais un long travail préparatoire et de patientes négociations  diplomatiques avaient permis l’élaboration d’un texte qui contribue à consolider les droits des hommes et des femmes : un texte qui a été prestement adopté, ce qui est en soi positif dans un monde aussi disparate et, sur certains points essentiels, désaccordé, que l’est le nôtre.
     Cela ne changera évidemment rien dans l’immédiat aux pratiques attentatoires aux droits humains de certains pays - sur des bases religieuses, ethniques ou politiques. Et la dénonciation, l’isolement et la critique des extrémismes doit évidemment se poursuivre.


     Mais, en tant qu’homme blanc et Européen, je sois dire que je suis souvent sidéré, voire choqué, par l’arrogance tranquille, la bonne conscience de certains donneurs de leçons occidentaux. Tout de même, nos ancêtres n’ont-ils pas brûlé des femmes (accusées d’être des sorcières), des penseurs et des savants, massacré ou condamné à des morts terribles des hommes de foi (accusés d’être des hérétiques), capturé, exhibé comme des animaux, mis en esclavage ou massacré des hommes, des femmes et des enfants “de couleur” sur tous les continents, pillé des œuvres, méprisé, dévalorisé, dévasté des cultures et des civilisations ?
     Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’on doit faire acte de repentance pour le passé. Presque partout l’histoire a été cruelle. La nôtre l’a largement été. C’était il y a quelques siècles, quelques décennies. Certes.
     Mais ne devons-nous pas, aujourd’hui encore, balayer devant notre porte ? N’y a-t-il pas encore, en Occident, chez des dirigeants et dans les “élites” - y compris intellectuelles - des restes du machisme et du racisme sans lequel ces crimes n’auraient pu être commis ?

       Mardi 21  avril 2009

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     Fallacieuses autosatisfactions

     Mines réjouies, faces hilares, surenchères verbales : les dirigeants réunis à Londres se sont évertués à faire passer ce message : la réunion du G20 a été un succès.
     Or, déjà sur ce qui a été l’objet essentiel de ce sommet - la crise financière et bancaire - les résultats sont limités et incertains. Le triplement des moyens du FMI permettra seulement de renforcer des concours ponctuels ; les “mises en garde” du Conseil de stabilité financière risquent d’être sans effet dès que sera revenue une suffisante confiance ; et au delà des déclamations, on est très loin de mesures efficaces - concrètes et applicables dans tous les espaces numérisés du globe -  réglementant agences de notations, rémunérations des maîtres ès entourloupes financières, hedges funds, réseaux financiers parallèles et paradis fiscaux.
     Le plus grave est qu’a été totalement ignoré le cœur de la mutation en cours : les effets désastreux de nos consommations sur notre planète et les abyssales inégalités qui déstructurent nos sociétés et pourrissent les relations entres les grandes régions du monde. Face à ces enjeux essentiels, il est clair que la sortie de crise ne doit pas passer principalement par le crédit et qu’elle ne peut pas se limiter à la reprise de la consommation marchande : une autre manière de vivre est nécessaire ; elle est déjà en train de s’inventer, de s’esquisser ; il faut l’encourager, la soutenir et la promouvoir dans le monde. Par exemple, puisqu’on sait que la sauvegarde d’une Terre vivante nécessite, entre autre, une forte réduction des émissions de gaz à effet de serre, il faut encourager massivement les économies d’énergie et le recours aux énergies vertes : la Commission européenne, l’équipe d’Obama et les dirigeants chinois disent vouloir le faire ; mais ce n’était pas à l’agenda de ce G20.
     En fait, depuis l’éclatement de la crise bancaire et financière, la question essentielle, vitale - celle des ravages croissants que les activités humaines causent à la Terre - est passée en arrière plan.
     Les dirigeants des grandes économies du monde - 10 % des pays, 85 % du produit selon les comptes mondiaux - sont d’accord sur un point : il faut relancer la machine à produire sans se soucier ni de la Terre, ni des pays et des régions de pauvreté. Tous y voient un moyen majeur de conserver le contrôle de leurs sociétés, donc  leur pouvoir.
     En outre, chacun y voit la possibilité de jouer sa propre carte : les deux pays-continents “émergents”, Chine et Inde, veulent profiter au mieux des difficultés et des inerties des pays les plus avancés pour leur tailler des croupières ; l’oligarchie dont Obama est le mandataire veut profiter de ses atouts technologiques et financiers pour reprendre l’initiative et creuser de nouveaux écarts ; les pays pétroliers et gaziers veulent être en mesure de capter les rentes croissantes que leur assurera la reprise de la demande de ces énergies ; les pays qui maîtrisent le nucléaire vont en disséminer les installations, avec tous les risques qui leur sont liés ; ceux qui ont des terres, vont y développer la production d’agrocarburants ou les louer aux plus offrants...


     Derrière les effusions et les embrassades de fin de sommet, s’est ébauchée une nouvelle carte du monde, avec de nouvelles rivalités et de nouveaux défis : en fait, sur une Terre en détresse, un mélange de”sauve qui peut” et de “chacun pour soi”.
     Pas de quoi pavoiser : une nouvelle fois a été manquée  l’occasion d’offrir aux pays et aux peuples du monde un projet pour une humanité plus humaine sur une Terre vivante en bonne santé.

        Samedi 4  avril 2009

     




    Mars 2009


    Quelles réponses, à quelle crise ?

     Quels contrastes ! Entre les manifestations du 19 mars et l’entêtement, à la fois autiste, dogmatique et politique, du président français. Plus largement, entre les ravages sociaux de la crise, les difficultés, les angoisses, les peurs qu’elle génère dans tous les pays, et la primauté accordée par les grands gouvernements occidentaux aux sauvetages des banques et à la relance par le crédit. Mais contraste aussi, entre la profondeur des aspirations et des espérances de tous les segments des sociétés, particulièrement dans la jeunesse, et les réponses myopes ou rituelles apportées par les organisations censées être porteuses d’un projet social progressiste.
     Prenons garde : laisser ces contrastes dégénérer en divorce et les inquiétudes en désespérance, c’est faire le lit des populismes, des fascismes et de tous les extrémismes.

     Obnubilés par le court terme, manquant d’une vision historique, l’ensemble de nos dirigeants n’ont pas pris la mesure de la crise. Qu’il soit permis à un économiste qui travaille depuis une quarantaine d’années sur le capitalisme et son histoire* d’en indiquer quelques dimensions et de suggérer quelques pistes d’action.
     Dans les derniers siècles, à partir d’économies de marché avancées, le capitalisme s’est constitué, affirmé, étendu, plusieurs fois transformé et mondialisé ; à travers innovations, spéculations, croissances et crises, il a bouleversé nos sociétés et nos modes de vie et changé la face du monde,
     La crise en cours est  d’une particulière gravité en partie du fait de la mondialisation mais pour l’essentiel parce que se sont imposées depuis les années 1980 les “idées folles” d’une réforme néolibérale qui a détruit des compromis, des régulations, des normes et des modes de protection sociale mis en place pays par pays depuis des siècles ou des décennies. Pour les tenants du néolibéralisme, cette crise constitue un certain échec, dans la mesure où elle a rendu nécessaire l’intervention de l’État pour parer à des désastres engendrés par d’irresponsables pratiques financières ; mais elle peut aussi être un instrument dans le prolongement des “stratégies du choc”** mises  en œuvre à partir des années 1980 : des stratégies visant à démanteler les législations et protections sociales, les services publics, les normes et les contrôles, pour offrir aux plus grandes firmes la plus large “liberté” d’action et aux plus riches une illimitée “liberté” de s’enrichir.
     Or cette vague néolibérale a contribué à accentuer et accélérer la montée de deux phénomènes très inquiétants pour le devenir de nos sociétés et du monde :
     - le creusement des inégalités ;
     - l’épuisement de la Terre.
     Dans une période où les rapports d’argent et la consommation marchande tendent partout à se généraliser, les inégalités se sont accrues dans tous les pays - riches, “émergents” et pauvres ; à l’échelle du monde, elles ont continué à se creuser entre pays et elles tendent vers l’infini entre les milliardaires en dollars et les plus démunis des pays pauvres.
     Et alors que, depuis les années 1980, les prélèvements et les rejets de nos sociétés excèdent de plus en plus ce que la Terre peut endurer pour se régénérer, le mauvais exemple états-unisien des années Bush a favorisé un surcroît de ravages : croissance des émissions de gaz à effet de serre qui auraient dû être réduits, développement de cultures et de plantations assistées par des épandages massifs d’herbicides, retard dans la mise en œuvre d’énergies, de techniques et de matériaux verts, etc.
     La réponse néolibérale à ces crises est claire : assurer à quelques millions de riches et d’ultra-riches le “libre”-accès à des zones sauvegardées et sécurisées ainsi que la pleine jouissance de nouvelles technologies coûteuses, conditions de sécurité et de bien-vivre sur une planète fortement dégradée,où menace un peu partout la colère des multitudes de nouveaux nécessiteux.


     Face à cela, les grandes lignes d’une réponse à la crise inspirée par les idéaux humanistes, sociaux et progressistes coulent de source :
     - D’abord, tout faire pour réduire les inégalités, dans chaque pays et dans le monde : en renforçant et réinventant des processus de solidarité, en mettant hors marché l’accès aux biens vitaux et en menant partout des politiques simples et tenaces contre les excès de pauvreté et de richesse.
     - Ensuite, mettre fin au processus d’épuisement de notre planète et de destruction du vivant : en décidant et en encourageant partout massivement les économies d’énergie et de matières ainsi que le recours aux énergies, aux ressources, aux techniques et aux modes de vie “verts”.
     - Enfin, engager dans les sociétés d’opulence un régime de désintoxication de notre addiction au “consommer toujours plus” et combattre résolument les consommations ostentatoires - tant privées que publiques -, comme le “tourisme de l’espace”, les surarmements et tous les inutiles gâchis de ressources essentielles (eau, terre, air, etc.).

        Vendredi 20 mars 2009

     * Histoire du capitalisme. 1500-1980, Paris, Seuil,1981 - 5ème  éd. , Histoire du capitalisme. De 1500 à 2000, Points-Economie, Seuil, 2000. Le Système national/mondial hiérarchisé (une nouvelle lecture du capitalisme mondial), La Découverte, 1987. L'État de l'environnement dans le monde, dir.. avec al., La Découverte, 1993. Le Basculement du monde. De la Terre, des hommes et du capitalisme, La Découverte, 1997 - nouvelle éd. Poche, 2000. Et, pour des textes plus récents, <http://www.michelbeaud.com>.
     ** Naomi Klein, La Stratégie du choc, La montée d’un capitalisme du désastre, Leméac/ Actes Sud, 2008.
     

    Pourquoi faut-il qu’il m’en souvienne ?


      Ce matin au réveil, des images très claires de mon enfance à Cognin, en Savoie.
      De plain pied, au sortir de la cuisine, surplombée et assombrie par une haute haie de troènes, une dalle de béton agrémentée de tristes fougères. À gauche une haute marche descend sur un petit palier : si on laisse, à droite quelques marches de béton qui montent vers la “maison du haut” et le portail, et en face l’entrée buissonnière vers la “table d’ardoise”, son pommier aux petites pommes grises et plus loin le magnolia, on descend à gauche l’escalier qui flanque la “maison du bas”, la vieille maison.
      C'est un escalier paresseux qui invite au jardin : un large escalier de terre, dont chaque marche est tenue par un bois rond, lui même fixé par de petits piquets. Après une première marche presque horizontale sur près d’un mètre, deux longues marches en légère pente, ravinées et pierreuses, descendent sous la fenêtre de la cuisine, vers la porte de la cave et, au delà du pilier de la véranda, vers le jeu de boule.
      Je n’ai jamais connu la véranda que branlante et pourrissante. Elle avait été construite par mon grand-père Denat pour que sa femme, poitrinaire, puisse s’y reposer à l’abri du soleil et y prendre l’air sans aller au jardin, puisqu’on y avait accès de la salle à manger par une porte-fenêtre. Elle avait encore de belles teintes cuivre et ocre, adoucies par le temps, qui se mêlaient à celles du bois qui réapparaissaient au fur et à mesure que se dégradait une peinture jamais refaite. Chaque année la véranda s’affaiblissait. Et il fallait l’insistance d’un parent en visite attaché à d’anciens souvenirs pour que les adultes y prennent l’apéritif ou le café ; ou l’audace d’un aîné, pour que, en l’absence des parents, nous y goûtions un jour de pluie.
      À gauche en descendant  l’escalier, avant le premier pilier de la véranda, un palier de terre donnait accès aux caves. D’abord à la grande cave, située sous la salle à manger : avec, à gauche en entrant, un fouillis de vêtements, bottes et chaussures de jardin ; à droite, au long du mur sous la porte-fenêtre de la véranda, des rayonnages, aménagés pour les fruits, fermés par de larges vantaux grillagés s’ouvrant vers le bas ; et, au fond à droite, dans un large recoin formé par le mur de l’escalier intérieur qui remontait à l’arrière de la cuisine, un fatras d’objet et d’ustensiles inutilisés qu’il paraissait normal de conserver. C’est là qu’ensuite nous rangeâmes nos bicyclettes.
      Enfin, sur la gauche (en entrant dans la grande cave), après le fouillis de vêtements, deux marches descendaient vers la double porte de la petite cave - peut-être l’ancien caveau d’une ancienne vigne. Y flottait encore l’odeur, ou le souvenir, du vin. Je ne saurais dire jusqu’à quand on y a tiré du vin des tonneaux, ni jusqu’à quand on y a conservé des bouteilles, en cas... Il y avait aussi un vinaigrier et un garde-manger aux fins grillages - car c’était le temps où nous n’avions pas de réfrigérateur. Mais surtout, dans un recoin à droite en bas des marches, il y avait, probablement creusées dans la roche, la réserve d’eau de la maison. Une eau alimentée par une source dont bénéficiaient d’autres maisons voisines ; une eau probablement venue de la montagne de l’Épine et que nous tirions sur l’évier de la cuisine grâce à une vieille pompe à bras, qui désamorçait volontiers “quand ce n’était vraiment pas le moment”. Une eau toujours fraîche et que j’ai bue pendant tous les étés de mon enfance et pendant quelques années après le bombardement de Chambéry.


       Que j’ai bue sans savoir que ce pur plaisir - boire une eau fraîche et saine venue de la montagne - serait un jour pour moi, comme pour des milliards d'autres, à tout jamais perdu. 

         Lundi 9 mars 2009

     



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    Fevrier 2009

    Pauvres de nous...


      La quasi-totalité des comptes rendus du premier grand discours prononcé avant-hier par le président Barack Obama devant le Congrès sont d’une affligeante indigence ; le plus sérieux est celui du Devoir, mais il faut aller au texte diffusé par la Maison Blanche - en anglais et en espagnol - pour en saisir la cohérence et l’importance.
      Il parle clair : “Sans doute notre économie est-elle affaiblie et notre confiance ébranlée (... mais) ce soir je veux que chaque Américain sache ceci : nous allons reconstruire, nous allons nous rétablir, et les États-Unis d'Amérique en sortiront plus forts qu'avant”.
      Il appuie là où ça fait mal : “Nous savons depuis des décennies que notre survie implique que nous trouvions de nouvelles sources d’énergie ; pourtant, nous importons plus de pétrole que jamais (...). Nos enfants vont être en compétition pour des emplois dans une économie globale à laquelle trop de nos écoles ne les préparent pas (...). Nous avons vécu une ère où trop souvent les gains à court terme primaient sur la prospérité de long terme”.
      Il invite à l’action :”Il est grand temps de prendre en charge notre futur. Il est temps d’agir hardiment et sagement - pas seulement pour ranimer l’économie, mais pour construire les nouvelles fondations d’une prospérité durable”.
      Et il développe cinq lignes d’actions, deux imposées par la conjoncture : rendre vigueur à l’économie et restaurer la stabilité financière - et trois décisives pour le futur : l’énergie, la santé, l’éducation. Ce passage sur l’énergie illustre sa vision : “Le pays qui maîtrise la puissance d’énergies propres et renouvelables montrera le chemin pour le XXIe siècle. Or c’est la Chine qui a lancé le plus important programme de l’histoire pour rendre son économie énergétiquement efficiente. Nous avons inventé la technologie solaire, mais sommes en retard pour la produire par rapport à des pays comme l’Allemagne et le Japon”. Et pour fabriquer des moteurs hybrides, il nous faut des “batteries made in Korea“...

      Au total, dans ce discours s’expriment une pensée, une vision et un projet qui se saisissent des problèmes des États-Unis et des enjeux de la crise pour formuler une politique : alors que le président-gouvernement français s’échine à faire face, au coup par coup, aux difficultés qu’il rencontre et aux problèmes qu’il a suscités et que les dirigeants européens tirent à hue et à dia, passant plus de temps à discutaller, à se disputailler et à se rabibocher qu'à définir une ligne d’action dans le maëlstrom actuel.
      Entre une Amérique qui se ressaisit et une Chine qui va tailler sa route, pauvres de nous, irrésolus français et européens.

          Jeudi 26 février 2009

     

    Quand souffle l'esprit

     Depuis un mois, manifestations, protestations et grève générale ont suspendu l’activité courante en Guadeloupe. À Paris, le président se tait. Le gouvernement a dépéché un secrétaire d’État qui s’est empressé de revenir à Paris - probablement pour que l’Autorité suprême se prononce. Mais c’est un groupe d’intellectuels, poêtes, philosophes qui prend la parole, à travers le “Manifeste pour les « produits » de haute nécessité”. Ernest Breleur, Patrick Chamoiseau, Serge Domi, Gérard Delver, Edouard Glissant, Guillaume Pigeard De Gurbert, Olivier Potecop, Olivier Pulvar et Jean-Claude William écrivent :
     “C'est en solidarité pleine et sans réserve aucune que nous saluons le profond mouvement social qui s'est installé en Guadeloupe, puis en Martinique, et qui tend à se répandre à la Guyane et à la Réunion (...). Cette grève est donc plus que légitime, et plus que bienfaisante (...).
     “La « hausse des prix » ou « la vie chère » (...) sont les résultantes d'une dentition de système où règne le dogme du libéralisme économique (...). Il est donc urgent d'escorter les « produits de premières nécessités », d'une autre catégorie de denrées ou de facteurs qui relèveraient résolument d'une « haute nécessité » (...).
     “La question de la responsabilité est donc de haute nécessité. C'est dans l'irresponsabilité collective que se nichent les blocages persistants dans les négociations actuelles. Et c'est dans la responsabilité que se trouve l'invention, la souplesse, la créativité, la nécessité de trouver des solutions endogènes praticables (...).
     “Il y a donc (aussi) une haute nécessité à nous vivre caribéens dans nos imports-exports vitaux, à nous penser américain pour la satisfaction de nos nécessités, de notre autosuffisance énergétique et alimentaire.
     “L'autre très haute nécessité est ensuite de s'inscrire dans une contestation radicale du capitalisme contemporain (...). Nous sommes tous victimes d'un système flou, globalisé, qu'il nous faut affronter ensemble (...).
     “On peut mettre la grande distribution à genoux en mangeant sain et autrement. On peut renvoyer la Sara et les compagnies pétrolières aux oubliettes, en rompant avec le tout automobile. On peut endiguer les agences de l'eau, leurs prix exorbitants, en considérant la moindre goutte sans attendre comme une denrée précieuse (...).
     “Enfin, sur la question des salaires et de l'emploi. Là aussi il nous faut déterminer la haute nécessité. Le capitalisme contemporain réduit la part salariale à mesure qu'il augmente sa production et ses profits (...).
     “Quant à l'idée du « plein emploi », elle nous a été clouée dans l'imaginaire par les nécessités du développement industriel (...).
     “Nous sommes maintenant au fond du gouffre. Il nous faut donc réinstaller le travail au sein du poétique. Même acharné, même pénible, qu'il redevienne un lieu d'accomplissement, d'invention sociale et de construction de soi, ou alors qu'il en soit un outil secondaire parmi d'autres (...).
     “Voici ce premier panier que nous apportons à toutes les tables de négociations et à leurs prolongements : que le principe de gratuité soit posé pour tout ce qui permet un dégagement des chaînes, une amplification de l'imaginaire, une stimulation des facultés cognitives, une mise en créativité de tous, un déboulé sans manman de l'esprit (...).
     “Projetons nos imaginaires dans ces hautes nécessités jusqu'à ce que la force du Lyannaj ou bien du vivre-ensemble, ne soit plus un « panier de ménagère », mais le souci démultiplié d'une plénitude de l'idée de l'humain (...).
     “Alors voici notre vision :
     “Petits pays, soudain au coeur nouveau du monde, soudain immenses d'être les premiers exemples de sociétés post-capitalistes, capables de mettre en oeuvre un épanouissement humain qui s'inscrit dans l'horizontale plénitude du vivant...”.


     Puisse ce texte être largement diffusé, discuté, médité, approfondi, travaillé. Un texte rare, offreur de sens dans la crise que nous vivons.

        Lundi 16 février 2009



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    Janvier 2009

    "La Torah nous interdit...”

     Sur le site du Nouvel Obs : «Dans un communiqué publié mardi 27 janvier, l'armée israélienne désavoue officiellement une brochure ultra-nationaliste rédigée par le rabbinat et punit l'officier responsable de sa diffusion aux soldats religieux durant l'offensive militaire israélienne "Plomb durci" à Gaza. "Une analyse de cette brochure montre qu'elle contient des dérives par rapport à la politique générale établie par le général Avihaï Rontski, rabbin en chef de l'armée"».
      Une organisation de défense des droits de l’Homme en Israël avait révélé la diffusion de ce texte, dont une dépêche d’avant-hier de l’AFP donne ces extraits et commentaires : «Avoir pitié envers un ennemi cruel revient à se montrer cruel envers nos justes soldats (...) Nous sommes en guerre contre des assassins. A la guerre comme à la guerre" (...). Le texte cite longuement des déclarations d’une figure du nationalisme religieux et de la colonisation en Cisjordanie occupée, le rabbin Shlomo Aviner, opposé à tout compromis avec les Palestiniens. "La Torah nous interdit de remettre un seul millimètre (de la Terre d’Israël) à des non-juifs, que ce soit par des enclaves, des zones autonomes ou d’autres concessions manifestant notre faiblesse nationale" (...). La brochure juge tout à fait légitime de "faire un parallèle entre les Palestiniens d’aujourd’hui et les Philistins de la Bible" contre lesquels le roi David avait combattu, affirmant dans les deux cas qu’Israël fait face à des "envahisseurs étrangers" qui n’ont aucun droit à la Terre promise».
     Vendredi dernier dans le  Monde, des habitants d’un faubourg oriental de Gaza racontaient l'acharnement de soldats israéliens sur des civils : “ils ont fait sortir tout le monde et nous ont rassemblés dans un bâtiment. Nous étions près de 120 personnes. Nous sommes restés toute la nuit. Il y avait des explosions, des coups de feu. C'était la panique totale. Les enfants pleuraient. Il faisait froid. Nous avons ouvert la porte pour aller chercher du bois. Mon père était dans la rue, mort. Les soldats nous ont ordonné de rentrer. Puis il y a eu un bombardement et ensuite un deuxième et après les obus sont tombés sur le toit. Vingt-deux personnes sont mortes” raconte Moussa Samouni, 19 ans. Et Fahed : “Lorsqu'ils sont entrés, les soldats nous ont demandé de lever les mains et de sortir. Ils étaient huit ou dix. C'est alors qu'ils ont tiré. Mon père a été tué sur le coup. Il avait trente balles dans le corps ! Il a été tué sous mes yeux. Tout le monde s'est mis a crier et à pleurer. Ils ont tiré à nouveau. Plusieurs autres membres de la famille ont été blessés, surtout des enfants dont mon frère Ahmed, âgé de 4 ans. Il a reçu deux balles dans la poitrine et des éclats dans la tête. Puis ils ont incendié une pièce. On ne voyait plus rien, On étouffait. Au bout de dix minutes, nous avons été autorisés à sortir et à nous diriger vers la route principale. J'avais mon frère dans mes bras. Les Israéliens nous ont craché dessus. Les ambulances ne pouvaient pas approcher”.


     De cet acharnement, il y a eu bien d’autres témoignages et nul ne saura jamais dans quelle mesure y ont contribué les lignes haineuses de la brochure, les consignes de la hiérarchie militaire et les pulsions de ces jeunes Israéliens en uniforme. Injustifiable, inexcusable. Et ce silence fétide de belles âmes si souvent promptes à s’indigner...

        Mercredi 28 janvier 2009

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    Gaza : la politique de l’hyperchoc

     Gaza, janvier 2009 : L’intervention terrestre annoncée (voir billet du 31 XII 08) a commencé le samedi 3 janvier. Dimanche 4, des obus ou des bombes sont tombées aux abords du marché central, les habitants se terrent, terrorisés. Lundi 5 : de violents combats ont eu lieu dans la ville de Gaza, des bombardements ont fait une cinquantaine de morts - ce qui porte à plus de 550 le nombre de victimes palestiniennes ; face aux pénuries  d'électricité, d'eau et de nourriture les appels au cessez-le-feu se multiplient - rejetés par Israël. Mardi 6 : les combats se poursuivent, la situation humanitaire empire - ce que contestent des officiels israéliens. Avant-hier, mercredi 7 :  trois écoles gérées par l'agence de l'Onu d'aide aux réfugiés ont été bombardées ; des dizaines de civils s'y étaient réfugiés - mais, selon un officier israélien, la présence de membres du Hamas y avait été signalée. Hier jeudi 8, Le Caire et Paris ont proposé, pour ouvrir la voie à la recherche d’une issue, une conférence sur la sécurisation de la frontière entre l’Égypte et Gaza ; Israël pourrait y participer avec la proposition de la construction d’un “mur”, avec de profondes fondations (pour empêcher les tunnels) tout au long de cette frontière. Mais au nord du pays, des roquettes ont été lancées du Liban en Israël, faisant plusieurs blessés. Aujourd’hui, malgré l’appel au cessez-le-feu du Conseil de sécurité de l’Onu, des tirs de roquette ont encore eu lieu sur Israël, tandis que bombes et obus tombaient sur Gaza où des véhicules du CICR ont été la cible de tirs israéliens ; le bilan des Palestiniens tués approche 800 - dont un tiers d’enfants et une trentaine de médecins.
     Outre  la guerre du Liban de l'été 2006, cela me rappelle deux autres moments forts.
     Rafah, avril 2004 : une opération de forces combinées est engagée dans le sud de la bande de Gaza, pour notamment détruire les tunnels d’acheminement d’armes ; elle se heurte aux protestations des habitants contre les destructions de maisons, fait quarante à cinquante morts et suscite un blâme du Conseil de sécurité de l’Onu qui “condamne le massacre de civils palestiniens, invite Israël à respecter les obligations que lui impose le droit humanitaire international, en particulier l’obligation de ne pas se livrer aux destructions d’habitations”.
     Jénine, avril 2002 :  l’explosion d’une maison qu’ils fouillaient tue treize soldats israéliens ; bombardements de la ville et du camp, attaques par hélicoptères, destruction de maisons par bulldozers font, selon les sources, des dizaines ou des centaines de morts ;  le représentant de l’Onu, revenu dans le camp placé sous sa responsabilité déclare : “C’est comme si un tremblement de terre avait touché le camp. C’est absolument inacceptable, d’une horreur qui dépasse l’entendement (...). Rien ne peut justifier ce qui a été fait ici. La lutte contre le terrorisme ne donne pas un chèque en blanc contre les populations”.


     Tentant depuis des lustres de comprendre pourquoi ce conflit paraît marqué au sceau d’une funeste fatalité, j’arrive à ce double constat. D’abord, ces deux peuples aspirent majoritairement à cohabiter en paix ; mais chacun porte en lui une minorité qui rejette tout accord : Juifs qui veulent le Grand Israël puisque c’est la volonté de Dieu, et Arabes qui refusent à l’État hébreu le droit d’être sur cette terre. Ensuite, depuis l’accession de Sharon au pouvoir, aucun pas n’a été fait vers la paix - une paix que rendent systématiquement impossible l’usage brutal de la force armée et la dévalorisation ou la destruction de toute force ou de toute personnalité susceptible de négocier au nom du peuple palestinien. Aujourd’hui, le gouvernement d’un Olmert politiquement cuit poursuit la sale besogne de Sharon : il profite du vide institutionnel lié au changement de président aux États-Unis pour provoquer une dose de ravages suffisante pour faire avorter tout effort de paix dans les prochains semestres.

        Vendredi 9 janvier 2009

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    Obama et les oligarques

     Comme presque tout le monde, j’ai été fasciné par Obama :sa prestance, son élégance, son charme, son éloquence pour délivrer un discours qui semble venir autant du cœur - et même de l’ensemble de sa sensibilité - que de son intelligence, autant de son passé lointain que de l’instant présent, autant de sa capacité de calcul que de son intuition et de sa générosité. J’ai admiré son courage - car il sait qu’en tout moment, il est pour beaucoup une cible honnie -, sa tendresse pour sa famille, son art de communiquer avec ses auditoires, de séduire, d’expliquer - même sur des sujets difficiles -, de convaincre et de susciter chez celles et ceux à qui il s’adresse le sentiment d’un échange entre elles et eux, et lui. J’ai écouté, lu, apprécié sa vision, ses analyses et ses propositions.
     Comme d’autres sans doute, je me suis parfois demandé comment il était monté si haut si rapidement. Et depuis quelques temps, je suis comme beaucoup surpris par la composition, qu’il révèle jours après jours, de son équipe.
     De nombreux sites internet évoquent des connexions avec la Commission Trilatérale et le Groupe de Bilderberg. Le Groupe de Bilderberg est ancien ; avec le Council on Foreign Relations, il est un des lieux d’influence majeurs du système de pouvoir des États-Unis : simplement par le poids, la puissance et les réseaux de ses membres. Dans les années 1970, compte tenu de la nécessité - face à l’empire soviétique et au turbulent tiers monde -  d’une meilleure coordination au sein de la Triade capitaliste, un élargissement du Groupe à des membres européens et japonais fut envisagé. Mais fut finalement décidé, comme l’avait proposé Zbigniew Brzezinski, la création d’un nouveau lieu de concertation, d’élaboration et d’influence : ce fut la Commission Trilatérale, qui réunit, elle aussi, d’éminentes personnalités - de la finance, et plus largement des affaires, de la politique, de l’université, de la recherche, mais aussi du syndicalisme.
     Si les réunions de la Trilatérale sont soumises à des règles de discrétion qui confinent au secret, elle publie et diffuse, depuis 1973, des rapports. J’ai donc consulté, sur son site, la liste des derniers rapports discutés et publiés ; en voici les titres : Engaging Iran and Building Peace in the Persian Gulf Region (2008), Energy Security and Climate Change (2007), Engaging with Russia: The Next Phase (2006), Nuclear Proliferation: Risk and Responsibility (2006). On retrouve ces thèmes dans les discours de campagne d’Obama : le premier quand il s’est dit, dans une perspective de paix, prêt à reprendre le dialogue avec l’Iran ; le deuxième thème a été très fortement présent tout au long de ses campagnes ; il l’est encore dans son programme de lutte anti-crise, comme dans la composition de son équipe de gouvernement. Le moins que l’on peut dire est qu’il y a une forte convergence de points de vue sur ces thèmes entre le président élu et la fraction de l’oligarchie occidentale qui anime la Trilatérale. Manifestement celle-ci souhaitait une rupture claire avec la politique de Bush ; pour ce faire, un démocrate était préférable à un républicain, et Obama à Clinton.  
     En outre, parmi ceux qu’Obama est en train de choisir pour mener sa politique, les plus influents sont membres d’instances non officielles de l’oligarchie ; pour ne parler que des trois lieux de pouvoir évoqués plus haut, appartiennent :
    - à la fois au Groupe de Bilderberg, au Council on Foreign Relations et à la Commission Trilatérale : Hillary Clinton, Secrétaire d’État ; Timothy Geithner, Secrétaire au Trésor ; Paul Volcker, Economic Recovery Advisory Board ; Lawrence Summers, Conseil économique national ;
    - “seulement” au Groupe de Bilderberg et au Council on Foreign Relations : Joseph Biden, Vice Président élu ; Robert Gates, Secrétaire à la défense ; Bill Richardson*, Secrétaire au commerce ; Tom Daschle, Secrétaire à la santé ;
    - “seulement” au Groupe de Bilderberg et à la Commission Trilatérale : le général James L. Jones, National Security Advisor ;
    - “simplement” au Council on Foreign Relations : Susan Rice, ambassadrice à l’Onu ; Janet Napolitano, Homeland Security.


     Je ne sais dans quelle mesure ni par quelles voies l’oligarchie qui domine les États-Unis a contribué à la carrière d’Obama. Mais, à la veille du début de son premier mandat, apparaît combien elle le soutient et l’encadre : encore ne s’agit-il que d’une facette visible d’un imposant iceberg.

        Dimanche 4 janvier 2009

     * Bill Richardson, à cause d’une suspicion susceptible de retarder sa nomination, a renoncé à accepter ce poste.

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